Décidément on se sait pas quand le psychodrame du rachat d’ITA/Alitalia va se terminer. Alors que le rachat de la compagnie par le fond d’investissement Certares accompagné d’Air France-KLM et Delta semblait être acquis il semble que le dossier est désormais au point mort voire que Lufthansa revient dans la course.
Fin de la période de négociation exclusive
Après un appel d’offre qui avait vu s’affronter d’un côté Certares, Air France-KLM et Delta et, de l’autre, Lufthansa et MSC c’est les premiers que le gouvernement italien a choisi pour rentrer en négociations exclusives pour le rachat d’ITA.
Mais cette période d’exclusivité est terminée et la vente n’est toujours pas actée. Pire, il semble que le dossier n’ait pas beaucoup avancé pendant cette période, à la grande surprise des acquéreurs potentiels qui n’ont pas trouvé en face d’eux des gens désireux de faire avancer les choses.
Aujourd’hui il semble que non seulement Certares et ses partenaires ne parlent plus au gouvernement italien mais, de plus, ce dernier a redonné accès à la « data room » contenant les informations financières à Lufthansa, MSC se retirant du dossier.
Mais que s’est-il passé ?
Une incertitude politique depuis le début
Il faut dire que dès le départ une incertitude planait sur le dossier : l’Italie allait avoir des élections, peut être nommer un nouveau gouvernement et rien ne dit que ce gouvernement allait vouloir vendre la compagnie ni à ces conditions. Spécialement s’il s’agissait d’un gouvernement nationaliste/souverainiste peu envieux de brader un symbole national.
Et c’est ce qui s’est passé avec la nomination de Giorgia Meloni comme premier ministre.
Mais si au début le gouvernement semblait vouloir revenir sur le principe même de la vente il semble qu’il se soit rendu à la raison. Par contre il ne semble pas être sensible aux arguments qui avaient présidé au choix de Certares et ses partenaires aériens.
Deux offres, deux approches
En effet les deux offres formulées étaient radicalement différentes.
Lufthansa et MSC offraient plus d’argent pour un contrôle total de la compagnie.
Certares, Air France-KLM et Delta proposaient moins pour acquérir 50% de la compagnie plus une action. Mais dans ce schéma c’est Certares qui amenait tout l’argent, Air France-KLM ne se positionnant que comme un simple partenaire commercial.
Une offre qui en terme de gouvernance, laissait un poids important aux italiens, un poids que nous trouvions excessif eu égard aux errements passés de la compagnie lorsqu’elle s’appelait encore Alitalia.
Nous estimions alors que le vainqueur dépendrait du fait que le choix qui serait fait soit économique ou politique. Un choix économique signifierait Lufthansa, un choix politique Certares.
Et c’est le critère politique qui l’avait emporté, donnant à Certares et ses alliés ce que nous trouvions être une victoire à la Pyrrhus avec un pouvoir trop important laissé aux italiens qui nous faisait craindre que la compagnie soit indirigeable.
Qu’est ce qui a fait que le nouveau gouvernement ait ainsi changé son fusil d’épaule ?
Une approche industrielle pour le nouveau gouvernement italien ?
Si rien n’a fuité sur le sujet on peut tout de même émettre des hypothèses.
La première serait que tant qu’à céder la compagnie autant en tirer un meilleur prix et s’en dégager fortement. Ce qui conduirait logiquement à choisir Lufthansa.
La seconde serait que le gouvernement, soucieux de l’avenir de la compagnie, veuille qu’elle soit intégrée dans un groupe solide avec des gens ayant une connaissance du business de l’aérien. Là encore c’est Lufthansa qui propose le plus de garanties dans ce domaine vu que dans l’offre de Certares Air France-KLM ne met pas d’argent et se positionne juste comme un partenaire commercial sans aucun pouvoir sur la compagnie qui serait gouvernée par le fonds d’investissement.
C’est l’explication qui nous semble le plus probable et il semble crédible que, pour le futur de la compagnie, le gouvernement soit plus rassurée de la voir rejoindre le Lufthansa Group avec Lufthansa, Swiss, Brussels Airlines et Austrian plutôt qu’appartenir à Certares sans intégrer le groupe Air France-KLM
Quel avenir pour ITA ?
Ce qu’on sait à ce jour est donc que Lufthansa est toujours intéressée et a de nouveau accès à la data room alors que de son côté son partenaire MSC s’est désisté. Donc si le groupe allemande fait une nouvelle offre il la fera seul ou avec un nouveau partenaire, cette option semblant peu crédible en un temps aussi court. Dans les coulisses on parle de la compagnie ferroviaire Ferrovie del Stato ou d’Atlantia, la holding du groupe Benetton, qui avaient déjà fait partie d’une projet de reprise d’Alitalia autour de Delta.
Certares et ses partenaires peuvent ils améliorer leur offre ? Techniquement oui en proposant plus mais ça ne semble pas être leur logique depuis le départ. Et, de plus, si l’enjeu est d’adosser ITA à un grand groupe cela ne peut pas fonctionner. Toujours handicapée par le fait de n’avoir pas remboursé ses aides d’état reçues pendant le COVID, contrairement à Lufthansa, le groupe Franco-Néerlandais ne peut pas prendre plus de 10% du capital d’une compagnie. Un rachat est donc impossible dans l’état actuel des choses d’autant plus qu’il doit encore se recapitaliser.
Et si la période de négociations exclusives n’a rien donné on ne voit pas pourquoi le gouvernement poursuivrait avec Certares, Air France-KLM et Delta maintenant.
Et le temps presse. L’état vient d’accorder un prêt de 400 millions à ITA et la situation ne peut durer éternellement car l’Europe veille et ne tolérera pas qu’ITA vive sous perfusion comme l’a fait Alitalia. Et on ne pense pas que ça soit la volonté du gouvernement italien non plus.
Tout semble laisser croire que c’est finalement Lufthansa qui mettra la main sur ITA même si vu les multiples rebondissements qu’à connu ce dossier on ne peut plus jurer de rien. Car derrière se profile la future privatisation de TAP et rien ne dit que Lufthansa ait les moyens ou l’envie de boucler ces deux dossiers seule. Dans la négative il faudra faire un choix.
Conclusion
Promise à Certares, Air France-KLM et Delta, ITA est toujours dans le flou quand à l’identité de son repreneur qui pourrait finalement être Lufthansa même si on n’est plus à un revirement près dans ce dossier.
Un coup dur pour Air France-KLM qui perdrait l’occasion de garder ITA dans son giron à défaut de la posséder et verrait le Lufthansa Group accroitre encore son empreinte dans le ciel Européen. Tout cela avant que ne commencent les discussions pour la privatisation de TAP où le groupe allemand nous semble également être le grand favori.
ITA de Davide Calabresi via Shutterstock