Air France a enfin remboursé l’état des aides accordées pendant le COVID et retrouve enfin sa liberté pour participer à la consolidation du marché en Europe !
Air France handicapée par les aides d’Etat
Comme de nombreuses compagnies européennes Air France a eu besoin du secours de l’état pour survivre à la crise du COVID. Mais ces aides n’étaient pas sans contreparties. L’Europe était en effet très vigilante au fait que ces aides ne servent qu’à passer la période du COVID et ne constituent pas des aides déguisées.
C’est ainsi que ces aides avaient été assorties de certaines obligations comme l’interdiction de prendre plus d’un certain pourcentage du capital d’une autre compagnies ou de verser des dividendes.
Des contraintes tout à fait compréhensibles d’un point de vue concurrentiel mais qui commençaient à devenir un handicap pour le groupe franco-néeerlandais. En effet à la crise a succédé un mouvement de consolidation dans le ciel européen, mouvement qui était déjà attendu et avait commencé avant avec le rachat d’Air Europa par IAG et qui n’attendait que le retour à la normale pour reprendre.
Le problème était alors qu’alors que les autres acteurs du marché se libéraient de ces contraintes, Air France-KLM tardait à en faire de même et, alors que la course aux rachats était lancée, restait scotchée sur la ligne de départ.
C’est ainsi qu‘il lui a été impossible de se battre à armes égales sur le dossier ITA où Lufthansa l’aura dépassée dans la dernière ligne droite. Toutes les explications qui ont suivi ne nous convainquent pas et nous avons la quasi-certitude que si Air France-KLM avait pu investir seule pour prendre le contrôle de la compagnie aérienne elle l’aurait probablement emporté alors que le montage bancal où elle n’était qu’un partenaire commercial alors qu’ITA voulait un partenaire industriel et stratégique était voué à échouer.
Mais cette période est désormais terminée comme la compagnie l’a confirmé par un communiqué de presse avant hier.
• Air France-KLM a entièrement remboursé le solde des obligations hybrides perpétuelles de l’État français pour un total de 300 millions d’euros, et a procédé au paiement de la compensation de l’État français requise au titre des actions souscrites en avril 2021, et ce sans qu’une modification de la structure du capital ne soit requise
• Le Groupe a de fait refinancé 407 millions d’euros par le biais d’une nouvelle émission d’obligations hybrides perpétuelles auprès de l’Etat. français, non soumises à des contraintes.
C’est un vrai soulagement car en toute honnêteté nous doutions au départ de la capacité d’Air France-KLM à rembourser ses aides. Il était irréaliste qu’elle y arrive uniquement par le cash flow généré et vu l’état de ses finances au début de la crise il nous semblait très improbable qu’elle arrive à se financer sur les marchés faute d’avoir une santé financière rassurante.
Et bien nous nous sommes trompés et c’est tant mieux. Nous aurons l’occasion de revenir sur le sujet à une autre occasion mais nous en profitons pour saluer le travail de Ben Smith et de son équipe de direction qui a su non seulement sortir de la crise mais apurer en partie la situation qu’il a trouvé en arrivant, issue d’années d’errements.
Comment Air France-KLM s’en est sortie ?
Il ne faut par croire pour autant qu’Air France-KLM s’est désendettée : elle a échangé une dette avec contrainte contre une autre dette sans contrainte. Car si les termes du communiqué sont un peu techniques il en ressort assez clairement que le désentettement a été refinancé par une émission d’obligations auprès de l’état.
La compagnie a donc remboursé l’Etat en empruntant…à l’Etat. Tout ce qui change est la nature des obligations liées à la dette.
Une manœuvre tout à fait normale et c’est d’ailleurs de la même manière que Lufthansa a procédé en levant de l’argent sur les marchés. Mêmes dettes mais créanciers et contraintes différentes. La seule différence est que la compagnie allemande s’est adressée aux marchés et Air France-KLM à l’Etat. On laissera les analystes financiers se prononcer sur le sujet mais c’est peut être justement le signe que la santé de l’un rassure davantage les investisseurs privés que celle de l’autre. Mais il faut également prendre en compte l’aversion du groupe allemand pour l’ingérance de l’Etat dans ses affaires qui avait failli le mener à se mettre « auto faillite » (une procédure similaire au chapitre 11 américain) si les conditions exigées par l’Etat allemand pour l’aider lui semblaient trop contraignantes.
Air France prête à tenir son rang
Ainsi libérée de ses contraintes, Air France a de nouveau les mains libres pour participer à la consolidation du marché, un objectif que Ben Smith affichait dès 2019 mais mis à mal par le COVID.
Elle retrouvera d’ailleurs Lufthansa et probablement IAG sur son chemin sur le dossier de la privatisation de TAP mais c’est un sujet dont on reparlera en son temps. Mais c’est un sujet stratégique pour Air France-KLM : après avoir raté ITA c’est la seule compagnie « intéressante » qui reste sur le marché et le prévisible déclin du hub de Schiphol impose au groupe de trouver un relais de croissance ailleurs.
Conclusion
Air France s’est enfin libérée des contraintes liées aux aides reçues lors du COVID et peut désormais acquérir d’autres compagnies. La compagnie poursuit donc le redressement entamé avec l’arrivée de Ben Smith, tourne la page du COVID et peut lutter avec ses concurrentes à armes égales.
Armes égales ? C’est la grande question. Libérée de ses contraintes ne veut pas dire que ses finances, en mauvais état lors de l’arrivée de l’actuelle équipe dirigeante soient assez assainies pour exister face à IAG et Lufthansa Group.
Premier élément de réponse lors de la privatisation d’ITA.
Image : B777 Air France de Lukas Wunderlich via Shutterstock