Avec quels carburants et sources d’énergie peut on faire voler un avion ?

Il n’y a pas que le kérosène dans la vie : entre l’électricité et le carburant durable il y a de multiples sources d’énergies pour faire voler un avion. Mais entre efficacité et prix de production tout n’est pas pas aussi efficace ou envisageable dans un avenir proche.

Un jour il n’y aura plus de pétrole et de toute manière les enjeux environnementaux poussent à trouver d’autres sources d’énergie quand bien même les ressources en pétrole seraient infinies.

Sans prétendre à l’exhaustivité ni à une expertise technique profonde en la matière, essayons de faire un tour des options possibles et vulgariser le sujet.

Dans cet article :

Avec quoi vole un avion aujourd’hui ? Kérosène et gasoline

Jusqu’ici on pouvait mettre deux types de carburants dans un avion : du kérosène et du gazoline.

On va rapidement évacuer le sujet du gazoline, ou Avgas pour aviation gasoline : il ne concerne que les petits avions avec des moteurs à pistons et ne pèse rien dans l’aviation commerciale.

Juste un point : même si les mots se ressemblent le gasoline n’est pas du gasoil mais une variété d’essence.

Donc jusqu’à aujourd’hui les avions ont utilisé du kérosène, également appelé jetfuel ou carburéacteur. Il est issu du raffinage du pétrole brut et son principal intérêt est son fort pouvoir énergétique qui permet une plus grande autonomie à masse emportée égale. Une autre caractéristique est son point de congélation très bas (-47°) en raison des températures rencontrées en altitude (-65°).

Son principal inconvénient, en dehors du fait que les ressources en pétrole ne sont pas illimitées est son émission en CO2.

Les biocarburants ou carburant durable (SAF)

Il s’agit d’alternatives au kérosène produites à partir de la biomasse et que l’on peut incorporer dans le kérosène fossile sans avoir à modifier les moteurs, les infrastructures, la logistique etc.

On parle également de Sustainable Aviation Fuel (SAF).

Le biokérosène peut venir d’une inifinité de sources : des plantes, des algues, du lin, des huiles usagées, des déchets agricoles et le plus souvent un mélange de ces composants.

Par contre son efficacité environnementale est très variable en fonction de ce qu’on utilise pour le produire. Selon l’IATA un biocarburant fabriqué à base de déchets ménagers produit 94% en CO2 en moins que le kérosène fossile, par contre si on utilise de l’huile de palme dont la production a un impact environnemental fort on…augmente la production de CO2 de 11%. Si on utilise de la jatropha (une plante), le gain est de 75%. En moyenne on estime tout le même la réduction des émissions à 80%.

Mais un vol utilisant 100% de SAF n’est pas pour demain. Si aujourd’hui on peut, techniquement, faire voler un avion avec un mélange à 50/50 de SAF et de kérosène fossile (Airbus a même fait voler en 2022 un A380 avec  100% de biocarburant) ça n’est pas réaliste en exploitation commerciale pour une raison principale : des coûts de production quatre fois plus importants que pour le carburant traditionnel.

Un prix qui explique qu’il y ait peu de demande, une faible demande qui explique qu’il y ait peu de production donc des prix chers. Le serpent se mord la queue. D’où la volonté de par le monde de nombreux gouvernements d’aider au développement de la filière SAF et on peut penser que la rentabilité de la transition vers les biocarburants pour les compagnies dépendra de la volonté locale des gouvernements de subventionner leur développement, en tout cas dans un premier temps.

De toute manière cette transition se passera, d’où l’urgence à la rendre économiquement supportable. Aujourd’hui la réglementation européenne impose 1% de SAF, 2% en 2025 avec un objectif de 70% en 2050 avec une augmentation par palier tous les 5 ans. Rien de tel côté US mais des objectifs en matière de soutien à la production, avec peut être l’idée qu’une offre abordable stimulera la demande en dehors de tout quota.

Quoi qu’il en soit les avions sont prêts : selon Airbus ses avions sont déjà certifiés pour fonctionner avec 50% de SAF et le seront pour 100% à la fin de la décennie.

Le e-fuel ou carburant de synthèse

Selon le Commissariat à l’Energie Atomique et aux Energies Alternatives (CEA), en France, le e-fuel est fabriqué après « une électrolyse de l’eau permettant de produire de l’hydrogène bas carbone, qui est ensuite combiné au CO2 (…) de manière à produire un carburant »

Ce CO2 pourrait être collecté auprès des industries qui en génèrent le plus, et donc aider à leur décarbonation.

Le principal avantage du e-fuel est qu’il est totalement neutre en carbone mais sa production demande une technologie encore naissante et qui coute beaucoup plus cher que les biocarburants et est très consommatrice en énergie même si des expérimentations ont lieu pour en fabriquer avec uniquement de l’air et du soleil.

S’il est largement envisageable d’utiliser ce carburant zéro carbone dans le futur, on volera pendant très longtemps avec de l’huile de cuisson en attendant…

L’hydrogène

L’hydrogène est une autre option. Son utilisation peut prendre deux formes :

Une pile à combustible qui entraine un moteur électrique. Uniquement envisageable pour de petits appareils.

Un moteur thermique fonctionnant à l’hydrogène, seule option valable pour de gros appareils

Et l’hydrogène a tout, ou presque, pour plaire : il n’émet que de l’eau et pas de CO2 et a poids égal sa performance énergétique est trois fois supérieure à celle du kérosène.

Mais son stockage est problématique : beaucoup plus léger que l’air il doit être mis sous pression pour être stocké sous forme liquéfiée à -253° et même là il prend quatre fois plus de place que du kérosène.

Ajoutons que si on sait très bien produite de l’hydrogène à partir d’énergies fossiles (hydrogène gris), l’hydrogène vert reste un domaine pas encore maitrisé.

Là encore c’est une technologie à développer et une filière à développer en partant quasiment de zéro.

Peut être une technologie d’avenir, mais un avenir très lointain.

L’électricité

L’avion électrique est déjà une réalité ou presque, puisqu’on parle de premiers vols commerciaux pour la fin de cette décennie. Mais si c’est la solution la plus connue par le grand public il n’est pas du tout sûr que ce soit celle qui s’impose le plus largement, et pour cause.

Le problème du moteur électrique dans un avion est le même que dans une voiture mais à plus grande échelle : un avion, vu son poids, a besoin de beaucoup d’énergie, cette énergie est stockée dans des batteries et ces batteries sont lourdes et encombrantes.

Aujourd’hui l’avion électrique souffre donc de deux limites : cela ne peut concerner que des avions de petite taille et l’autonomie est limitée (400km à horizon 2030). Cela ne peut donc pas être une solution globale en tout cas à moyen terme et dans l’état actuel de la technologie.

Mais des solutions hybrides existent :

• des moteurs hybrides, comme pour les voitures, qui permettent d’accroitre l’autonomie.

• des approches hybrides avec un carburant liquide (kérosène, SAF, e-fuel…) pour les moteurs et des batteries pour alimenter tout ou partie des fonctions de l’avion hors moteur en vol.

Le plasma

Nous nous en avions parlé en 2020 : le réacteur à plasma pourrait, dans le futur, motoriser des avions. A l’époque des chercheurs avaient réussi à faire fonctionner un tel réacteur en laboratoires, avec uniquement de l’air ambiant et de l’électricité, produisant une poussée équivalente à celle des moteurs à kérosène et avec zéro émission de CO2.

Le plasma est ce qu’on appelle le 4e état de la matière et on le trouve  dans le soleil, la foudre, les lampes au néon et il est obtenu en portant l’air ambiant à de très hautes températures : plus de 20 000° contre 1 700 pour un moteur normal. Cette chaleur est transformée en énergie et on a de quoi propulser un avion sans émettre de CO2

A cette époque cette technologie, déjà utilisée dans l’espace pour déplacer des satellites, n’en était qu’aux premiers pas de ses expérimentations pour fonctionner dans l’atmosphère terrestre.

Et depuis ? De nombreuses entreprises travaillent sur sujet avec à peu près le même horizon : un démonstrateur en 2030.

Quelle est la meilleure option pour le futur de l’aviation commerciale ?

Chaque option présentée ci-dessus a ses avantages et ses inconvénients et l’état de l’art des technologies fait que si certaines sont très concrètes et envisageables à moyen voire court terme (voire imposées pour le SAF), d’autres ne sont qu’au stade des recherches et rien ne dit si un jour elles deviendront exploitables à grande échelle par l’aviation commerciale ni quand.

Même en admettant que tout cela fonctionne un jour la question n’est pas de choisir aujourd’hui ce qui remplacera les carburants fossiles mais plutôt de définir une trajectoire de décarbonation réaliste.

Dans un premier temps en utilisant ce qu’on connait et qui fonctionne pour diminuer voire supprimer des émissions de CO2 dans un contexte technologique connu et maitrisé. Dans un second temps en changeant totalement les règles du jeu, les types de moteurs voire la manière dont on conçoit les avions (formes, moteurs) ce qui aura donc un impact gigantesque sur toute l’industrie qui devra se réinventer.

D’abord jouer avec les règles du jeu actuel, ensuite changer les règles du jeu quand on en aura les moyens.

Le premier temps on le connait : d’abord le SAF puis peut être du e-fuel.

Le second temps sera peut être l’hydrogène, peut être le plasma, peut être aucun des deux et une technologie encore inconnue, il est trop tôt pour le dire.

Conclusion

Il existe de nombreuses alternatives aux énergies fossiles pour propulser des avions mais toutes ne sont pas au même stade de maturité ou imposent des contraintes qui ne les rend pas réalistes à grande échelle.

Deux choses sont certaines. La première est qu’il existe dès aujourd’hui des moyens pour diminuer les émissions de près de 80% dans les 20 prochaines années mais qu’on utilisera toujours au moins un peu de kérosène fossile d’ici là. De moins en moins mais un peu quand même.

Ensuite il y a des technologies de ruptures très prometteuses au delà de cet horizon, mais dont personne ne sait si on arrivera à les rendre exploitables dans le cadre de l’aviation commerciale ni quand.

Et tout cela à condition que les pouvoirs publiques donnent le coup de pouce nécessaires au développement de ces nouvelles filières.

Image : avion électrique de Surasak_Photo via Shutterstock

Bertrand Duperrin
Bertrand Duperrinhttp://www.duperrin.com
Voyageur compulsif, présent dans la communauté #avgeek française depuis la fin des années 2000 et passionné de (longs) voyage depuis sa jeunesse, Bertrand Duperrin a cofondé Travel Guys avec Olivier Delestre en mars 2015. On peut le retrouver aussi aussi sur http://www.duperrin.com où il parle depuis plus de 10 ans de la transformation digitale des organisations, son métier quand il est au sol.
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