Air France : la chance d’être un challenger !

Ca bouge chez Air France depuis l’arrivée de Ben Smith. Fin de l’expérience Joon, remise en cohérence des grilles tarifaires, clarification du positionnement et de l’ambition d’Air France. Sincèrement nous n’espérions pas le voir cocher aussi vite les éléments de notre check-list.

Ben Smith donne l’impression de marcher sur l’eau et quand on voit le psychodrame quasi permanent qui agite la compagnie française depuis quasiment 10 ans on peut se dire qu’un faiseur de miracles n’est pas de trop pour redonner à Air France son lustre d’antan et, avant toute chose, de la rendre économiquement aussi performante que ses concurrentes.

Et plusieurs choses nous invitent à croire que le pari est gagnable.

Place au client et à l’expérience sectorielle

On attendait Ben Smith sur le terrain des nominations et il n’a pas déçu. Nommer Anne Rigail à la tête de la compagnie est un signal fort : elle a passé l’essentiel. de sa carrière à penser au client et va nécessairement insuffler un état d’esprit nouveau dans les hautes sphères. Infiniment mieux que les financiers, remplisseurs de vols, densificateurs d’appareils ou technocrates de tout poil qui ont occupé ou prétendu occuper la place.

La récente nomination d’Angus Clarke comme DGA en charge de la stratégie tout comme le choix de confier les négociations salariales à un Oltion Carkaxhija nous semblent aller dans le bon sens. Prime à la connaissance du secteur et à l’expérience plutôt qu’à la dimension technocrate qui a souvent plombé la compagnie. Et peu importe la nationalité des dirigeants tant que les résultats sont au rendez vous que ce soit pour le personnel ou les clients.

Mais ce qui nous rend confiant c’est aussi qu’Air France va enfin pouvoir attaquer le marché et se transformer de manière totalement décomplexée car quelque chose a changé : Air France n’est plus un leader mais un challenger.

Le poids de l’Histoire et du Leadership

Il y a une dizaine d’années de cela, une personne bien placée dans la compagnie avec qui je parlais des innovations mises en place par la concurrence, que ce soit au niveau de la technologie, du produit,du service, de la relation client, me disait à peu près cela. « Oh mais vu notre Histoire et notre position sur le marché on ne peut se permettre de faire n’importe quoi, de suivre toutes les tendances…bref on ne sera jamais des précurseurs. Nous n’irons que sur le terrain de choses éprouvées ».

Soit. Un message qui dit deux choses. D’abord on a une Histoire, on est assez conservateurs et on évite tout ce qui peut être trop disruptif. Ensuite on est leaders donc non seulement il n’y a pas le feu mais en plus un leader a souvent plus à perdre qu’à gagner dans le changement.

Donc en prenant la logique inverse, et on a de nombreux exemples qui le prouvent, dans l’aérien ou ailleurs, un challenger c’est décomplexé et ça ose. Et bien la bonne nouvelle c’est, pour ceux qui auraient encore des œillères, qu’Air France n’est plus un leader mais un challenger.

Air France dans une position nouvelle de challenger

On pouvait dire que la compagnie glissait lentement et inexorablement mais les chiffres restaient têtus : Air France-KLM restait le plus grand groupe aérien européen en revenu siège kilomètres, l’indicateur juge de paix du secteur. Et bien c’est fini : en 2018 Lufthansa est passé devant.

Alors on peut se dire qu’être leader européen quand la concurrence est internationale et que les vrais leaders sont plutôt à chercher en Asie ou dans le Golfe est un peu futile mais au moins ça restait une bonne nouvelle à laquelle il était toujours possible de se raccrocher quitte à oublier le reste. Et puis avant d’être un leader mondial il faut bien commencer par être leader chez soi.

Quant au nombre de passagers transportés cela fait longtemps que le Groupe Lufthansa et IAG sont passés devant.

Challenger en termes de performance mais aussi challenger en termes de produit. La montée en gamme initiée par Alexandre de Juniac a connu un léger à coup. Sur le long courrier le produit Best and Beyond a été déployé lentement et partiellement. Trop d’appareils offrent encore une expérience médiocre avec des cabines dépassées et, de plus, on voit arriver des produits très intéressants chez les concurrents qui comblent leur retard voire prennent un coup d’avance. Quant au moyen courrier s’il est souvent ni pire ni meilleur que la concurrence il ne fait pas lever les foules, l’irrégularité du niveau de service et une perceptible dégradation du catering n’arrangent rien.

Air France : challenger sur le marché, challenger dans sa propre entreprise

Mais Air France n’est pas challenger que par rapport à ses concurrents européens et mondiaux, elle n’est aussi au sein d’Air France-KLM.

D’un point de vue financier c’est KLM et Transavia qui tirent la croissance et la rentabilité du groupe.

Il est temps d’ouvrir les yeux (et cela vaut pour les clients aussi) pour reconnaitre que KLM n’est plus la petite soeur mal fagottée d’Air France mais bel et bien une compagnie de premier choix. En 2018 il nous est arrivé souvent de choisir KLM et pas par défaut : c’était un arbitrage volontaire en raison de la qualité du produit, du service et du prix. Typiquement, en long courrier sur KLM vous êtes désormais sur d’avoir une business full flat peut importe l’appareil. Chez Air France ça n’est que 47% de la flotte qui possède un produit aux standards du moment. On ne parle pas non plus des menaces de grèves qui nous ont incité à « sécuriser’ certains déplacements.

Autre classement qui ne vaut que ce qu’il faut mais n’est pas inintéressant. La banque suisse UBS a mis en place un laboratoire de surveillance et de vérification des tendances qui, pour se qui est de l’aérien, repose tout de même sur l’analyse de 30 000 avis clients. Selon ce classement les compagnies sur lesquelles ils fait bon voyager en Europe sont, dans l’ordre KLM, Swiss, Norwegian et Lufthansa. Air France arrive 13e.

Bref il est temps de cesser de regarder KLM avec condescendance et de commencer sinon à la prendre comme modèle tout au moins à s’en inspirer.

Une excellente nouvelle pour Air France

Bien évidemment personne ne peut se réjouir d’une telle situation mais elle a de notre point vue une vertu : plus personne ne peut se cacher ni fermer les yeux et il faudra bien agir face à cette réalité.

Autre avantage : il n’est de meilleur signal pour motiver les troupes, oser des choses, redevenir innovante. Air France n’a plus rien à perdre et doit, au contraire, devenir conquérante. Si la place de numéro un était un fardeau voire un frein au changement, celle de numéro 2 risque fort d’aider à libérer les énergies.

Photo : Air France A380 De NextNewMedia via Shutterstock

Bertrand Duperrin
Bertrand Duperrinhttp://www.duperrin.com
Voyageur compulsif, présent dans la communauté #avgeek française depuis la fin des années 2000 et passionné de (longs) voyage depuis sa jeunesse, Bertrand Duperrin a cofondé Travel Guys avec Olivier Delestre en mars 2015. On peut le retrouver aussi aussi sur http://www.duperrin.com où il parle depuis plus de 10 ans de la transformation digitale des organisations, son métier quand il est au sol.
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