Une compagnie aérienne est responsable vis à vis de son client du bon déroulement de son voyage de bout en bout. Mais malheureusement la compagnie n’a pas toujours entre les mains tous les leviers pour que tout se passe bien, ce que le client a parfois du mal à comprendre ou à accepter. Mais ça n’est pas une fatalité : certaines vont très loin avec leurs partenaires pour améliorer l’expérience de bout en bout.
La récente joint-venture entre Lufthansa et Fraport (Aéroport de Francfort) est l’occasion d’illustrer le sujet par l’exemple.
La compagnie aérienne et l’expérience client : toujours responsable, pas toujours coupable
Du point de vue du passager les choses sont simples : il achète un billet à une compagnie aérienne et de fait elle est responsable de tout de A à Z. Et il a raison, en tout cas en partie.
La compagnie peut avoir une responsabilité légale ou juste morale.
En termes de responsabilité légale elle est légalement responsable, par exemple, des bagages égarés et perdus en vertu de la convention de Montréal. Et ce même si elle n’a aucun responsabilité dans ce qui se passe : ce sont les aéroports et les handlers qui perdent les valises, rarement les compagnies. Mais ce sont elles qui au final sont responsables devant client pourvu qu’elles ne cachent pas derrière des motifs fallacieux.
Par contre parfois la responsabilité est d’ordre moral. La compagnie n’est tenue à rien, elle n’est responsable de rien, mais c’est à elle que le passager imputera tous les désagréments subis pendant son voyage.
Contrôles de sécurité ou de police inefficaces ? C’est, selon le cas, l’aéroport, ses prestataires et les pouvoirs publics qui sont en cause.
Parcoure au sol compliqué ? Aéroport mal conçu ou entretenu ? C’est l’aéroport.
La compagnie n’y peut rien, elle subit les manquements de ses prestataires (l’aéroport est un prestataire des compagnies qui sont leurs clientes) mais pour le passager c’est un vol « Air Machin » qui s’est mal passé. Injuste mais c’est ainsi.
Mais endosser la posture de victime est un peu trop facile.
Un rapport de force très variable entre les compagnies aériennes et les aéroports
Dans la vie de tous les jours quand on n’est pas satisfait d’un prestataire on le rappelle à l’ordre voire on le remplace. Dans le monde du voyage c’est un peu plus compliqué : une compagnie pas satisfaite d’un aéroport peut difficilement en changer. Et dans le cas d’une ville ayant plusieurs aéroports le gestionnaire sera souvent le même. Ca limite les possibilités de négocier mais cela ne les supprime pas pour autant.
Bien sûr quand une compagnie ne fait qu’exploiter un ou deux vols dans un aéroport donné, loin de ses bases, elle ne pèse pas beaucoup face au gestionnaire, ce qui ne l’empêche toutefois pas de faire valoir ses griefs quand elle en a.
Quand par contre on parle de son Hub elle a les moyens de peser car elle est souvent le plus gros client et, de fait, par simple bon sens, elle collabore souvent avec l’aéroport, en plus ou moins bonne intelligence.
Iberia a Madrid, ITA à Rome, Lufthansa à Francfort, Swiss à Zurich, Air France à Roissy…ces compagnies ont avec les aéroports concernés des rapports plus poussés que ceux qu’ils entretiennent avec les autres compagnies utilisant leur plateforme, logique.
Ce qui doit leur permettre de se faire entendre.
Je mentionnerai la déplorable anecdote arrivée à une de nos lectrices au 2G à Roissy. Handicapée dans ses déplacements et subissant un traitement pour une maladie grave elle avait demandé une assistance qui n’est jamais arrivée.
Réponse de l’équipage : « on n’y peut rien c’est Aéroports de Paris« .
Sa réponse a été adéquate : « c’est votre prestataire vous n’avez qu’à le gérer« .
Las, elle avait du prendre le bus comme tout le monde en boitant et en se débrouillant avec cannes et valise, personne n’essayant même de trouver une solution. Le tout sous les regards choqués des passagers qui avaient assisté à la scène.
Peut être que l’aéroport fournit difficilement une assistance au 2G, je n’en sais rien, mais c’est à la compagnie de rappeler son partenaire à son obligation surtout si le problème est récurent.
De l’avis de beaucoup de passagers et connaisseurs du secteur Air France n’est pas assez dure avec Paris Aeroport. Peut être. Mais il existe des exemples qui prouvent qu’une compagnie peut aller très loin avec le gestionnaire de son hub
Lufthansa et Fraport
Lufthansa a donc annoncé la création d’une joint venture (co-entreprise) avec l’aéroport de Francfort (Fraport) : Fralliance. Une co-entreprise dont le but est d’ « améliorer les aspects liés au développement et aux opérations commerciales, à l’expérience client, à l’infrastructure, à l’intermodalité et à la durabilité«
Concrètement parlant cela va se traduire par la fourniture de données en temps réel sur les temps d’attentes aux contrôles dans l’application Lufthansa ou un travail conjoint sur les flux de passagers afin de supprimer les contrôles inutiles et ainsi réduire les temps de parcours dans l’aéroport. Pour commencer.
Un très bon exemple de ce que devrait être la collaboration entre une compagnie aérienne et l’aéroport qui héberge son hub : pas une simple relation commerciale, pas une collaboration aussi bonne et poussée soit-elle mais une co-entreprise dans laquelle les deux s’investissent avec un but commun, au service du client.
Car pour le passager il est impossible de continuer à entendre des « eux » et des « nous ». Les deux sont dans le même bateau et doivent apprendre à ramer ensemble en prenant leurs responsabilités ensemble. L’expérience client n’est pas le fait de la seule compagnie aérienne ou du seul aéroport : c’est un parcours global avec différents point de contacts, pas tous gérés par les mêmes personnes mais qui demande une collaboration entre ces personnes afin d’être fluide.
Profitons en pour remarquer quelque chose d’assez rare dans l’aérien : Lufthansa est actionnaire de Fraport à hauteur de 8%. En termes d’investissements, de tels liens avec un partenaire si hautement stratégique sont bizarrement très rares voire uniques dans le secteur. Peut être la meilleure manière de vraiment se faire entendre de son prestataire ?
Conclusion
Lufthansa et Fraport viennent d’annoncer la création d’une joint-venture. Cette démarche nous rappelle à quel point des partenariats forts entre compagnies aériennes et aéroports, qui vont au delà de la simple collaboration sont essentiels pour une bonne excellence client.
Une initiative bientôt copiée ? Qui sait !
Image : Fraport de gopixa via Shuttesrtock