Comment est fixé le prix de votre billet d’avion avec le yield management ?

Le prix du billet d’avion reste un mystère pour un grand nombre de passagers qui ne comprennent pas comment il fluctue, pourquoi on peut avoir d’excellentes affaires ou payer très cher pour le le même vol, pourquoi il peut être moins cher d’aller à New-York qu’à Bordeaux. Nous allons essayer de vous expliquer tout cela dans cet article.

Alors pour commencer il faut savoir que la compagnie aérienne n’est pas responsable de tout ce que vous payez. Contrairement à une légende urbaine, l’avion est taxé et très taxé. Et surtout en France. Nous vous avons expliqué il y a quelque temps toutes les taxes qui s’appliquent à votre billet d’avion.

Classes de voyages, classes de réservation et classes tarifaire

Ensuite ce qu’il faut savoir c’est que le prix de votre billet dépend de votre classe de réservation, sujet que nous avons déjà traité également. Pour résumer le sujet sachez que :

  • Les classes de réservation (économie, business, first…) ne sont pas les classes de voyage .La classe de voyage détermine tout ou partie du produit, la classe de réservation détermine le tarif.
  • Enfin la classe tarifaire détermine le tarif et les conditions du tarif (réservation x jours avant, flexibilité, possibilité de réserver depuis tel ou tel pays, stopover autorisé au non etc).

Comme nous l’avions dit à titre d’exemple dans notre article sur les classes de réservation et les classes tarifaires, sur le vol Air France entre Paris et New-York que nous avions pris en exemple il y a :

  • 4 classes de voyage
  • 23 classes de réservation
  • 171 classes tarifaires variant, potentiellement, de 51€ à 13370€ pour un aller retour.

Donc maintenant la question qui intéresse le passager est de savoir pourquoi il « tombe » dans une classe tarifaire et pas dans une autre. Et bien tout cela dépend d’une pratique mal comprise, souvent décriée, nommée yield management ou revenue management. Dans cet article on utilisera le plus souvent le terme de yield management qui est le plus connu mais si on veut être précis on parlera de revenue management. Il existe des différences entre les deux mais pas assez significatives pour le passager pour qu’on rentre dans les détails ici.

Le yield management en bref

Pour revenir aux sources du yield management il faut comprendre le business d’une compagnie aérienne ou de toute entreprise qui vend un produit ou un service non stockable (train, hôtel voire énergie électrique….). Une place dans un avion ne se stocke pas, ou en tout cas pas après la date du vol.

Si vous vendez des vêtements il est dommage que nous n’ayez pas beaucoup vendu aujourd’hui mais un vêtement qui n’a pas été vendu aujourd’hui pourra l’être demain ou après demain. La vente est repoussée mais potentiellement pas perdue.

Dans l’aérien si un siège n’est pas vendu il est définitivement perdu. Si un siège est inoccupé dans le Paris-New York de demain à 10h30 il ne pourra pas être vendu le lendemain. Si un avion qui a 500 places part avec 450 passagers on ne peut pas compenser en y mettant 550 personnes le lendemain. Cela semble évident mais il faut bien le rappeler pour en comprendre les conséquences.

Une compagnie aérienne doit donc faire tout son possible pour remplir au maximum ses avions, avec, bien sur, le meilleur revenu possible. Si le billet est vendu trop cher il n’y aura pas de passagers, s’il n’est pas vendu assez cher elle volera à perte.

Les compagnies doivent donc optimiser leurs prix (pour vendre) sous la contrainte du temps (il faut vendre avant le vol), de la capacité (on ne peut pas vendre plus que la capacité de l’appareil et si on vend moins on perd de l’argent) et de ce que le passager est prêt à payer.

Pour cela les compagnies vont mettre le marché différents tarifs qui correspondent aux besoins d’un segment de clientèle (classe de voyage, flexibilité, services…) et les assortir de contraintes (dates de réservation, dates de voyage, stopover autorisé ou non…). Mais ça c’est juste de la segmentation tarifaire.

Le yield management consiste à l’« art » de mettre ou ne pas pas mettre un tarif en vente à un moment donné en fonction du taux de remplissage de l’avion pour maximiser le remplissage et le revenu.

Pour reprendre la définition donnée par Wikipedia :

 » le yield management a pour objectif de maximiser les recettes de l’entreprise de service. Il identifie des segments de marché, en évalue les potentialités et fixe des prix. Il crée des règles de réduction de tarifs et de déplacement pour établir un processus avancé de réservation. Il en contrôle l’efficacité et la mise en œuvre. Il assure la gestion de la capacité disponible par une tarification et une offre de services adaptées à la spécificité de chaque segment identifié. »

ou encore :

 » C’est une technique qui permet de calculer, en temps réel, les meilleurs prix pour optimiser le profit généré par la vente d’un produit ou d’un service, sur la base d’une modélisation et d’une prévision en temps réel du comportement de la demande par micro segment de marché. »

Comment fonctionne le yield management

Le principe est donc de proposer les « bons » tarifs au « bon moment ». Pas besoin de longues explications pour comprendre que quand personne ne veut prendre un vol donné il faut baisser les prix et quand la demande est très élevée on peut les monter.

Qu’est ce qui peut entrainer une demande faible ?

  • Le prix (mais c’est justement ce que le yield cherche à éviter)
  • attractivité de la destination à une période donnée
  • correspondance trop longue
  • facteurs externes (sanitaires, sécurité….)

Et à l’inverse les mêmes facteurs, lorsqu’ils s’inversent provoquent une hausse de la demande.

Le yield management par l’exemple

C’est pour cela que :

  • cela coûte moins cher d’aller à Palma de Majorque en janvier qu’en aout
  • il y a pleins de belles promotions sur les business class en été quand ses occupants habituels retournent en éco pour partir en vacances en famille
  • les billets sont souvent moins cher en semaine que le week-end…
  • un vol avec correspondance coutera souvent moins cher qu’un vol direct.

Le yield management dans la pratique

Vous imaginez qu’avec le nombre de classes tarifaires, le nombre de vols, la mise en pratique du yield management doit ressembler à un vrai casse tête et demander des talents divinatoires à ceux qui le mettent en œuvre à moins qu’ils ne soient des professionnels de la prise de risque comme les traders…

En fait vous vous en doutez, une part croissante du travail est désormais faite par des machines et, même lorsque l’humain est à la manœuvre il s’agit à la base d’une science statistique.

La personne en charge du yield va bien sur partir des statistiques et apprendre du passé pour anticiper le futur. Mais il va également (sinon la machine seule suffirait) prendre en compte des événements externes (météo, risque sanitaire, ponts et jours fériés non récurrents, existence d’un événement majeur ponctuel comme un événement sportif, une exposition.

En fonction de cela le yield manager/revenue manager va décider de mettre en vente un certain nombre de places dans une classe tarifaire donnée pour un certain temps.

Il y a bien sur des pratiques assez « générales »

  • longtemps avant le vol on ouvre les classes les moins chères pour commencer à les remplir
  • à la dernière minute on n’ouvre que les classes les plus chères car cela correspond souvent à un besoin de voyageur d’affaires qui paiera de toute manière.

Et entre les deux le talent du bon yield manager consistera à faire les bons arbitrages en fonction des facteurs externes s’il voit qu’il est en retard/en avance sur le remplissage du vol ce qui nécessite une bonne capacité de compréhension des facteurs qui font que les choses ne se déroulent pas comme anticipé afin d' »ouvrir » ou « fermer » les bonnes classes tarifaires.

Précisons que le yield manager n’a aucun pouvoir sur les tarifs : ils sont calculés par un « pricer » en amont, celui qui « découpe » le vol en classes tarifaires. Son rôle est de rendre telle ou telle classe tarifaire accessibles à la vente ou pas, pour un nombre de places qu’il va déterminer, au jour le jour, en fonction de l’évolution du taux de remplissage du vol.

Pourquoi les prix varient de manière inexplicable ?

Deux précisions pour ceux qui, malgré leur compréhension du yield management, s’étonnent de voir des prix varier subitement sur une période courte ou en fonction du canal de vente

Parfois on trouve un billet à 500 euros et quand on revient quelques heures plus tard il est 700. Beaucoup soupçonnent les compagnies de pratiquer l’IP tracking: un « cookie » est enregistré sur votre ordinateur quand vous allez sur le site lui permet de savoir quand vous revenez pour et ainsi augmenter les prix. Cela inciterait les clients à réserver plus rapidement sans aller voir ailleurs ni comparer. La CNIL a récemment produit une étude qui montrait qu’il n’en était rien.

Par contre ce qui est vrai c’est que si une classe tarifaire est ouvert pour disons, 10 places, elles peuvent partir très vite.

Ce qui peut aussi arriver c’est qu’un passager commence son processus de réservation pour se faire une idée du prix, puis va voir ailleurs, compare et revient. Pour le système de réservation la place est retirée de l’inventaire le temps que le passager termine sa transaction. S’il sort du process de réservation sans acheter la place restera retirée de l’inventaire pour un temps donné (souvent une heure)avant d’être remise en vente. S’il revient entre temps et recommence le process de réservation (ou si n’importe qui en fait de même) et qu’il s’agissait de la dernière place en vente à ce tarif on lui proposera le tarif supérieur. Plus d’une heure après il la retrouvera au « bon » prix.

Ensuite on peut s’étonner de trouver un vol à un prix sur un site et le même à un prix plus haut ou plus élevé ailleurs. Cela arrive car :

  • Les compagnies ne donnent pas tout leur inventaire à tous les canaux de vente. Elles peuvent garder leurs meilleurs tarifs pour les vendre en direct ou les réserver à leurs plus gros revendeurs et ne pas permettre à toutes les agences de voyage en ligne ou non ou compagnies partenaires de les vendre. Parfois, à l’inverse, on trouvera des tarifs qui ne seront disponibles que sur certaines agences de voyage en ligne et pas sur le site de la compagnie. Cela vient en partie du fait que le yield sert aussi à cibler certains profils de clients avec certains tarifs.
  • Cela vaut aussi pour les vols en « codeshare ». Parce qu’une compagnie ne donne pas ses meilleurs tarifs à ses partenaires ou parce que le celui-ci prend une marge supérieure lorsqu’il vend des vols d’autres compagnies votre vol Air France opéré par Delta peut être moins cher chez Delta.

Au revoir Yield management, bonjour dynamic pricing ?

Le yield management a aidé les compagnies a devenir plus rentable et, chose qu’on oublie souvent, a également permis aux passagers d’accéder à des billets moins cher qu’avant mais il est bien entendu perfectible.

A terme beaucoup de compagnies regardent du côté du « Dynamic Pricing » qui permet non plus d’ouvrir une classe de réservation donnée à l’ensemble du marché (quitte à ne la vendre que sur certains canaux) mais de proposer un tarif donné à un passager donné en fonction de son profil (historique de ventes et de voyages, données collectées grâce sa navigation sur internet, grâce au programme de fidélité etc). On rentrerait donc dans une logique d’individualisation du tarif et les compagnies qui explorent cette voie semblent enregistrer un impact significatif sur les ventes.

Mais c’est un autre sujet dont on parlera dans un autre article.

Photo : billet d’avion de ADragan via Shutterstock

Bertrand Duperrin
Bertrand Duperrinhttp://www.duperrin.com
Voyageur compulsif, présent dans la communauté #avgeek française depuis la fin des années 2000 et passionné de (longs) voyage depuis sa jeunesse, Bertrand Duperrin a cofondé Travel Guys avec Olivier Delestre en mars 2015. On peut le retrouver aussi aussi sur http://www.duperrin.com où il parle depuis plus de 10 ans de la transformation digitale des organisations, son métier quand il est au sol.
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