Les repas qui vous sont servis en avion coutent de 4 à plus de 100 euros. Pas neutre mais pas suffisant pour expliquer le buy on board ou le prix de certains billet à lui seul.
Il se dit beaucoup de choses sur la nourriture servie dans les avions. Que c’est une nourriture de qualité plus ou moins médiocre mais aussi que dans certaines classes de voyage elle est digne des restaurants les plus luxueux. On s’étonne également que la suppression du service à bord n’entraine pas vraiment de baisse de prix des billets…
Essayons d’y voir plus clair…
Un repas servi à bord d’un avion coûte de 4 à plus de 100 euros
Ca n’est pas vraiment un sujet sur lesquelles les compagnies communiquent beaucoup, peut être de peur d’effrayer certains clients, mais en faisant quelques recherches on a fini par trouver des chiffres concordants sur le prix de revient des repas servis en vol.
Il est :
• de 4 à 10 euros en Economy
• 15 à 30 euros en business class
• jusqu’à 100 euros voire plus en première classe, voire davantage.
On en avait d’ailleurs eu un aperçu lorsque durant la crise du COVID certaines compagnies avaient vendu au sol les plateaux repas qu’elles ne servaient plus en vol, prenant le risque que leurs clients découvrent leur vrai prix.
Ce sont bien sûr des prix hors taxes auxquelles s’ajoute la marge que prend la compagnie.
A un bout du spectre on peut se dire que ça n’est vraiment pas cher et, à l’inverse que, qu’à l’autre bout du spectre on s’approche des prix d’un restaurant gastronomique.
Les biais de perception de la restauration aérienne
Mais ces chiffres bruts ne veulent pas dire grand chose si on ne prend pas en compte d’autres facteurs.
D’abord le repas ne sera pas le même qu’on soit sur du moyen ou du long courrier. Ensuite, logiquement, un repas à 10 euros sera différemment perçu par le passager selon qu’il a payé son billet 100 ou 400 euros sous l’effet du yield management.
Il faut également prendre en compte une partie des frais de personnel et, chose moins évidente, le prix du kérozène.
Si le prix du kérosène augmente et qu’une partie du dit kérosène sert à transporter le poids des repas, une compagnie qui désire maintenir ses coûts au même niveau jouera sur la qualité des plats (variable) pour composer le prix du carburant sur lequel elle n’a aucune prise. Ou alors elle répercutera l’augmentation du prix du carburant sur celui du repas. En valeur absolue il y a donc plus d’investissement sur la main d’œuvre et la matière première sur un plat de business ou de première que sur un plat d’economy, ce qui est logique.
Ce qui amène également à relativiser la qualité des plats de la classe économique qui se trainent souvent une mauvaise réputation : finalement pour 4 à 10 euros c’est plutôt pas mal non ? C’est un peu comme avec les compagnies low-cost : on n’a que ce que pour quoi on paie.
Le problème de la perception du client est qu’il juge la prestation servie au regard du prix du billet alors qu’elle n’en représente qu’une infime partie, surtout lorsque le yield management s’emballe. Quand on paie un billet 500 euros on est plus exigeant que lorsqu’on le paie 150 pour un même vol alors que la différence entre les deux est juste une histoire d’offre et de demande, pas de qualité de prestation, le prix du repas restant le même.
D’ailleurs les passagers de la business ou de la première classe auraient paradoxalement moins de raisons de se plaindre car proportionnellement, le poids du repas dans le prix du billet pèse proportionnellement moins chez pour eux. Mais il y a là un effet de halo : la différence en termes de services offerts de manière globale et le siège font que si le repas en vol compte, il est dilué dans une expérience plus globale.
Il y a donc un biais de perception logique au détriment des repas servis en vol mais les compagnies ont leur responsabilité : en mettant sur leurs fournisseurs une forte pression sur les prix elles ne les aident pas à augmenter leur niveau de qualité.
De là à justifier les politiques de buy on board ?
Le malentendu du buy on board
Il y a une tendance prononcée chez les majors aujourd’hui, en tout cas sur leur réseau moyen courrier, qui est de remplacer l’habituel service de restauration en economy par du buy on board, autrement dit une offre payante à la carte.
L’explication des compagnies aérienne est des plus simples : puisque les clients trouvent notre offre gratuite de mauvaise qualité on la supprime et on leur propose une offre payante de meilleure qualité qu’ils sont libres de prendre ou pas.
Une approche qui ne nous convainc pas tant nous sommes persuadés qu’il y a moyen de faire du qualitatif gratuit.
Une approche qui ne satisfait pas les clients non plus : s’ils ne sont pas systématiquement opposés à ce unbundling, ils ne constatent pas de baisse du prix du billet pour autant. Une offre payante à la carte pourquoi pas, mais vu que l’offre gratuite disparait le prix du billet doit baisser non ? Mais ça ne semble pas être le cas.
En fait lorsqu’on voit ce que pèse un repas sur le prix d’un billet de classe économique, enlever son coût du prix du billet global est quasiment imperceptible pour le client. Pire encore, le prix du billet varie en fonction de tellement d’autres variables (carburant, taxes, couts salariaux…) qui pèsent infiniment plus que la restauration que même en enlevant le prix du repas le prix du billet continue d’augmenter ce qui fait que le passager a l’impression de payer toujours plus pour moins.
Donc ces 4 à 10 euros de moins sur le billet (pour peu que la compagnie les enlève vraiment) sont invisibles pour le client alors que pour la compagnie c’est économie énorme lorsqu’elle multiplie ce chiffre par des centaines de milliers de vols.
Une pratique qui a du sens et a un impact financier réel pour la compagnie à son échelle et dont l’impact est au mieux imperceptible voire négativement perçu par le client qui ne voit pas le prix du billet baisser et doit en plus payer pour se restaurer.
La nourriture en vol : un facteur pas si différenciant que cela
Au final la dernière question qu’on peut se poser est : « est-ce vraiment si important? ». Ou, dit autrement, les gens accordent ils tant d’importance à ce qu’on leur sert à bord ?
Si nous n’avons pas trouvé de vrai étude sur le sujet il semble, et les retours que nous entendons ou lisons çà et là le confirment, la nourriture n’est pas un critère de choix pour les passagers, ce qui ne veut pas dire qu’elle n’a pas d’importance. Un passager se souviendra toujours d’un repas de qualité mais ça ne sera pas suffisant pour qu’il choisisse une compagnie plutôt qu’une autre.
Ce qui est assez cohérent avec nos propres pratiques chez TravelGuys : bien sûr nous sommes curieux de tester la nourriture d’une compagnie mais nous faisons davantage notre choix en fonction d’une expérience globale ou d’un siège. Le repas est une composante essentielle d’une review de vol, mais ça n’est pas cela qui va conditionner le fait qu’on choisisse telle ou telle compagnie. Paradoxalement c’est un élément essentiel de l’expérience, surtout dans les classes avant, mais pas vraiment un critère de choix à une exception près : sur les vols moyen courrier en Europe, et spécialement en business class, on préférera toujours une compagnie qui offre un service de plats chauds (désolé pour notre compagnie nationale…) mais en long courrier le critère pèse moins.
Partant de là, les compagnies ont elles tort d’investir sur le sujet (ou ont-elles raison de ne pas investir) ? En fait c’est davantage une question d’image. Ca n’est pas un critère objectif de choix en soi mais c’est un élément important de son image, de sa réputation. Un peu comme un critère inconscient. Ca n’est peut être pas parce qu’un chef étoilé conçoit le menu business class d’une compagnie qu’un passager la choisira mais cela influera inconsciemment sur l’image qu’il s’en fait et la qualité perçue.
A notre avis ce manque d’intérêt du client est dû à un certain nombre de facteurs.
• La plupart des gens ne voyagent pas assez pour avoir assez d’expérience pour comparer.
• Ils choisissent en priorité en fonction du prix et du fait qu’il s’agisse d’un vol direct ou pas.
• L’essentiel des passagers voyage en economy où la prestation servie est beaucoup moins qualitative et différenciante que dans les classes avant
• Ils partent du principe que de toute manière la nourriture sera mauvaise, s’ils s’avère que ça ne l’est pas ça ne sera que l’exception qui confirme la règle.
• S’ils se plaignent de qualité des plateaux repas ils ne sont pas prêts à payer plus.
Conclusion
Le prix du plateau repas n’a qu’un impact marginal sur le billet d’avion payé par le client même si à l’échelle d’une compagnie il représente un coût conséquent en valeur absolue.
Si son coût en business et en première permet de fournir un certain niveau de qualité, il faut relativiser la mauvaise qualité perçue en economy au regard du prix réel de la prestation, d’autant plus que le passager n’est pas prêt à payer plus.
Et de toute manière si la qualité de la nourriture servie peut faire partie de la réputation d’une compagnie ça n’est que rarement un critère de choix par les passagers.
Et vous ? Accordez vous de l’importance à la qualité de la nourriture lorsque vous choisissez une compagnie aérienne ? Les prix de revient des plateaux repas vous surprennent ils ? Et quelle est votre expérience globale avec la nourriture servie en vol.
Image : repas en avion de Mohd Syis Zulkipli via Shutterstock