Un événement organisé par Vietnam Airlines afin de présenter son offre de restauration en business class aura aussi été l’occasion d’en apprendre davantage sur le monde du catering aérien grâce aux équipes de Servair.
C’est dans le très joli hôtel M Social de Paris que Vietnam Airlines avait invité quelques personnes pour parler de sa carte en business class long courrier.
A ce stade je me demande comment je vais pouvoir sortir un article consistant sur le thème « j’ai mangé au sol ce que Vietnam Airlines sert en vol » mais au final la discussion avec les gens de Vietnam Airlines et de leur fournisseur Servair nous en apprendra beaucoup sur le monde du catering aérien et ses coulisses.
Il est temps de passer à table.
Le menu business class de Vietnam Airlines
Le menu qui nous présenté aujourd’hui est inspiré par le menu réellement servi en vol en ce moment sur la compagnie vietnamienne.
Je dis « inspiré car le menu proposé à bord est plus riche. En effet Vietnam Airlines propose un choix de 4 plats principaux en vol ce qui est quelque chose d’assez rare, beaucoup de compagnies se contentant de 3 et gonflant parfois l’offre artificiellement en ajoutant un plat végétarien.
Ceci dit il est compréhensible que pour des raisons logistiques il était impossible de proposer un choix de 4 plats dans cette configuration qui sortait un peu de l’ordinaire, dans un hôtel avec plus de participants qu’il n’y a de passagers dans une cabine business class et seulement une ou deux personnes pour dresser les plats.
Aujourd’hui nous aurons donc le choix entre un tournedos de bœuf charlemagne et sauce crémeuse au vin de Porto, pommes de terre au romarin et pois mange-tout à l’huile d’olive et des coquilles Saint-Jacques à la sauce impériale épicée, légumes sautés et riz à la vapeur.
Je parlais des contraintes logistiques qui pesaient sur le service dans ces conditions spéciales et à juste titre. Il y a en effet deux écoles pour le service en business class dans l’aérien.
Beaucoup de compagnies reçoivent les plats dans des cassolettes qui sont réchauffées à bord et servies telles quelles au client.
Vietnam Airlines a fait le choix de davantage de sophistication avec des ingrédients qui sont embarqués séparément, réchauffés et c’est ensuite au personnel de bord de dresser l’assiette. Pour cela ils disposent d’un « pas à pas » réalisé à leur attention et d’une photo du plat fini pour avoir une idée du visuel recherché.
Le résultat est infiniment plus beau que si le plat était servi dans des cassolettes mais cela demande évidemment beaucoup plus de travail de la part du personnel.
On ne vous cachera pas que chez Travelguys nous préférons cette option et on a du mal de considérer comme premium une compagnie qui se contente de réchauffer des cassolettes.
Nous avons d’ailleurs eu une démonstration exécutée par un chef de chez Servair qui nous a montré le travail réalisé par les stewards et les hôtesses dans le galley afin qu’une belle assiette arrive devant vous dans l’avion.
Environ une minute par plat, des gestes précis et maitrisés. Les ingrédients sont disposés de telle manière qu’un minimum de gestes sont nécessaires, d’autant plus qu’il faut bien avoir conscience que dans le galley le personnel ne dispose que d’une place très limitée pour dresser les assiettes.
Un dernier point qui mérite d’être mentionné avant de passer à table et déguster et qui concerne les passagers de classe economy. Vietnam Airlines est des des rares compagnies à ne servir que des plats frais en economy. Il y a en effet là aussi deux écoles : des plats surgelés qui sont réchauffés à bord et des plats frais.
Selon les gens de Servair il y a moins de 5 compagnies qui servent du frais en economy au départ de Roissy, visiblement toutes asiatiques, et Vietnam Airlines est l’une d’entre elles. Et des compagnies prestigieuses auxquelles vous penseriez spontanément n’en font pas partie.
Il est temps de passer à table…
Le déjeuner business class sur Vietnam Airlines
Le plateau qui nous attend à table comporte donc l’entrée, le beurre, une salade, et un toast (un choix de pain est proposé par ailleurs).
Notez que le sel et poivre sont dans de vrais salière et poivrier et pas dans de vulgaires récipients en plastique comme cela existe encore malheureusement ailleurs. Même remarque pour le beurre servi dans une coupelle et pas dans une barquette en aluminium (si si cela existe encore en business class).
Enfin, dernier bon point, le fromage n’est pas amené avec l’entrée afin d’économiser je ne sais quel effort supplémentaire de la part du personnel.
Tout cela s’avérera fort bon avec une mention spéciale pour l’excellent saumon fumé.
Quant à la salade en plus d’être visuellement réussie et très colorée elle avait pas mal de goût également.
Passons ensuite au plat principal.
Mon voisin de table a pris le boeuf charlemagne dont je vous partage une photo.
Je ne le gouterai pas mais il m’en dira le plus grand bien.
En ce qui me concerne j’ai choisi les St Jacques.
Un commentaire commun aux deux plats : le visuel est très réussi.
Ensuite j’étais très curieux de goûter au sol un plat destiné à être consommé en vol. On sait tous que notre gout s’altère en altitude dans une cabine pressurisée et qu’un plat délicieux au sol peut être totalement insipide en vol. A mon grand désespoir d’ailleurs car je trouve que certains marqueurs de la gastronomie française ne sont pas du tout adaptés à une consommation en l’air, comme le foie gras par exemple pour ne citer que lui.
A l’inverse des cuisines plus épicées passent beaucoup mieux à 36 000 pieds où je trouve la cuisine française moins à son avantage qu’au sol.
Je me disais donc que ce plat asiatique aurait, au sol, des saveurs plus prononcées qu’en vol, peut être même trop. Il ne restait plus qu’à gouter pour vérifier.
Premier commentaire : les St Jacques sont parfaitement cuites et ne sont pas caoutchouteuses comme cela arrive trop souvent.
Le riz est également parfaitement cuit.
Pour le reste c’est parfaitement épicé à mon goût et visiblemement à celui d’un des autres convives. Ce qui, a mon avis, signifie un peu trop épicé pour certains. De la même manière j’ai trouvé la sauce un peu trop salée (et pourtant j’aime le sel).
J’ai voulu vérifier mes impressions avec le chef Servair qui officiait et il m’a confirmé : le salé est provoqué par la sauce soja et effectivement, en vol, la perception est beaucoup plus équilibrée. Et si c’était moins puissant au sol ça serait fade en vol. CQFD.
Au final j’ai trouvé ce plat délicieux.
Suivront le fromage et le dessert, plus classiques.
Par contre nous serons quelques uns à nous éterniser après le repas ce qui sera l’occasion d’avoir une discussion informelle et très intéressante avec les gens de Servair. Ca n’était pas du tout prévu et ça a été très instructif.
Faits et anecdotes sur le catering aérien
Commençons par présenter les protagonistes. Servair est donc une société spécialisée dans le catering aérien, originellement filiale d’Air France qui l’a créée en 1971 et qui fait partie de gategroup depuis 2016.
La société travaille avec 70% des compagnies au départ de Roissy. Elle est présente dans 16 pays et 22 aéroports et sert 110 000 prestations par jour.
Voici donc en vrac quelques informations glanées au cours de cet échange.
Renouvellement des menus
Les menus sont renouvelés en général tous les 2 à 3 ans. Le menu proposé actuellement par Vietnam Airlines est un peu plus ancien ce qui s’explique par le COVID et que les compagnies n’aient logiquement pas renouvelé leurs menus pendant cette période.
Menus et cycles
Vous allez vous dire qu’avec un changement de menu tous les 3 ans les passagers fréquents doivent se lasser de tout le temps tomber sur les mêmes plats.
Déjà rappelons que les compagnies proposent un choix de plusieurs plats, plus réduit en economy qu’en business bien sûr. Dans le cas qui nous concerne avec les 4 plats que Vietnam Airlines propose en business class il y a de quoi faire à part si on voyage vraiment beaucoup.
Mais en fait lorsque qu’on parle de menu on parle d’un ensemble de cycles. Un cycle est une offre de quatre plats qui sera proposée pour une durée donnée. 3 mois dans le cas de Vietnam Airlines.
Donc en fait Vietnam Airlines a 4 menus avec 4 plats au choix en business class qui sont tournent tous les 3 mois.
Et pour éviter qu’une personne qui voyage toujours à la même période de l’année ne tombe toujours sur les mêmes plats (par exemple la personne qui va en vacances au Vietnam tous les étés), les cycles ne s’enchainement pas de manière régulière.
Par exemple après avoir enchainé les cycles 1, 2, 3 et 4, Vietnam Airlines redémarrera sur le cycle 2 pour créer un décalage.
Frais ou surgelé
Comme nous l’avons vu les compagnies ont le choix entre des plats frais ou surgelés. Si en business class la question ne se pose pas, en economy vous n’avez quasiment aucune chance de trouver une compagnie qui propose du frais. Elles se comptent sur les doigts d’une main et Vietnam Airlines est fière d’en faire partie.
Délais de fabrication
Vous vous doutez bien que tout cela demande une logistique irréprochable. Les compagnies passent leur commande 48h avant le vol et des ajustements peuvent avoir lieu jusqu’à 24h avant. Ensuite il est plus compliqué de faire des surclassements car il n’est pas dit que les plats puissent être préparés.
Les plats chauds sont préparés 48h avant le vol, le froid la veille.
Pas moyen de faire autrement : il y a des cycles à respecter à certaines températures
Tout cela dépend des compagnies : certaines commandent une quantité et paient ce qu’elles ont commandé, d’autres demandent à ce que qu’on leur fournisse toujours x% de plus pour avoir plus de flexibilité en dernière minute, quitte à avoir des plats en trop qui seront jetés.
Le végétarien n’est pas si bon marché
Une réponse à une de nos questions nous a surpris : les plats végétariens ne coûtent pas moins cher à produire que les plats normaux.
En fait si la matière première est moins chère ils demandent davantage de main d’œuvre (épluchage, lavage etc) et de travail pour les rendre attractifs.
Problèmes logistiques
La logistique est clé dans le catering. Par exemple à Roissy Servair a directement accès aux pistes, un emplacement qui a un prix, mais permet d’intervenir très rapidement pour une demande de dernière minute ce qui n’est pas le cas de tous les caterers de la plateforme.
Dans certains aéroports les centres de production peuvent être très éloignés des centres de catering ce qui ajoute des contraintes supplémentaires et enlève de la flexibilité.
Enfin certains aéroports dans des pays n’ayant pas des infrastructures développées n’ont aucun service de catering alors les compagnies se débrouillent comme elles peuvent, parfois en demandant à des hôtels de préparer les plats.
Conclusion
La prestation proposée par Vietnam Airlines en business class est vraiment de qualité et la compagnie assez exigeante par rapport aux contraintes qu’elle impose à ses fournisseurs (nombre de plats, plats frais…).
Mais au dela de cela, on a pas conscience lorsqu’on savoure un plat en vol de toute la logistique qu’il y a derrière, du travail de l’équipage pour dresser les plats, des contraintes et de la collaboration qui doit exister entre la compagnie et son fournisseur.