Au Crocodile, table iconique de Strasbourg, offre une cuisine gastronomique assez traditionnelle mais pas ennuyeuse et semble sur la bonne voie pour retrouver son lustre d’antan.
Lorsqu’il a fallu que je trouve un restaurant étoilé à Strasbourg j’ai a peine réfléchi. Et pourtant il y a le choix ! Mais pour moi, de par sa réputation et son passé Au Crocodile représentait une telle institution que je me suis dit que les autres attendraient un prochain séjour et que je ne pouvais que commencer par celui-ci. Quitte à être déçu car l’établissement a connu des hauts et des bas au fil de son histoire plus ou moins récente, mais je ne pouvais pas ne pas y aller.
Vous trouverez en bas de page tous les articles sur ce week-end à Strasbourg.
Un peu d’histoire pour commencer
Quel nom bizarre pour ce restaurant situé en Alsace à moins qu’à une époque il y ait eu des crocodiles qui peuplaient l’Ill ou le Rhin mais il ne me semble pas.
C’est en 1801 que le capitaine Ackermann, de retour de la campagne d’Egypte, se porte acquéreur de cet ancien couvent pour y ouvrir un estaminet. Il y installera à titre de décoration ce crocodile empaillé qu’il a ramené des bords du Nil. L’animal, suspendu, fera la renommée de l’établissement, les clients ne se rendant dans l’établissement que pour voir la bête. On ne sait pas ce que Arckermann valait comme cuisinier mais en matière de marketing il avait 2 siècles d’avance sur son temps.
Il vendra l’établissement en 1840, établissement qui deviendra alors un vrai restaurant, mais le crocodile restera et trône encore aujourd’hui dans l’entrée.
Le restaurant gagnera sa 1ere étoile au Michelin en 1958, la perdra en 1969, la retrouvera en 1972, en aura une seconde en 1975 puis une troisième, consécration ultime, en 1989. Puis il perdra ses étoiles l’une après l’autre pour redevenir étoilé en 2015. Il repartira à nouveau de zéro sans étoile avec une nouvelle équipe en 2020, étoile qu’il a rapidement regagné depuis.
Durant son histoire il aura connu (si nos comptes sont bons) pas moins de 8 propriétaires et l’équipe actuelle est en place depuis janvier 2020.
C’est donc à un monument de la restauration française que je vais rendre visite, un peu dans le même état d’esprit que j’ai été chez Lucas Carton plus tôt dans l’année : curieux de voir un restaurant historique se réinventer pour la énième fois.
Le concept
Au Crocodile est un restaurant gastronomique assez traditionnel mais avec une petite pointe d’originalité. Il valorise également les produits du terroir alsacien.
Le cadre
Le cadre est assez cossu mais ni poussiéreux ni étouffant. Plutôt léger et moderne même. La salle est au contraire très aérée. Element de décoration remarquable, un tableau original du peintre Adolphe Grison, « La fête au village », peint en 1874.
A vue de nez la salle contient une trentaine de places.
La carte
Assez traditionnelle avec une pointe de créativité elle fait se côtoyer deux influences chère au chef : le sud de la France et le terroir Alsacien. Il y a également un menu découverte et un menu dégustation à la composition secrète mais faits de plats qui composent la carte.
Le repas
Impatient, j’arrive un peu en avance devant l’établissement.
L’accueil est des plus chaleureux, on prend mon vestiaire et on m’installe à ma table. J’apprécie beaucoup sa décoration et le fait que les tables soient bien espacées et profitent. Le tableau qui occupe le mur opposé lui confère une touche de majesté ainsi qu’une patine historique à un ensemble très contemporain.
Un oshibori chaud m’est immédiatement apporté. Attention qui manque dans nombre d’établissements…
Une serveuse, fort sympathique d’ailleurs vient me demander si je désire de l’eau ou un apéritif. Ce sera bien sûr les deux.
Ce sera un Gimonnet Blanc de Blanc, pas mal du tout.
Ce sera accompagné d’amuses bouches.
Pendant ce temps je découvre la carte mais mon choix est fait d’avance : ce sera le menu dégustation sans wine pairing, chose que j’apprécie de moins en moins car cela m’oblige à finir mes verres trop rapidement pour rester dans le rythme du service. La sommelière m’a gentiment proposé que je lui donne le nombre de verre qui me conviendrait et elle s’est débrouillée (fort bien) avec ça.
Autre délicate attention : mangeant seul on me propose de la lecture. Je déclinerai mais j’apprécie.
Par contre le service est un peu balbutiant. Une personne me donne la carte, une seconde prend ma commande, le premier revient me demander si on s’est occupé de moi. Si j’ajoute l’apéritif et la commande des vins cela ne fait pas 15 minutes que je suis là et déjà quatre personnes différentes sont venues s’occuper de moi. A un moment un peu de continuité ne fait pas de mal.
En attendant le début du service j’observe la salle qui se remplit peu à peu. Deux choses attirent mon attention : d’abord le fait qu’on s’y sente bien, ensuite la table d’à côté qui bien qu’éloignée de plusieurs mètres s’avère assez bruyante mais nous en reparlerons plus tard.
Avant de commencer on m’apporte une brioche feuilletée tiède.
Pas mal mais elle gagnerait à être un peu plus fondante mais là je chipote sur des détails.
La première serveuse revient et me demande si je désire une seconde coupe avant le début du repas. Soyons fous, j’accepte avec plaisir.
On commence enfin les choses sérieuses avec un amuse bouche: Cannelloni de mozzarella de bufflone, velouté d’asperge.
C’est bon frais et léger. Le velouté est assez aérien… bon il n’y pas de quoi s’emballer outre mesure mais c’est un bon début.
Arrive enfin la première entrée : « Calçot » grillé, maquereau et glace à la moutarde Violette, vinaigrette au muscat d’Alsace .
Le calçot est un légume catalan entre le poireau et l’oignon et avant de commencer on m’en fera gouter un grillé et fumé.
Le plat est servi fumé, sous cloche.
C’est frais et très gouteux. Maquereau et calçot se marient très bien et la glace à la moutarde violette apporte de la fraîcheur et du peps.
Pris indépendamment chaque ingrédient est bon mais l’assemblage fait toute la différence.
Puis la seconde entrée : Escargots d’Ebersheim et sauce au Pinot Noir d’Alsace .
C’est bon, léger, gouteux. Je regrette toutefois qu’on ne sente pas trop les escargots tellement leur goût s’estompe derrière celui de la sauce.
Au fond des escargots avec une sauce au vin ça n’a rien de spécial, c’est la finesse de la cuisine qui change tout.
Le premier plat : Lotte rôtie, ail des ours et asperge verte de l’Îlot de la Meinau.
La lotte et les asperges sont parfaitement cuites mais je regretterai que le fumé de la sauce estompe un peu trop leur gout.
Par contre la sauce et l’émulsion sont d’un équilibre parfait mais je regrette que pour cette raison la lotte ne soit pas la star du plat.
Je suis convaincu mais pas emballé.
Second plat principal : Faux filet de bœuf Jersiais de la ferme des « Belles robes » et jus à la citronnelle .
La viande est bonne mais pas excellente (j’ai encore en mémoire le wagyu mangé au Cilantro à Kuala Lumpur quelques mois plus tôt) mais ce qui change tout est la sauce à la citronnelle.
La farce des origamis était par contre superbe ! Rien que cela ça vous transforme un plat.
Le premier plat vraiment surprenant de ce dîner.
Vient ensuite le chariot de fromages.
Ma sélection : Camembert au chèvre, Comté 36 mois, Fumster, Livarot. Le tout sera accompagné d’une confiture maison à la poire.
On enchaine avec le pré-dessert : Brunoise de poire, citron, pana cotta, chips de poire et jus de poire fermenté.
Agréable saveur et une fraicheur bienvenue en cette fin de repas.
Enfin le dessert : La vanille de Madagascar en cristalline et huile d’olive infusée à la vanille de Madagascar.
Frais et léger. Une idée originale mais je me demande encore à quoi sert l’huile.
Au moment de commander un digestif je vois avec bonheur qu’il leur reste de la Chartreuse Verte VEP, très très difficile à trouver en ce moment. Elle accompagnera donc mon café.
Ce sera l’occasion de discuter longtemps avec la sommelière des difficultés d’approvisionnement en chartreuse que connait le secteur. Très sympa.
Je demande enfin l’addition qui mettra un temps fou à arriver.
Au final une cuisine traditionnelle et fine, bien exécutée, à laquelle on ne pourrait que reprocher un peu trop de classicisme. D’un autre côté quand tout le monde joue la carte de la créativité cela peut avoir du bon. C’est un peu comme au 28+ à Goteborg ou le Cilantro à Kuala Lumpur (pour ne parler que mes expériences récentes) mais en mieux.
Par rapport à la Maison Nouvelle de Philippe Etchebest je dirais que c’est plus conventionnel et moins émotionnel. Pas un reproche, juste un choix et un constat.
Le service
Sympathique mais policé à l’inverse de celui plus chaleureux et vivant de Maison Nouvelle où j’étais dernièrement. Là encore c’est un choix.
En tout cas le personnel est très agréable, avenant et nos échanges ont compté dans mon ressenti positif global à propos de ce dîner.
L’ambiance
Feutrée et agréable, pas pesante du tout.
Par contre j’ai eu à quelques mètres de mois une table tellement bruyante qu’à un moment j’entendais tellement bien leurs conversations que j’avais l’impression de dîner à leur table.
Visiblement une table d’élus ou de fonctionnaires locaux agrémentée de quelques notables. Aucune discretion, ça a beaucoup parlé de week end de négociations politiques et avec des réflexion qui ne m’ont pas parlé en tant que touriste mais je ne suis pas certain que leurs collègues et administrés auraient aimé tout entendre. Comme quoi les gens qui se tiennent le plus mal au restaurant ne sont pas ceux auxquels on peut penser de prime abord.
A un moment ils ont même rendu mon expérience assez pénible.
Conclusion
Si le Crocodile est sur la voie de retrouver son lustre passé on peut être confiant pour la suite. La carte est classique dans son ensemble mais bien exécutée même si un peu plus de fantaisie ferait plaisir et le service est de la même veine.
Irréprochable sur le fonds, il lui manque peut être peu d’émotion sur la forme.
Les articles sur ce week-end à Strasbourg
# | Type | Article |
1 | Carnet | Préparation d’un week end à Strasbourg |
2 | Train | Paris-Strasbourg – Deutsche Bahn ICE – Première Classe |
3 | Hotel | Maison Rouge, Strasbourg |
4 | Restaurant | Au Crocodile, Strasbourg |
5 | Restaurant | Chez Yvonne, Strasbourg |
6 | Restaurant | Miro, Ostwald (Strasbourg) |
7 | Carnet | Visite de Strasbourg |
8 | Carnet | Visite de Colmar |
9 | Train | Strasbourg-Paris – Deutsche Bahn ICE – Première Classe (sans intérêt, pas de review) |
10 | Carnet | Debrief du week-end à Strasbourg |
Le Crocodile à Strasbourg
Cadre et ambiance
Intérêt de la carte
Présentation des plats
Qualité des plats
Quantité
Service
Rapport Expérience / Prix
Très bien
Une expérience de qualité, consistante et cohérente.