Alors qu’on parlait du regain d’intérêt de Lufthansa pour Alitalia et du rachat d’Air Europa par IAG, d’autres annonces significatives ont eu lieu la semaine dernière qui en disent long sur la manière dont elles voient l’avenir et les capacités qui sont les leurs pour y faire face.
Air France a notamment dévoilé aux investisseurs sa stratégie pour les prochaines années mais avant d’en parler dans un prochain billet, commençons par quatre annonces de Lufthansa Group.
Lufthansa coupe dans le service, les effectifs et le programme de fidélité
Je disais il y a peu que chez Air France ça rabotait à tout va, mais Lufthansa n’est pas en reste. Logique : même marché, même environnement concurrentiel, mêmes conséquences même si les moyens ne sont pas les mêmes.
Première nouvelle : une coupe dans le service long courrier.
Lufthansa va réduire le service en classe économique et en classe premium économie à partir du 28 novembre 2019.
- Sur les vols long-courriers, Lufthansa n’offrira qu’une petite collation végétarienne froide en guise de repas avant l’atterrissage, sans choix.
- Aujourd’hui sur des vols d’une durée de plus de 10 heures, la compagnie propose un petit plateau chaud avec deux choix de plats.
- Actuellement, sur les vols d’une durée de moins de 10 heures, elle propose des casse-croûte avec des aliments chauds.
Alors vous me direz que c’est juste un petit changement mais il est tout de même signe d’une dégradation du service.
Deuxième nouvelle : une coupe dans les effectifs chez Brussels Airlines et Austrian.
Les deux compagnies membres de Lufthansa Group vont se voir imposer un régime minceur !
Tour d’abord Brussels Airlines qui se voit imposer 160 millions d’économies par an d’ici 2022. Sans qu’on sache chiffrer aujourd’hui l’impact en nombres d’emplois on imagine a minima un plan de départ volontaires voire des licenciements sec. A côté de cela le Conseil d’administration de la compagnie belge sera « entièrement numérisée et rationalisé », sa flotte sera « standardisée » et l’ensemble des process revus et améliorés.
Du côté de chez Austrian c’est un plan de 90 millions d’économies par an qui sera mis en œuvre et aura pour conséquence la fermeture de toutes ses bases hors vienne. On estime que 700 à 800 emplois seront concernés.
Troisième nouvelle sur laquelle on ne s’étendra pas ici, une refonte du programme de fidélité Miles&More dans la lignée de ce qu’on a vu faire ailleurs dans le passé, chez Air France par exemple et plus récemment chez United, partenaire privilégié de Lufthansa dans le cadre d’une coentreprise par ailleurs.
Quatrième nouvelle : une précision du cadre dans lequel Lufthansa serait intéressée par Alitalia. Selon Carsten Spohr, PDG du groupe allemand : « En ce qui concerne Alitalia, notre position n’a pas changé. Nous l’avons dit à maintes reprises, nous ne sommes pas intéressés à investir dans l’actuelle Alitalia. Nous sommes intéressés à envisager une nouvelle Alitalia restructurée, si cela a un sens pour nous et nos actionnaires, notre personnel et nos clients en raison de l’importance du marché italien. Il n’y a donc rien de nouveau à ce sujet, comme je viens de le dire« .
Dit en d’autres termes, il renvoie ne gouvernement et les actionnaires actuels à leurs responsabilités : « faites le ménage d’abord et on viendra ensuite si la mariée nous plait« .
Les raisons d’un serrage de ceinture
On peut se demander pourquoi le groupe allemand sert autant la vis alors qu’il vient de publier de bons résultats semestriels. Et bien c’est on ne peut plus simple : alors qu’on s’attend à ce que le secteur traverse une nouvelle crise cyclique et rentre, en tout cas en Europe, dans une phase de consolidation, ce qu’on disait à propos d’Air France l’est tout autant pour Lufthansa. Il faudra d’abord passer l’hiver puis avoir les moyens de participer à la consolidation du secteur (ou participer à la consolidation avant…si on en a les moyens mais sans se mettre en danger).
Pour cela il n’y a ni mille, ni cent, ni dix, ni deux manière d’y parvenir mais une seule : restaurer la marge. Sans marge l’hiver sera rude, sans marge on peu se retrouver en difficulté, sans marge on va regarder les autres se nourrir sur les dépouilles des compagnies qui n’auront pas résisté voire devenir une proie soi-même.
On verra d’ici quelques jours que c’est exactement la logique qui anime le nouveau plan stratégique d’Air France et c’est, dans le cas qui nous intéresse, la seule et unique préoccupation de Lufthansa Group.
Lufthansa va bien, voire très bien ? Il faut anticiper ! Brussels Airlines et Austrian ne vont pas mal ? Et bien ça n’est pas assez. Objectif 8% d’EBIT (résultat avant intérêts et impôts) minimum pour les deux retardataires et pas question de s’endormir sur ses lauriers pour la maison mère.
Souvenons nous à ce propos des propos lucides de Ben Smith, le PDG d’Air France-KLM cet été :
“La marge d’Air France en 2018 n’était que de 2 %, contre 9 % pour KLM, 10 % chez Lufthansa, 12 % chez British Airways et 18 % chez Ryanair. 2 % de marge chez Air France, ce n’est pas satisfaisant. Cinq points peuvent s’expliquer par les coûts en France. Mais deux points sont dus à la complexité et à l’inefficacité de la compagnie. À nous de nous y attaquer. “
Voilà tout est dit.
Le pari de la rigueur est-il le bon ?
Si les efforts imposés à Austrian et Brussels Airlines semblent être du pur bon sens on peut se demander si le coup de rabot passé sur le service en éco et premium éco long courrier va, lui, dans le bon sens quand on sait qu’on même moment British Airways améliore son offre sur la premium éco et, surtout, que Delta Airlines lance enfin son nouveau produit éco long courrier qui marque un vrai bon en avant dans cette classe de voyage et sûrement une référence que la concurrence ne pourra pas ne pas benchmarker.
Le passager préférera à coup sûr l’approche de Delta mais seul l’avenir nous dira qui a vu juste, peut être les deux d’ailleurs. On est simplement face à deux philosophies voire dogmes opposés : Delta pense qu’un meilleur produit aidera a vendre plus cher et faire de meilleurs résultats quand Lufthansa pense avec une rigueur toute germanique que tout est dans le contrôle des coûts et la rigueur budgétaire.
Les compagnies européennes en ordre de bataille
En tout cas une chose est sûre, les « majors » européennes fourbissent leurs armes pour un avenir à moyen terme qu’elles ne voient pas rose et dans lequel certaines laisseront certainement des plumes.
Simplement à ce petit jeu là toutes ne partent pas à armes égales : si IAG et Lufthansa Group vont bien et se « contentent » de se préparer, Air France-KLM doit à la fois rattraper son retard se donner les moyens de jouer un rôle demain. On en reparle prochainement d’ailleurs…
Photo : avions lufthansa à l’aéroport By Tupungato via Shutterstock