Maison Nouvelle, le nouveau restaurant étoilé du Chef Philippe Etchebest, est plus qu’une belle expérience Gastronomique, c’est un voyage dans l’univers du chef, très marqué par la personnalité de ce dernier.
Cela fait très longtemps que je voulais essayer Maison Nouvelle mais à chacun de mes passages à Bordeaux ça n’était pas le bon moment. Pas de table disponible, vacances annuelles…j’ai eu tous les contretemps possibles et imaginables. Cette fois ci, lorsque j’ai planifié mon voyage j’ai immédiatement envoyé un email au restaurant en leur disant à peu près « je suis là de telle date à telle date, je prends n’importe quel créneau disponible ». Et j’ai enfin touché le Graal : une réservation confirmée.
Vous trouverez tous les article sur cette escapade à Bordeaux en bas de page.
Concept du restaurant
Pour Philippe Etchebest Maison Nouvelle est beaucoup plus qu’un restaurant. C’est un vrai projet personnel, voire familial car il semble que son épouse s’y soit également impliqué et d’ailleurs elle co-signe le mot de remerciement remis au client à la fin du repas. Un peu comme l’accomplissement d’une vie…
Maison Nouvelle c’est un peu comme si le chef nous accueillait chez lui. Une salle à manger comme dans un appartement, des plats parfois inspirés de son enfance, des noms de plats qui d’ailleurs témoignent parfois d’un certain humour (son personnel m’a décrit le chef comme quelqu’un de très humain, joueur et blagueur…).
D’une certaine manière j’y retrouve un peu l’esprit de 100 Maneiras à Lisbonne dont je vous parlerai plus tard….
Le cadre
On est accueilli en bas, au bar du restaurant puis monte un escalier pour accéder à la salle.
La salle ressemble davantage à un appartement qu’à une salle de restaurant.
Une fausse cheminée apporte une touche de chaleur supplémentaire.
C’est confortable, sobre mais pas triste, chaleureux…on se sent comme chez soi. Ou comme chez le chef.
La carte
Pas le choix : il y a un menu dégustation unique que l’on découvre au fil du repas mais, rassurez vous, un récapitulatif imprimé est remis à la fin.
Elle change visiblement assez régulièrement.
Il vous en coutera 220 euros hors vin pour le déguster. Des tarifs plus en ligne avec un 2* qu’un 1*, admettons le.
Par contre si de plus en plus restaurants prennent une empreinte de carte bancaire au moment de la réservation, pratique totalement légitime pour lutter contre le fléau des no shows, ici le restaurant encaisse un acompte de 50% euros, remboursable en cas d’annulation. Sympa pour la trésorerie ! Et tant qu’on parle de l’addition, la maison ne prend pas l’American Express. Dommage.
Reste qu’à ce prix pour un 1* en province la promesse a intérêt d’être tenue.
Le diner
J’arrive donc au restaurant, situé dans le quartier des Chartrons, un quartier historique de la ville.
Au rez-de-chaussée le bar du restaurant, le Rode, et à l’étage le restaurant.
Lors de la réservation il est précisé qu’il faut arriver en avance si on veut profiter du bar avant dîner. C’est ce que je ferai.
Je suis accueilli et installé à une table. Le bar est assez petit et a sa propre clientèle, indépendamment de celle du restaurant.
Cosy et chaleureux. On sent comme une odeur de fumée et d’âtre qui colle parfaitement avec le décor.
On m’apporte la carte. Très recherchée et intéressante, un vrai bar à coctkail.
Je commande un « Poivron » (Tequila Altos Blanco infusé aux poivres et gingembre, citron vert, soda maison de sirop de poivron gingembre)
Le personnel ne cesse d’aller et venir pour faire monter les clients, venir s’enquérir des allergies potentielles, ça n’arrête pas d’entrer et sortir, c’est loin du caractère feutré d’un étoilé mais ça n’est pas pour me déplaire.
On m’apporte des amuses bouche.
Tartelette à la carotte, pizza soufflée, beignet au chèvre. Très bon.
Puis arrive mon cocktail.
C’est frais, fumé, un peu épicé et parfaitement équilibré. Pas trop sucré également. Je suis fan, moi qui en général ne suis pas un amateur de long drink et encore moins lorsqu’il y a du sirop. Il n’y a pas de talent qu’en cuisine, il y en a derrière le bar également !
Je crois avoir compris comment différencier les clients du bar et du restaurant : les uns ont des amuses bouche, les autres des olives…
On vient ensuite me chercher pour m’emmener au 2e étage (il y a deux étages, chacun avec une salle). En passant on me fait rentrer dans la cuisine pour que je puisse la voir ainsi que l’équipe. Dommage que le Chef Etchebest ne soit pas là (on me dira qu’il est là 2 ou 3 soirs par semaine mais qu’il est très occupé…chose dont je me serais douté). Une initiative fort sympathique cependant.
La table est dressée très sobrement.
Je ne prendrai pas le wine pairing afin de ne pas passer mon repas à courir derrière des verres pour les terminer avant que le suivant arrive et ferai confiance au sommelier pour me conseiller trois ou quatre verres pendant le diner. Avec cela je commanderai une eau minérale (Abatilles, pour faire local).
On m’apporte du pain (délicieux) avec un beurre fumé au bois d’olivier et au sel de mer. Un vrai régal.
Quelques amuses bouche arrivent ensuite : chèvre-poire / carotte / sarrasin-chou fleur. Encore une fois très bon.
Les choses sérieuses peuvent commencer.
Pour commencer : caviar à la russe
C’est un caviar de Dordogne donc peu iodé, accompagné d’une compote oignons et vinaigre de Xérès et d’une crème citron.
Ca a comme un gout de noisette, très original et ça ne ressemble à rien de ce que j’ai pu connaitre comme caviar : moins affiné qu’un caviar traditionnel il n’a pas de fait son goût iodé très prononcé.
J’aime beaucoup.
Le végétal : céleri braisé, vierge de kiwi au citron vert
En fait avant chaque plat on me sert une bouchée qui est un concentré du gout du plat en réduction, afin de préparer le palais. Très intéressant !
Et voici donc le plat.
Le céleri donne un goût prononcé que le kiwi vient adoucir et équilibrer.
C’est frais, c’est très « detox », j’aime bien.
Vient ensuite le plat signature du chef..
Réinterprétation : ma raviole de champignon brun au foie gras.
Réinterprétation car c’est un plat que le chef propose depuis ses débuts dans son premier restaurant et n’a cessé d’améliorer et revisiter au fil du temps.
Dans ce plat le champignon est travaillé sous de nombreuses formes. Le capuccino persillé est surprenant comme…une persillade ! Très surprenant.
A la fin on obtient un plat très léger et fin, très différent de ce à quoi on peut s’attendre.
La mer amère : noix de st jacques snackée, chou brûlé, pamplemousse
Le plat est servi avec un bouillon de St Jacques.
Beaucoup d’amertume dans ce plat, comme son nom l’indique mais, un subtil équilibre qui fait qu’une fois encore c’est la finesse du plat qui ressort.
L’abat et la blette : ris de veau, blette, sarrasin
Au départ c’est un plat 100% végétal dans lequel s’est invité le ris. C’est en effet le ris qui accompagne la blette et pas l’inverse comme cela semblerait logique.
Là encore un plat très fin. La sauce au beurre fumé apporte quelque chose de vraiment spécial et la rencontre, très originale de la blette et du ris donne un résultat aussi surprenant qu’agréable.
Je me demande s’il n’y a pas des câpres ou quelque chose de similaire…
En tout cas c’est un vrai régal et mon plat favori ce soir jusque là.
Petite pause pour vous parler du service. Si au début j’ai été servi par une jeune serveuse, très agréable, pro mais peut être un peu scolaire, c’est désormais le chef de salle qui s’occupe de moi. Vraiment passionné, jamais avare d’explications sur un plat et très curieux du ressenti des clients. Il veut comprendre ce que je ressens, comment je le compare avec des expériences passées…. le type de personne à qui j’aurais volontiers dit de s’asseoir à ma table pour poursuivre nos échanges s’il ne travaillait pas !
Encore un petit mot sur le beurre dont je vous parlais plus haut….j’en mangerais des kilos tellement il est bon…
Pendant ce temps le sommelier fait parfaitement son travail en me conseillant des vins pertinents et cohérents sans pour autant s’enflammer sur les prix.
Pour le plat suivant il y aura une devinette : à moi de deviner le plat en le goutant et avec pour seul indice son nom : Migration en eau douce.
Je cherche sans trouver…le nom fait penser à un poisson, la migration à un mélange terre mer, et le goût à une viande et ce d’autant plus qu’il est servi avec un couteau à viande. Ils n’ont quand même pas poussé le vice à servir un poisson avec un couteau inapproprié pour m’induire en erreur ??? Et bien oui.
Je finirai par trouver (avec l’aide du chef de salle qui me demandera de penser aux spécialités locales). C’est de la Lamproie. Une Lamproie déguisée en viande et cuisinée de la même manière !
La vraie composition est donc : lamproie cuite au barbecue, poireau, sauce bordelaise végétale
En dehors du caractère très surprenant du plat qui se prête à ce type de jeu il y a une autre raison. La Lamproie est non seulement un poisson vampire (il se nourrit de sang) mais en plus un poisson dont l’aspect peut faire vraiment peur. Le faire deviner au client une fois qu’il n’a mangé évite qu’il n’ait une certaine appréhension en le voyant indiqué sur le menu.
Autre originalité : elle est accompagnée d’une sauce bordelaise, comme une viande, mais une sauce bordelaise végétale avec du miel et du soja !
Un plat vraiment surprenant avec un poisson cuisiné comme une viande à tel point qu’on pense que c’en est une, et encore une fois un parfait assemblage des saveurs.
Arrive ensuite le charriot à fromage avec une particularité : il est principalement composé de fromages improbables, inconnus.
Au gré de mes discussions avec le sommelier j’apprend une mauvaise nouvelle. Il rentre d’Australie et Elska, que j’avais beaucoup aimé l’automne dernier, a fermé. Dommage et j’espère que ça n’est pas pour autant la fin des aventures culinaires de ce sympathique couple australo-danois.
Il est l’heure de passer au dessert.
Fumer tue, mangez le : chocolat, cognac, tabac et mucilage
Le cognac est un peu trop discret à mes yeux et arrive en 2e bouche. J’aurai l’explication plus tard : il est gélifié !
Même moi qui ne suis pas un fan de dessert je tombe sous le charme de cette sauce aux trois chocolats !
Un second dessert arrive :
Le céréale killer : granola, agrumes, safran
Très original ce dessert qui ressemble à un petit déjeuner.
Le yaourt est en fait une émulsion très légère. C’est tellement frais que j’en suis venu à me demander s’il n’y avait pas de glace dedans.
Un vrai régal.
Et un troisième dessert pour finir.
La madeleine de Proust : gâteau basque de mon enfance
Très léger, beaucoup plus que l’aspect ne le suggère ! Une belle manière de terminer le repas avec un clin d’oeil du chef.
On m’apportera ensuite un mélange de trois chocolats et que j’accompagnerai par un thé Oaxaca (thé noir Assam, grenade, écorces d’orange, bâton de cannelle, poivre rose et noir, fleurs de bleuet, clou de girofle)
Très pratiques ces sabliers pour maitriser l’infusion du thé.
Et voilà, c’est (malheureusement) terminé.
Le service
Tout simplement parfait : très pro mais pas du tout obséquieux. Et j’ajouterai très humain. J’ai adoré mes nombreuses discussions avec le chef de salle et le sommelier ainsi que la manière dont ils communiquent leur passion.
Le chef veut qu’on se sente dans son restaurant comme chez lui, je pense qu’il a aussi voulu que les gens se comportent « comme à la maison » en termes de convivialité et que cela fait même peut être partie des consignes.
L’ambiance
Assez décontractée, chaleureuse, sans chichi ni show off. On voit que les clients se sentent bien.
Conclusion
Avec un menu au tarif d’un 2* (au Pressoir d’Argent Gordon Ramsay à Bordeaux les deux menus dégustation sont à 195 et 235€) j’attendais Philippe Etchebest au tournant. Et il ne m’a pas déçu.
D’abord pour pleins de raisons qui n’ont rien à voir avec les plats mais sont de l’ordre de la perception. Le nom des plats, parfois avec des jeux de mots, les messages envoyés par certains plats par rapport à sa vie, son parcours, le cadre et l’ambiance générale.
Ensuite pour le personnel simplement parfait et hyper agréable.
Enfin pour le menu. Déjà sa composition. Il y a deux manières de penser un menu : raconter une histoire cohérente ou faire un « menu PSG » (mettre les meilleurs plats de la carte sans se soucier de la cohérence quitte à tomber dans le « too much ».) et Etchebest a évité le menu PSG ! En plus c’est créatif, souvent amusant et parfaitement exécuté.
Mon seul regret ? Ne pas avoir croisé le chef ! Autant je trouve certains chef hyper médiatisés peu attirants humainement parlant (voire tête à claques pour l’un d’entre eux) autant Philippe Etchebest fait partie de ceux avec qui j’irai bien discuter et partager un verre ! Et son personnel qui ne tarit pas d’éloges sur cet « hyperactif passionné blagueur et bienveillant » m’a conforté dans mon point de vue.
Les articles sur cette escapade à Bordeaux
Review # | Type | Article |
#1 | Carnet | Préparation d’une escapade à Bordeaux |
#2 | Hotel | Moxy Roissy |
#3 | Vol | Paris-Bordeaux – Air France – Economy |
#4 | Hotel | Sheraton Bordeaux Airport |
#5 | Hotel | Moxy Bordeaux |
#6 | Restaurant | Tentazioni Bordeaux |
#7 | Restaurant | L’entrecôte Bordeaux |
#8 | Restaurant | La Tupina Bordeaux |
#9 | Restaurant | L’Embarcadère Bordeaux |
#10 | Restaurant | Cromagnon Bordeaux |
#11 | Restaurant | Un Soir à Shibuya Bordeaux |
#12 | Restaurant | Maison Nouvelle Bordeaux |
#13 | Carnet | Guide touristique de Bordeaux |
#14 | Vol | Bordeaux-Paris – Air France – Economy |
#15 | Carnet | Debriefing de ce séjour à Bordeaux |
Maison Nouvelle
Cadre et ambiance
Intérêt de la carte
Présentation des plats
Qualité des plats
Quantité
Service
Rapport Expérience / Prix
Excellent
Une carte créative où l'on sent la personnalité et l'humour du chef, un cadre apaisant, un super personnel, une exécution irréprochable...