Qu’est ce qu’un client fidèle ?

S »il y a un sujet qui fait régulièrement débat au sein des voyageurs c’est celui des programmes de fidélité. Pas assez rémunérateurs pour les uns, ne témoignant pas assez de reconnaissance aux clients pour les autres ils font rarement l’unanimité.

Tout cela parce qu’entre professionnels et clients on n’a pas la même définition de la fidélité et de ce qu’est un client fidèle.

Pour faire court disons que les professionnels du secteur ont une lecture absolue de la fidélité alors que les clients en ont une vision relative. Ou que les uns ont une approche business là où les autres ont parfois parfois plus affective.

Le programme de fidélité vu par le client

Les clients ont donc une conception relative des programmes de fidélité. Pour eux la fidélité s’apprécie à la proportion de leurs voyages / séjours effectués avec une compagnie donnée ou dans une chaine d’hôtels donnée. « Je vole 100% de mes vols avec Air France donc je suis fidèle à Air France« , et ce peu importe que ce 100% corresponde à 10, 20 ou 100 vols par an. On est parfois dans une logique de relation de couple où fidélité rime avec exclusivité.

Ce qui m’amène à la dimension affective du programme de fidélité pour les clients. Un client peut être fan d’une marque pour une raison ou une autre, ne voler qu’avec une seule compagnie (même s’il vole peu), en être un fervent promoteur et défenseur et il attend que cet engagement soit reconnu, point sur lequel il est souvent déçu.

Ce qui nous amène au point de vue de la compagnie aérienne ou de la chaine hôtelière.

Le programme de fidélité vu par les professionnels du tourisme

Le professionnel du tourisme a une conception absolue de la notion de fidélité. Il ne regarde pas à quel point un client voyage ou séjourne chez lui par rapport à ses concurrents mais le nombre absolu de nuits ou de vols. Autrement dit il aura davantage de reconnaissance pour un client qui passe 50 nuits dans ses hôtels ou fait 50 vols par an mais qui en fait tout autant avec ses concurrents que pour celui qui n’en fera que la moitié mais sans fréquenter la concurrence. De plus alors que le client ne regarde que sa consommation personnelle, le professionnel doit prendre en compte celle de tous les clients. Il faut étaler les statuts et les bénéfices en fonction de la consommation des clients donc si vous avez beaucoup de clients à plus de 100 vols par an celui qui n’en fait que 50 passera au second plan.

Par exemple il est beaucoup plus simple d’obtenir un statut Star Alliance Gold chez SAS que chez Lufthansa car les seuils de son programme de fidélité sont plus bas. Pourquoi ? Même si les scandinaves prennent beaucoup plus l’avion que les autres européens (en raison de la géographie locale) ils font proportionnellement plus de moyens courrier (car voyages locaux) et moins de long courrier (SAS n’a pas un aussi grand réseau long courrier que sa consoeur allemande). Moralité un « gros » client SAS volera moins en distance qu’un gros client Lufthansa et les seuils des statuts sont calculés en conséquence. Raison pour laquelle il peut être intéressant d’adhérer à Eurobonus, le programme de SAS, même si on ne voyage jamais avec cette compagnie.

Il s’agit donc d’une conception business des programmes de fidélité. Et ça n’est que logique car le programme de fidélité est un outil économique. Les bénéfices accordés ont un coût, les miles/points sont une dette (ce qui justifie les fréquentes dévaluations) et dans certains cas il est un outil de financement de la compagnie (il a permis à certaines compagnies aériennes de se financer pendant le COVID). Ca n’est donc pas un programme de charité et il doit être économiquement rentable, ce qui fait dire à certains que le client n’est jamais gagnant avec les programmes de fidélité.

C’est pour cela que la plupart des programmes de fidélité sont devenus « revenue based », notamment dans l’aérien. Les points « rewards » qui servent à se payer des vols et des nuitées sont attibués nont pas en fonction de la distance parcourue ou du nombre de nuits mais des sommes dépensées. Logique : à une récompense monétaire doit correspondre un revenu sinon c’est la faillite assurée. Quand aux statuts ils sont accordés, eux, à la volumétrie qui caractérise sinon la fidélité en tout cas l’intensité de la relation. Tout cela on l’a bien vu lors de la refonte de Flying Blue il y a quelques années.

Forcément quand on ne parle pas de la même chose il y a de fortes chances qu’on n’arrive pas à s’entendre.

Un dialogue de sourd

Il est dès lors d’aisé de comprendre pourquoi compagnies aériennes et chaines d’hôtels sont souvent fières de leur programme alors que le client « lambda » ne s’y retrouve pas. Et cela d’autant plus qu’il est beaucoup plus fidèle (au regard de sa propre conception de la fidélité) que nombre de passagers « elite » qui ont davantage de reconnaissance et de bénéfices même s’ils papillonnent entre les compagnies aériennes.

Mais comme ces derniers voyagent beaucoup plus ils arrivent même parfois à cumuler les statuts sur différentes compagnies aériennes, fonctionnement beaucoup moins à l’affect dans le choix d’une compagnie et raisonnent davantage en termes d’alliances.

Disons que le frequent flyer a une relation moins affective et plus utilitaire du programme de fidélité et est souvent davantage fan de son statut que de la compagnie qu’il emprunte. Mais ça c’est encore un autre sujet.

La fidélité paie-t-elle ?

Donc à l’heure ou le client se demande si être fidèle (selon sa conception de la fidélité) paie soyons clairs : la fidélité ne paie pas, les volumes consommés et les dépenses oui. C’est aussi simple que cela même si ça décevra nombre de fans.

Image : client fidèle de iQoncept via Shutterstock

Bertrand Duperrin
Bertrand Duperrinhttp://www.duperrin.com
Voyageur compulsif, présent dans la communauté #avgeek française depuis la fin des années 2000 et passionné de (longs) voyage depuis sa jeunesse, Bertrand Duperrin a cofondé Travel Guys avec Olivier Delestre en mars 2015. On peut le retrouver aussi aussi sur http://www.duperrin.com où il parle depuis plus de 10 ans de la transformation digitale des organisations, son métier quand il est au sol.
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