Voyage et unbundling : pourquoi vous avez toujours moins en payant aussi cher ?

Vous avez sans doute eu la surprise en prenant l’avion ou en vous rendant dans un hôtel de voir que certaines prestations que vous pensiez incluses et qui l’étaient par le passé sont ont disparu ou sont devenues payantes.

C’est l’effet d’une tendance de fond, le « unbundling » (ou dégroupage), qui touche tous les secteurs de l’industrie du voyage.

Le unbundling pour que le client ne paie que ce qu’il utilise

Au départ, comme tout ce qui concerne une réduction du service proposé aux clients, tout part d’une bonne intention.

« Les clients n’utilisent pas tous les services inclus dans le prix de la prestation donc si on les supprime ils paieront moins cher et ils seront contents« .

Ca c’est le discours tenu au client et dont on espère qu’il se révélera être une prophétie autoréalisatrice.

Au début on a vu la chose arriver dans le transport aérien avec la suppression des bagages en soute gratuits. La plupart des clients ne s’en servent pas, en tout cas en moyen courrier, donc pourquoi leur faire payer cette prestation en l’incluant dans le prix du billet ?

Et puis on a réduit puis supprimé les snacks servis à bord. Réduit pour des raisons d’économies. Et comme la prestation réduite ne satisfaisait pas les clients elle a été supprimée sous prétexte (il fallait oser) d’améliorer l’expérience client.

« Les prestations que nous servons gratuitement ne plaisent pas à tout le monde donc on les supprime et on les remplace par une offre totalement payante mais meilleure« . C’est à peu près le discours tenu par Lufthansa et Swiss pour justifier le passage au « Buy On Board ».

Et une offre de qualité incluse dans le prix du billet ça n’est pas possible ?

Les compagnies aériennes rivalisent de créativité en la matière. Dernier exemple en date : Qatar Airways qui supprime les accès salon pour ses classes tarifaires les moins chères en business class.

Mais les hôtels ne font pas mieux et souvent pire !

Le cynisme des resort fees

Les hôtels ont de tout temps proposé des prestations supplémentaires payantes, à côté de leur offre gratuite standard mais au fil du temps on a vu fleurir des suppléments en tout genre.

Tout d’abord les resort fees. Le principe est de faire payer, dans un complexe hôtelier balnéaire, des prestations qui seraient gratuites dans un autre hôtel. Accès à la piscine ? Avoir un transat à la plage ? Aller à la salle de sport ? Aucun problème à condition de vous acquitter d’un « resort fee » quotidien de quelques dizaines d’euros.

Mais ça n’est pas tout. Ces derniers temps des clients ont reporté des utilisations très variées des « fees ».

Des « energy fees« , peut être pour faire passer l’augmentation du coût de l’électricité, des « destination fees » pour justifier de vous faire payer simplement le fait d’être là, un « early check in fee » certainement parce que arriver à l’hôtel plus tôt que prévu désorganise le service….

Le cynisme de la chose est que dans la plupart des cas ces suppléments sont obligatoires et n’étaient pas indiqués au moment de la réservation jusqu’à il y a peu.

Améliorer la marge…bien sûr

N’allez pas chercher loin la raison de telles pratiques : améliorer la marge des compagnies aériennes et des hôtels. Mais la logique qui a amené là est légèrement différente.

Dans l’aérien le mouvement a vraiment pris de l’ampleur avec l’arrivée des low cost dont l’objectif était de proposer les prix les plus bas possibles ce qui impliquait une structure de coûts minimale. Cela leur a servi à gagner beaucoup de clients et de gagner de l’argent en raison des volumes transportés.

La marge, elle, est venue de la vente de prestations supplémentaires : bagages en soute, snack à bord, check-in au comptoir, paiement par carte bancaire…. ce qui fait qu’une fois tout mis bout à bout le prix s’avère souvent plus cher que sur une compagnie traditionnelle qui propose un « service complet ».

Dans l’hôtellerie, en dehors des resort fees, on ne constatait pas de gros excès jusqu’à la pandémie. Mais celle-ci a donné des idées à de nombreux opérateurs : contrairement à ce qu’on peut penser beaucoup ont gagné beaucoup d’argent pendant la pandémie en réduisant le service au maximum en raison des contraintes sanitaires et poussent à la généralisation d’un business model similaire aux compagnies aériennes low cost.

Autre piste pour les hôteliers : augmenter artificiellement les bénéfices de leurs programmes de fidélité pour les clients. En rendant payant des services autrefois gratuit et n’en maintenant la gratuité que pour une catégorie de membres du programme de fidélité ils font semblant d’ajouter des bénéfices nouveaux pour ceux-là alors qu’il ne s’agit que d’une forme de dévaluation déguisée du programme.

Le client n’en ressort pas vraiment gagnant

Mais au final tout cela ne serait pas un problème si le client bénéficiait de ces stratégies. Et ça n’est pas souvent le cas.

Dans l’aérien on ne critiquera pas les low cost même si vous devinez que ça n’est pas notre tasse de thé et qu’on ne les fréquente pas.

Quand on paie 40€ pour un aller retour en moyen courrier on sait qu’il ne faut pas s’attendre à quoi que ce soit en termes de service et d’attention. Et si on veut plus il faut accepter de payer des suppléments ou voyager sur une compagnie traditionnelle.

Nous sommes beaucoup plus critiques par rapport aux compagnies traditionnelles qui pratiquent le unbundling à plus ou moins haute dose, notamment avec le « buy on board » en moyen courrier.

Notre premier réflexe est de dire qu’entre servir une prestation lamentable gratuitement et une bonne prestation payante il y a peut être moyen de faire quelque chose de convenable gratuitement.

Mais ça c’est pas tout. Cele ne se traduit quasiment pas sur le prix du billet. Lufthansa, Swiss, SAS et d’autres sont elles devenues beaucoup moins chères depuis qu’elles sont passées au Buy On Board en moyen courrier ? On ne le pense pas et en tout cas ça n’est pas perceptible.

Font elles plus de marge ? Peut être mais à notre avis pas tant que cela. Selon le fameux adage, « on nait low cost, on ne le devient pas« . Ces compagnies ont une structure de coût qui est historique et finalement gratter quelques euros sur un plateau repas améliore les choses marginalement mais ne transforme pas leur structure de coûts profondément.

A tel point d’ailleurs qu’après avoir comparé les coûts et les bénéfices d’une telle approche, British Airways a décidé de faire machine arrière.

Mais quoi qu’il en soit on n’a jamais vu une compagnie aérienne partager des gains de marge avec ses clients.

Pour ce qui est de l’hôtellerie les gains pour les clients sont un peu plus sensibles…à condition qu’il n’ait pas l’intention d’utiliser un service lié à supplément pendant son séjour….et que le supplément ne soit pas obligatoire.

Mais là encore il y a un brin de malhonnêteté. Prenons le coût de la piscine : qu’elle soit utilisée ou non il reste le même donc fait partie des coûts fixes de l’hôtel. On ne peut imaginer l’hôtel dire « si seuls 10% des clients l’utilisent on ne peut la financer et on arrête ». Donc elle est « rentable » de toute manière car ses coûts sont supportés par tous les clients. Partant de là celui qui doit payer 25 euros par jour pour y accéder préférera l’époque où il payait « tout compris ».

Conclusion

Compagnies aériennes et hôtels rendent payantes un grand nombre de prestations autrefois gratuites soit disant pour « améliorer l’expérience client » ou « ne faire payer que ce que le client utilise ».

Derrière l’hypocrisie de la démarche on voit l’intérêt financier pour eux, moins pour le portefeuille du client qui ne voit pas trop la différence.

Peut être que l’impact sur leur image pourra les amener à faire machine arrière ? L’exemple de British Airways peut le laisser espérer, mais sans plus.

Image : vacances moins cher de udra11 via Shutterstock

Bertrand Duperrin
Bertrand Duperrinhttp://www.duperrin.com
Voyageur compulsif, présent dans la communauté #avgeek française depuis la fin des années 2000 et passionné de (longs) voyage depuis sa jeunesse, Bertrand Duperrin a cofondé Travel Guys avec Olivier Delestre en mars 2015. On peut le retrouver aussi aussi sur http://www.duperrin.com où il parle depuis plus de 10 ans de la transformation digitale des organisations, son métier quand il est au sol.
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