Cinq ans après sa nomination à la tête d’Air France-KLM le bilan de Ben Smith est des plus positifs, surtout vu les événements auxquels il a du faire face. Mais cela ne doit pas faire oublier qu’il reste des choses à améliorer et que la partie est loin d’être gagnée.
La nomination de Ben Smith à la tête d’Air France-KLM le 16 aout 2018 a été une grosse surprise. Un étranger, pas un haut fonctionnaire mais un vrai professionnel du secteur, on n’était pas habitués à cela. Si le profil a séduit (en tout cas nous), la partie n’était pas gagnée d’avance : comment allait il s’en sortir avec Air France, cette entreprise très politique, truffée de hauts fonctionnaires qui ne connaissent rien au secteur, où, comme me l’avait dit un ancien dirigeant « trop de personnes ont le pouvoir de dire non« , sclérosée par ses corporatismes. Allait il enfin dompter les rebels néerlandais de KLM, qui d’ailleurs ne se plaignaient pas que pour de mauvaises raisons ? Allait il finir par faire en sorte qu’après 14 ans d’un mariage jamais vraiment consommé Air France et KLM deviennent enfin Air France-KLM ?
Le tout alors que le groupe ne va pas bien financièrement, surtout Air France qui était exsangue, que cette même Air France était dans un contexte de contestation syndicale dure depuis plusieurs années. Il fallait du courage voire de l’inconscience pour accepter ce travail, surtout à ce salaire comparé aux standards du marché. Ou beaucoup de confiance en soi.
Le contexte de l’arrivée de Ben Smith
On ne peut pas parler de l’arrivée de Ben Smith sans parler du contexte dans lequel il est arrivé. Mais dire qu’Air France était un puit sans fond, une entreprise irréformable avec de syndicats qui donnaient l’impression de préférer la mort de la compagnie à la perte de leurs avantages, que Air France et KLM ne s’entendaient pas et que la situation économique était critique serait incomplet.
Il y a une photo à un moment mais il y a la dynamique qui a mené à cette situation. Partir avec un handicap est compliqué, mais lorsqu’on est dans une dynamique négative depuis une quinzaine d’années le tableau est encore plus noir. Avant de redresser il faut d’abord stopper la descente.
Et la descente, beaucoup y ont participé voire l’ont accentuée.
Il y a eu l’éphémère Janaillac qui avait l’air de se demander comment il était arrivé là et a plongé l’entreprise dans la crise en démissionnant à l’issue d’un référendum que personne ne lui avait demandé d’organiser.
Il y a eu le sympathique de Juniac. Connaisseur du secteur (il l’a prouvé à l’IATA par la suite) mais qui n’avait pas la manière ni le discours. Ni peut être le courage.
Spinetta ? Il a eu la bonne intuition en rachetant KLM. Mais il a sacrifié la compétitivité de la compagnie à la paix sociale. Et en concédant à KLM le doit de ne pas faire trésorerie commune (cash pooling) il a fini de semer les graines du mal dont souffrira le groupe par le futur.
Attali ? Il a tellement creusé les pertes de la compagnie qu’à un moment on a cru qu’il allait trouver du pétrole.
On ne parlera pas du naufrage Gourgeon, des questions restées sans réponses sur la dégradation de la sécurité sous son mandat, de la dégradation du produit (ah la densification et les sièges toboggan à l’inverse du marché), et du manque de fermeté face aux pilotes…
Pour diriger Air France ou Air France KLM il faut connaitre le secteur (voire avoir une vraie passion pour), avoir une vraie vision, être fin politique, bon négociateur, mais également savoir rester ferme.
Tous les nom précités avaient plusieurs de ces qualités mais aucun ne les avaient toutes.
Bref on attend toujours un vrai capitaine à bord depuis le départ de Christian Blanc en 1997.
Autant dire que Ben Smith était l’homme de la dernière chance pour la compagnie car si certains pensent qu’Air France est indestructible il ne faut pas chercher loin pour trouver des compagnies nationales qui ont du déposer le bilan ou être rachetées faute de pouvoir survivre seules.
Un mandat sous le signe du COVID
Si pour juger le mandat de Ben Smith il faut avoir conscience de la situation qu’il a trouvé en arrivant, il faut regarder les écueils qui se sont dressés devant lui.
Nommé en Aout 2018 il verra les frontières de l’UE se fermer en mars 2020 puis peu à peu les déplacements s’arrêter au sein de l’Union jusqu’à se se retrouver avec une flotte quasi totalement clouée au sol. Avec un retour à la normal qui s’est opéré en 2022 il n’a pu officier dans des conditions normales que pendant deux ans et demi. Le reste du temps il a fait face à la pire crise que le secteur ait connu, une crise que personne n’aurait pu imaginer même dans ses pires cauchemars.
Une telle crise aurait pu être fatale à n’importe quelle entreprise en bonne santé, alors pensez pour une compagnie très fragile…
Et bien en 2023 Air France-KLM est toujours débout et si les aides d’Etat (remboursées depuis) y sont pour quelques choses, on doit tout de même à sa direction le dynamisme avec lequel le groupe est ressorti de la crise.
En octobre 2018 nous avions identifié les chantiers que nous estimions prioritaires pour le nouveau patron d’Air France-KLM, chantiers dont nous avons ensuite constaté avec plaisir qu‘ils faisaient bien partie de sa roadmap.
Faisons donc le point 5 ans plus tard.
Restaurer la confiance des clients
Cela peut vous sembler une époque lointaine mais lorsque Ben Smith arrive la hantise des clients est de voir leurs voyages ruinés par une des multiples grèves dont la compagnie avait le secret. A tel point que certains, par sécurité, préféraient se détourner d’elle.
Pire, le message envoyé par les syndicats à l’occasion de certaines grèves relevait parfois du pur mépris pour les clients.
Tout cela semble bien loin. S’il a commencé à réformer la compagnie, cela s’est fait dans le calme et qui dit compagnie pacifiée dit confiance retrouvé aussi bien en interne qu’avec les clients.
Remettre le client au centre
Il semble aussi que le temps où la compagnie pensait que sa clientèle était captive est également révolu. La compagnie commence à vraiment essayer de comprendre ses clients et leurs besoins.
Mieux vaut tard que jamais, Ben Smith a enfin compris que contrairement à une idée qui a longtemps ancrée dans la tête des gens du marketing, une grande partie de ses sièges en business class sont occupés par des voyageurs loisirs et que l’essentiel des voyageurs professionnels voyage en economy.
Il paraitrait même que certains commencent à comprendre que les contrats entreprise sont loin d’être une garantie pour capter la clientèle des voyageurs d’affaire.
A côté de ça la compagnie continue d’écouter ses clients, souvent par le biais de questionnaires adressés à des clients ciblés…même si les questions posées sur ceux que nous avons vu passer ne nous plaisaient pas trop.
Après tout n’est pas parfait. Quand les plats chauds disparaissent du moyen courrier car la compagnie n’a fait installer qu’un seul four sur les A220 et que ce four sert à réchauffer uniquement…les plats du personnel, ça rend certains clients hystériques et on les comprend.
Non seulement on ne croit pas trop que cette suppression corresponde à une demande des passagers mais sentir depuis la cabine les effluves des plats de l’équipage rappelle cette ancienne mauvaise habitude qui était de jouer le personnel contre les clients.
Aligner tout le monde quitte à faire le ménage
Air France avait la réputation d’être une entreprise ou trop de gens avaient le pouvoir de dire non. Depuis son arrivée, Ben Smith s’est progressivement entouré de spécialistes du secteur venant d’horizons divers et il semble bien que désormais les décisions et leur exécution aillent plus vite. Au niveau du groupe comme de chaque compagnie, on pense plus business et moins politique qu’avant, et ce à tous les étages.
Et si tout n’est toujours pas parfait avec KLM les remous semblent moins fréquents qu’avant. Serait-ce dû au fait que Smith ait fini par avoir la tête du turbulent Pieter Elbers, remplacé par la plus consensuelle Marjan Ritel ?
Mais en tout état de cause le go to market semble beaucoup plus rapide qu’avant et on sent un dynamisme qu’on ne connaissait pas par le passé.
Le gros navire irréformable est devenu agile et c’est à mettre au crédit de la nouvelle direction.
Clarifier les marques et leur positionnement
Une des premières décision de Ben Smith a été de mettre fin à la prolifération des marques qui rendaient l’offre illisible. Au revoir Joon, adieu Hop!, vous ne nous manquerez pas.
Désormais il y a deux marques premium, Air France et KLM et une low cost, Transavia. C’est clair et limpide.
Par contre on aime beaucoup moins de voir que sur certaines routes, par contre, seule l’offre low cost est disponible.
Moderniser la flotte
Le COVID a eu la peau des derniers A340, des A380 et des B747 (hors fret) alors que les livraisons se B787 et d’A350 sont régulières. L’A220 a également fait une arrivée remarquée chez Air France.
En 2028 68% de la flotte sera composée d’avions de nouvelle génération.
On regrettera peut être l’abandon trop hâtif de l’A380 : si c’était une saine décision, inévitable à moyen terme, il aurait peut être été utile de les garder sous le coude pendant un ou deux ans pour la saison estivale pour pleinement tirer profit de l’explosion du trafic, comme l’a fait Lufthansa, en attendant d’avoir reçu tous les A350. D’ailleurs contrairement aux idées reçues, peu de compagnies ont vraiment abandonné le super jumbo..
On apprécie également la rationalisation des flottes avec, notamment, les A350 chez Air France et les B787 chez KLM même s’il est possible d’aller encore plus loin.
Reprendre la montée en gamme
Alors ici on a plusieurs sous-sujets.
Les cabines
On note un vrai progrès sur les cabines long courrier chez Air France avec, pour exemple, les récentes cabines des A350 et des B777. Les cabines business sont vraiment réussies, les premium economy abandonnent enfin les sièges à coque fixe et les récentes cabines economy semblent également très agréables. Par contre les sièges Cirrus de la cabine Best & Beyond des B777 et B787 vieillissent vraiment mal…
On a également du mal de comprendre le choix d’une configuration en 2-2-2 dans la business class des A330 alors que même les cabines « COI » sont en 1-2-1, même avec un siège un peu moins agréable que le reste de la flotte.
Quant au moyen courrier….il est ce qu’il est avec des cabine correctes sans être exceptionnelles à part sur le récent A220.
En court courrier cela va de moyen à vraiment pas terrible…
Et on attend avec impatience la nouvelle classe La Première qui devrait arriver en 2024.
Chez KLM par contre c’est moins rose sur le long courrier. Encore des cabines business class en 2-2-2 sur B777 et A330, des B787 avec un Cirrus inspiré de celui d’Air France mais en moins bien et l’annonce de nouvelles cabines qui a vraiment tardé. Et encore, cela introduit un nouveau modèle, uniquement pour le 777. On est loin de la rationalisation de LH Group.
On aimerait tellement également que l’une ou l’autre des compagnies en finisse avec les cabines eurobusiness en business class moyen courrier pour installer un vrai siège spécifique comme le fait Turkish Airlines ou les compagnies asiatiques sur leurs monocouloirs. Ca ça serait vraiment différenciant et donnerait un vrai avantage par rapport à la concurrence. Mais ça restera un rêve…
Le catering
Commençons par le long courrier.
Ca a toujours été le marqueur d’Air France, un peu moins de KLM mais chacune dans son style propose un bon catering dont nous n’avons jamais eu à nous plaindre.
Mais bon n’est pas exceptionnel, on mange également très bien voire mieux sur certaines compagnies européennes, asiatiques ou du Golfe. Spécialement en ce qui concerne Air France qui en fait logiquement un argument commercial : on y mange bien mais pas assez pour que cela incite à choisir la compagnie plutôt qu’une autre. On mange également très bien, voire mieux, sur Turkish Airlines, SAS, Austrian, Singapore Airlines, Qatar Airways et j’en passe.
KLM n’a pas les mêmes prétentions mais propose à notre avis une offre très correcte qui ne déçoit jamais.
Ensuite le moyen courrier.
Côté Air France c’est beaucoup moins reluisant. Que la prestation soit ridicule et quasi inexistante sur les vols courts peut être compréhensible quoi que ne correspondant pas au standing revendiqué par la compagnie, mais elle est désormais tout aussi ridicule sur les vols les plus longs. La prestation servie en economy est indigne d’une compagnie premium et celle servie en business est correcte mais souvent insipide.
De plus, peu importe la classe de voyage, les plats chauds ont totalement disparu. Mais pas les fours ! Si vous sentez en plein vol les effluves d’un plat appétissant sachez qu’il est destiné à l’équipage.
Une bonne opération pour l’équipage pour qui cela demande moins de travail, pour la compagnie qui fait des économies mais on cherche encore l’intérêt du client.
Nous rappelons juste que Swiss, Iberia, Austrian ou encore TAP arrivent à servir des plats chauds sur des vols de 2h ! Et Turkish Airlines pour un vol de 40 minutes, même en economy, et même lorsqu’il faut servir les 350 passagers d’un 777 entre Istanbul et Izmir !
Bref si vous faites un vol moyen courrier de 3h ou plus sur Air France, peu importe votre classe de voyage, passez faire vos emplettes dans une sandwicherie avant.
Et sur KLM ? Et bien ça n’est pas mieux.
Le personnel et le service
Souvent critiqué nous trouvons que le service sur Air France et l’attitude générale des équipage s’est vraiment amélioré ces dernières années et c’est une remarque que nous entendons d’ailleurs souvent autour de nous.
Quant à KLM nous avons toujours trouvé le personnel efficace et sympathique même si la promesse n’est pas la même que sur Air France.
Par contre j’apporterai un bémol : on l’impression que l’entrain et l’attention diminuent sur Air France proportionnellement à la durée du voyage. Le pire étant le court courrier où, à une exception près dont nous reparlerons prochainement, les équipages semblent détachés, lointains et travaillent presque mécaniquement.
Peut être par dépit et parce qu’ils ont l’impression que la compagnie n’a rien à faire du court/moyen courrier ? Peut être.
Conclusion
Sans que cela soit transcendant il y a a une réelle montée en gamme chez Air France, moins chez KLM. En tout cas sur le long courrier. Dans ce sens les deux compagnies du groupe assument leur positionnement : des compagnies long courrier avec un positionnement plus premium et haut de gamme pour Air France.
Le corolaire est que le court-moyen courrier à l’air d’être totalement laissé à l’abandon avec une prestation qui s’est considérablement dégradée ces dernières années. N’allez pas chercher plus loin pourquoi nous avons fini par migrer sur Star Alliance et OneWorld pour nos vols intra européens.
Autre conséquence : le focus sur les classes avant, notamment chez Air France. Ca n’est pas pour rien que, si Air France figure en bonne place dans le dernier classement Skytrax, elle souffre au niveau de la cabine economy classée seulement 16e
A ce point il faudrait vraiment se poser la question d’un Buy On Board qualitatif et quantitatif plutôt que cette offre indigne (dommage il n’y a plus assez de fours sur les nouveaux appareils pour proposer du chaud…) voire sous traiter à easyJet…..
Il reste donc un fossé avec les meilleurs du marché même si sur l’offre premium Air France s’en sort bien et KLM correctement.
Se débarrasser de l’Etat
Nous avions écrit cela avant le COVID et vous me direz qu’Air France a été bien contente de trouver l’Etat pour se sauver pendant le COVID. Effectivement.
Mais Lufthansa qui est 100% privée a également été sauvé par l’état allemand, lequel état a non seulement fait des bénéfices dans l’opération et s’est retiré du capital de la compagnie dès que cela a été possible.
La vérité est que l’Etat est un actionnaire encombrant que nous ne jugeons pas indispensable et qu’une entreprise devrait être libre de décider sa stratégie sans interférences.
Souvenons nous que Lufthansa a failli refuser l’aide de l’Etat pendant le COVID si les contreparties demandées étaient trop importantes, quitte à se mettre sous le régime de la faillite auto-administrée. “Lufthansa a connu les trois meilleures années de son histoire d’entreprise. Si elle veut réussir à l’avenir, elle doit continuer de pouvoir façonner son sort de manière entrepreneuriale“ disait alors son CEO, Carsten Spohr.
En attendant l’Etat français a obtenu qu’Air France abandonne des lignes intérieures. Un sauveteur qui vous tend une main et vous met une gifle de l’autre.
Face à une telle demande on peut penser que la réaction de Lufthansa aurait été « allez vous faire voir, on se se met en faillite ». Peut être d’ailleurs que c’est le langage que la direction du groupe aurait aimé tenir mais elle n’en avait pas les moyens.
Ajoutons, dans le cas particulier d’Air France-KLM que la présence de deux états au capital du groupe est également source de tensions.
Nous restons donc convaincus que pour être bien gérée Air France-KLM devrait n’avoir de compte à rendre qu’à des actionnaires privés. On ne sait ce qu’en pense Ben Smith, ni si c’est un sujet prioritaire. Mais de toute manière en aurait il les moyens ?
Construire une compagnie
Pour gagner en efficacité Air France et KLM ne peuvent plus rester deux compagnies collaborant sous l’ombrelle d’un groupe mais développer beaucoup plus de synergies à l’image de ce que fait Lufthansa Group.
La rationalisation des flottes est un bon pas dans ce sens. Le départ d’Elbers de KLM semble également avoir pacifié les relations entre les deux compagnies.
Mais il y a moyen d’aller encore beaucoup plus loin dans la mutualisation des fonctions support, l’harmonisation complète des cabines etc…
La fusion est impossible mais l’intégration poussée une nécessité.
Participer à la consolidation du secteur
Cela n’était pas dans notre roadmap originelle mais c’est un sujet que Ben Smith avait lui même évoqué devant les actionnaires fin 2019. Et c’est aujourd’hui un enjeu vital.
Rappelons que lors de la fusion entre Air France et KLM en 2004 le groupe est le plus grand groupe européen et est leader mondial en termes de chiffres d’affaires et 3e en termes de passagers tranportés.
20 ans plus tard il est devenu un acteur de second plan.
D’accord il y a eu l’émergence des compagnies du Golfe et leur croissance à marche forcée.
Mais il y a également eu la constitution d’IAG (British Airways, Iberia, Aer Lingus, Vueling, Level et demain Air Europa) et la boulimie de Lufthansa Group (Lufthansa, Swiss, Austrian, Brussels Airlines, Eurowings, et demain ITA). Et pour demain la menace de Turkish Airlines se profile et Ben Smith en est conscient.
Air France-KLM avec ses trois marques (Air France, KLM, Transavia) fait pale figure à côté et son empreinte européenne est faible face à ses concurrents. Il y a un véritable enjeu de taille critique mais pas uniquement.
Air France-KLM a non seulement besoin d’accroitre son empreinte et son réseau mais elle a également besoin d’un nouveau hub ! Schiphol qui était un atout est en effet en train de devenir une faiblesse et le groupe a donc besoin d’un nouveau relais de croissance pour redevenir le 1er groupe Européen, objectif affiché par Smith à son arrivée. Et le meilleur moyen de se doter d’un nouveau hub est d’acheter une compagnie qui en a un !
Comment Ben Smith a-t-il avancé sur ce point ?
Disons qu’il a fait ce qu’il a pu vu les occasions qui se sont présentées.
Il y a bien sûr eu ITA mais, faute d’avoir remboursé ses aides COVID le groupe n’a pu lutter à armes égales. Le gouvernement italien voulait un partenaire industriel, Air France-KLM ne pouvait offrir d’un partenariat commercial et c’est Lufthansa qui a raflé la mise à la dernière minute. Rien à se reprocher sur ce dossier même si échouer si près du but a du être mal vécu.
Quelles sont les options qui restent ? On pense bien sûr à la prochaine privatisation de TAP et Ben Smith a récemment évoqué regarder du côté de SAS.
Dans le cas de TAP il devra affronter et IAG et Lufthansa Group et rien ne dit qu’Air France-KLM soit favori.
Pour ce qui est de SAS rien ne dit que la compagnie soit à vendre et il y a fort à parier que si cela devait arriver Lufthansa ne laissera personne mettre la main sur un territoire qui est historiquement la chasse gardée de l’Allemagne dans les domaines économiques et commerciaux.
Peut être que sa chance serait qu’à un moment l’UE considère que les choses vont trop loin en termes de concentration et mette un terme aux velléités de ses concurrents.
En tout cas souvenez vous la prédiction selon laquelle il ne restera que 12 compagnies majeures dans le monde. Si Air France doit logiquement en faire partie on ne peut pas dire aujourd’hui que sa place soit assurée.
Conclusion
5 ans après son arrivée il faudrait être de mauvaise foi pour dire que le bilan de Ben Smith n’est pas positif. Déjà le groupe est encore en vie et quand on voit d’où il partait et ce qu’il a du traverser c’est déjà une bonne chose.
Il réformé avec un certain talent sans s’aliéner le corps social d’une entreprise qu’il a pacifié. Il a repris la montée en gamme, notamment chez Air France avec enfin des cabines dignes de ce nom même si le manque de cohérence entre les différents appareils est flagrant. Il a rationalisé ce qui pouvait l’être pour rendre le groupe plus compétitif. Il a enfin enterré, au moins en partie, la hache de guerre avec KLM.
Aurait il pu en faire plus ou plus vite ? Théoriquement oui mais vu l’épisode COVID il n’a eu les coudées franches que pendant la moitié de son mandat et voir Air France-KLM aussi dynamique et en aussi bonne forme aujourd’hui est déjà inespéré.
Restent deux points noir pour nous.
D’abord un produit court-moyen courrier indigne de compagnies qui revendiquent un certain standing, notamment dans le cas d’Air France.
Ensuite il y a le rachat d’autres compagnies. On ne peut pas blâmer Ben Smith sur ce qui a été fait (ou pas fait), vu l’état des finances de la compagnie à son arrivée et le contexte dans lequel s’est passé la vente d’ITA. Par contre il devra être décisif sur les prochains dossiers qui se présenteront à défaut de quoi Air France-KLM ne sera plus qu’un acteur mineur en Europe.
En tout cas on ne va pas affirmer qu’aujourd’hui Ben Smith est déjà un des meilleures dirigeants qu’Air France-KLM ait eu mais on en est pas loin.