Dans cet article nous allons essayer de faire la lumière sur un sujet qui préoccupe visiblement beaucoup nos lecteurs : la fixation et les variations du prix d’un billet d’avion et, accessoirement, du gain de points/miles associé à ce billet.
En effet, beaucoup de personnes nous disent qu’elles ne comprennent comment sont calculés les prix des billets, pourquoi ils fluctuent d’une journée voire d’une minute à l’autre, pourquoi elles ont payé plus ou moins cher que le voisin de vol ou s’étonnent de ne pas avoir gagné de miles/points sur leur dernier vol.
Pour comprendre tous les mécanismes à l’œuvre sur ce sujet il faut commencer par la base : comprendre ce qu’est une classe de réservation. En effet c’est votre classe de réservation qui est l’élément déterminant de toutes les questions tournant autour du prix du billet.
Ne pas confondre classe de voyage et classe de réservation
Oh mais c’est pourtant simple : « je vole en éco et je comprend pas pourquoi mon voisin a payé moins cher son billet éco, et pourquoi la dernière fois que j’ai volé en éco j’ai gagné des miles et pas cette fois-ci » ?
Et bien non, ça serait trop simple pour être vrai. Il y a classe économie et classe économie, business et business et au départ il faut commencer par ne pas confondre classes de voyage et classes de réservation.
Les classes de voyage tout le monde les connait…ou presque.
Economie : la plus courante, celle que tout le monde connait et utilise en général. La seule à être proposée par toutes les compagnies sur tous les vols même si, avec le temps, la prestation qu’elle comprend varie selon les compagnies…et la classe de réservation !
Premium Economy : c’est la plus récente des classes de voyage en tant que « produit ». A mi-chemin tant au niveau du siège que du service (et du prix) entre l’économie et la business. Plus d’espace, des avantages, spécifiques voire des repas améliorés.
Business : pour beaucoup de compagnies c’est la plus haute classe proposée aux clients. Sur les longs courriers (et les moyens courriers des compagnies asiatiques) on y trouve de vrais sièges lits, des repas hauts de gamme… Sur le moyen courrier en Europe on y trouvera le même siège qu’en économie, souvent avec neutralisation du siège du milieu pour avoir plus d’espace, une restauration améliorée. Dans tous les cas elle s’accompagne de files prioritaires, d‘accès à des salons pour attendre son vol, une franchise bagage plus importante…
Première ou First : apanage qu’une petite minorité de compagnies c’est le summum du luxe aérien. Suites privées, literie de qualité hôtelière, repas conçus par des chefs reconnus, caviar, grands crus, salons spécifiques dans les aéroports, transferts prrivés en limousine de chez soi à l’aéroport, transfert du salon au pied de l’avion en limousines… Avec la montée en gamme des business class les First se font de plus en plus rares et de plus en plus exclusives.
Pour faire simple, chaque classe de voyage est associée à un code représenté par une lettre qui permet de les identifier.
F : Première classe plein tarif
J : Business Class Plein Tarif
Y : Classe économique plein tarif
Et depuis peu W pour Premium Economy plein tarif (au départ c’était souvent une subdivision de la classe économique mais elle a fini par exister en tant que tel vu son succès)
Ces codes sont communs à quasiment toutes les compagnies.
D’ailleurs très souvent les passagers « fréquents » appellent les classes de voyage par leur code. « Je suis en Y et j’aimerais bien être surclassé en J » signifie donc « je vole en éco et j’aimerais bien passer en business ». « 5h en Y ? Tu as bien du courage ».
Voilà pour les basiques. C’est maintenant que cela se complique. Les compagnies aériennes ne reculent jamais devant rien pour compliquer ce qui est a priori simple, les départements marketing pour segmenter ce qui peut l’être, mettez donc un marketeur dans une compagnie aérienne, présentez lui un responsable du « Yield » (autrement dit optimisation du revenu sous contrainte des capacités) et vous assistez à la création des classes de réservation.
Pourquoi des classes de réservation
Tous les passagers n’ont pas les mêmes contraintes et besoins. Certains veulent des tarifs flexibles, ou un peu flexibles, d’autres veulent pouvoir faire un « stop » lors d’une correspondance, certains veulent repartir d’une ville autre que la destination de leur vol « aller », certains veulent de la disponibilité à la dernière minute, d’autres sont prêts à acheter en avance.
Donc pour chaque classe de voyage on a créé des classes de réservation qui correspondent, basiquement, à un certain nombre de restrictions par rapport au plein tarif de la classe voyage en question. On paie moins cher mais en contrepartie on a moins de flexibilité, on gagne moins de miles etc. Ou à l’inverse moins on veut de contraintes plus on paie cher.
Donc nos classes F,J,W et Y ont fait des petits. Là je ne vous ferai pas de tableau car cela dépend des compagnies. Par exemple chez Air France la « P » est une first, chez Lufthansa il s’agit d’une business discountée qui elle s’appelle « Z » chez Air France. Et si une personne vous dit qu’elle est pressée de « déjeuner en P » ça ne veut pas dire qu’elle est fan de Stéphane Eicher mais qu’elle est impatiente de goûter au menu quasi gastronomique de son futur vol en classe La Première !
23 classes de réservation sur ce Paris-New York Air France
Regardons par exemple ce Paris-New York sur Air France.
La colonne « available classes » nous montre toutes les classes de réservation disponibles ainsi que le nombre de sièges disponible par classe. Le nombre de places disponibles est affiché en un seul chiffre donc il ne peut dépasser 9 même s’il y a davantage de places disponibles …donc quand vous lisez J9 cela veut dire qu’il reste au moins 9 sièges dans la classe J. Si vous lisez P4 cela veut dire qu’il reste exactement 4 sièges en classe P.
Notez qu’un même siège peut être proposé à plusieurs tarifs. On voit ici qu’il y a 4 P (First plein tarif) et 2 F (First discountée) alors qu’il n’y a que 4 places en classe La Première sur cet appareil. Cela veut dire que les 4 peuvent être vendues à plein tarif et seulement 2 des 4 en tarif discounté.
Cela fait donc 23 classes de réservation pour 4 classes de voyage sur ce vol entre Paris et New-York opéré en Boeing 777-300ER.
Donc à ce stade vous vous rendez compte que quand vous cherchez un tarif sur un vol, vous n’allez pas piocher dans un inventaire de, par exemple, 300 places disponibles en économie mais peut être 5 correspondant à votre situation et votre demande. Et quand on est en « compétition » avec potentiellement tous ceux qui veulent voler sur la même route le même jour sur le même vol et qu’on se bat pour 5 places ça fait que finalement votre classe de réservation peut se remplir entre le moment où vous commencez votre recherche et le moment où vous vous décidez à acheter et donc que les moteurs de recherche vous enverrons vers la classe de réservation supérieure vu qu’elle deviendra à ce moment la moins cher réellement disponible.
Vous rechercherez alors toujours un billet en économie entre Paris et New-York et vius vous étonnerez de voir qu’il a pris 200 euros en 1h ou en une nuit. Ca n’est pas une affaire de pratiques douteuses des compagnies aériennes qui feraient artificiellement monter les prix pour vous obliger à acheter vite (une vraie légende urbaine) c’est juste que quand potentiellement des milliers de personnes se battent sans le savoir pour 5 places elles peuvent partir très vite.
Mais je reviendrai sur le sujet plus précisément dans un futur article, celui-ci étant déjà assez dense.
Et là vous pensez avoir tout compris à l’imbroglio du prix du billet ! Halte là. Ca n’est que de début.
En effet, du côté de la compagnie on peut avoir envie, par exemple, de proposer, au sein même d’une classe de réservation des vols moins chers à ceux qui réservent tôt, restreindre l’accès à ce tarif(ou l’interdire) à des personnes partant d’une ville ou d’un pays donné (vous vous souvenez des market fares ?), autoriser ou non ce tarif sur des vols en code share, autoriser l’open jaw (repartir d’une autre ville pour le retour que la ville d’arrivée de l’aller), faire des promos spéciales, offrir des discount pour des gens voyageant à deux ou en couples, autoriser le tarif en aller simple ou imposer un aller retour, obliger à une durée de séjour minimale ou maximale, limiter le tarif et/ou les dates où il est disponible à certaines périodes de l’année… La liste est sans fin.
Pour cela les compagnies on créé les classes tarifaires !
L’usine à gaz des classes tarifaires
Au sein d’une classe de voyage, une classe tarifaire est un tarif qui vous permet de voyager dans cette classe à conditions que vous remplissiez un certain nombre de conditions et respectiez un certain nombre de contraintes (voir liste ci-dessus).
On est donc dans un niveau de finesse encore plus grand qu’avec les classes de réservation et pour aimer « monter » des voyages aux tarifs optimisés chez TravelGuys on peut vous dire qu’en fonction du fait que telle ou telle classe soit disponible sur un vol en correspondance ou pas vous pouvez en Australie en business class pour 2100 euros ou pour 6000….à une place près dans une classe donnée !
Reprenons notre Paris-New York sur Air France. Pour un aller-retour en septembre il n’y a pas moins de 171 classes tarifaires !
Regardons le haut et le bas du tableau…
Vous voyez donc qu’il est techniquement possible, sur cet aller-retour CDG-JFK, d’avoir un tarif qui va de 51 € en éco à 13770€ en Première ! Je dis techniquement parce que certaines classes tarifaires sont tellement restrictives qu’on n’y aura jamais accès voire qu’elles ne seront commercialisées qu’exceptionnellement voire pas du tout en fonction du remplissage de l’appareil ! Cela vaut pour les moins chères comme pour les plus chère.
Donc en fonction de votre classe de réservation, de voyage, de la date d’achat, de la flexibilité demandée, du pays depuis lequel vous allez acheter le ticket, du fait que ce soit ou non du codeshare, de la flexibilité voulue, du fait que le billet soit ou non inclus dans un itinéraire avec correspondance, de l’âge du commandant de bord, de la disponibilité d’une classe tarifaire au moment précis où vous réservez, votre billet en économie pourra varier, dans ce cas précis, de 51€ à 5646€ ! Hors taxes bien sûr.
Votre voisin de siège, voyageant dans la même classe, a peut être payé trois fois plus cher ou trois fois moins cher que vous et c’est normal. Si vous voyagez en économie, sachez que certains passagers business ont payé moins cher que vous, idem si vous voyagez en Première par rapport aux passagers business ! On arrivera même parfois à trouver des places en classe économique plus chères que les premières classes les moins chères.
Pour information je vous propose un exemple des règles applicables à une classe tarifaire donnée. Ca fait 6 pages, c’est moins agréable à lire que le Code Général des Impôts mais ça vous donne une idée de la complexité du sujet.
L’impact de la classe de réservation sur le programme de fidélité
En fait on a que peu de pouvoir sur le choix des classes de réservation. On peut demander un tarif flexible ou le moins cher possible et ensuite les moteurs de réservation nous envoient vers le tarif le moins cher disponible.
Les plus malins peuvent hacker le système en cherchant eux-mêmes les classes tarifaires disponibles et en allant en agence de voyage avec un routing déjà établi qu’ils auront patiemment construit « à la main » en utilisant des outils spécialisés (comme ce que je viens de vous montrer) mais si ça concerne 0,01% de la population c’est le bout du monde.
Mais savoir dans quelle classe de réservation on se trouve a également un impact au niveau de programme de fidélité.
Par exemple, avant sa dernière réforme, Flying Blue faisait varier le gain de miles en fonction de la classe de réservation. Avec des incompréhensions légitimes de passagers qui ne comprenaient pas pourquoi un CDG-JFK en éco leur rapportait des fois 100% des miles volés, des fois 75%, 50, 25 ou…zéro. Dans leur tête ils étaient toujours en éco, sans réaliser qu’ils étaient peut être dans la même classe de voyage et pas dans la même classe de réservation. Aujourd’hui le nouveau programme se base sur le prix payé pour les miles prime et la classe de voyage pour les XP « statuts » donc le problème est réglé.
Je me souviens d’une époque où chaque année le maintient de mon statut Flying Blue ne tenait qu’à un fil et où je voyais des agences fières de m’avoir trouvé un super tarif…qui ne créditait rien alors qu’il me fallait absolument une classe qui créditait à 100%. Comme quoi…
Mais ça n’est pas le cas de toutes les compagnies et de tous les programmes. C’est d’autant plus important lorsqu’on voyage sur une compagnie « partenaire » de celle où on a son programme de fidélité. En effet dans ce cas le crédit est lié à la classe de réservation et cela concerne non seulement le nombre de miles gagnés mais également et avant le fait que l’on puisse ou non créditer nos miles sur un programme d’une compagnie partenaire.
Prenons l’exemple de vols effectués sur Lufthansa. En général je vole soit en economy discount (K) ou business discount (P).
Admettons que je sois membre du programme de fidélité Miles&Smiles de Turkish Airlines (les deux sont membres de Star Alliance). Et bien je ne pourrai jamais créditer ces vols sur mon compte.
Par contre si, pour mes vols sur Star Alliance, j’ai choisi le programme Eurobonus de SAS…
Et bien là vous voyez que tout est parfaitement crédité.
Mon propos ici n’est pas de dire qu’il faut pousser pour voler dans une classe de réservation supérieur pour créditer sur son programme habituel…mais qu’il faut plutôt choisir son programme en fonction des classes sur lesquelles on voyage chez les partenaires le cas échéant. Et qu’il y a des raisons pour lesquelles parfois les compagnies ont beau être partenaires…ça ne crédite pas.
Quant à savoir pourquoi voler sur une compagnie et créditer chez une autre….ça fera l’objet d’un prochain article.
Pour savoir où mettre vos points en fonction de votre classe de réservation sur une compagnie donnée je vous renvoie à l’excellent WhereTocredit dont je vous parlais il y a peu.
Voilà, j’espère qu’après cela vous serez moins perdus dans la jungle des tarifs ou, en tout cas, que vous ne serez plus surpris des fluctuations tarifaires.
Vous avez bien mérité d’aller prendre une aspirine
Photo : Réserver un vol De Casimiro PT via Shutterstock