Delta Airlines préfigure-t-elle le futur des programmes de fidélité ?

Le virage que Delta fait prendre à son programme de fidélité a suscité de nombreuses réactions négatives et certains craignent que ce soit le signe avant coureur d’une tendance générale. Mais toutes les compagnies ne font pas face aux mêmes enjeux de Delta ni n’ont les moyens d’aller aussi loin.

Rappel : l’évolution radicale de Skymiles

Nous vous avons présenté les dernières annonces de Delta par rapport à Skymiles dans un précédent billet mais il est toujours utile de les rappeler.

Tout d’abord les seuils des différents statuts ont été réhaussés.

Ensuite seules les dépenses seront prises en comptes pour l’atteinte des statuts, plus les voyages ou le nombre de miles voyagés. Les dépenses prises en compote sont celles effectuées chez Delta, chez certains partenaires et celles faites par le biais de cartes de crédit co-brandées.

Enfin les modalités d’accès aux salons ont été considérablement durcies.

Et voilà comment en une quinzaine d’années Delta a réussi à devenir la pire des majors américaines.

Delta a trop de membres Elite

La raison de ce mouvement aussi contestable que contesté est simple : Delta a trop de membre Elite et a été trop généreuse avec American Express en octroyant l’accès à ses salons aux titulaires d’une Amex Platinum même non cobrandée. Un bénéfice généreux ? Mais on n’est jamais trop gentil avec un partenaire qui vous achète pour 6 milliards de dollars de miles chaque année, comme c’est le cas d’Amex.

Et comme on le sait bien plus un programme à de membres Elites moins peut bien les servir. A ce moment il n’y a que deux solutions : dévaluer le programme ou rendre les statuts plus difficiles à atteindre. Et bien Delta a simplement décidé de faire les deux.

Si cela a passablement énervé les clients de Delta cela a également inquiété les clients des autres compagnies qui se sont dit que si Delta faisait ainsi cela donnerait probablement des idées aux autres, quand bien même elles ne feraient pas face au même type de problèmes.

Toutes les compagnies n’ont pas trop d’Elites

Pour commencer toutes les compagnies n’ont pas le problème de Delta soit parce qu’elles ont su gérer leur programme, soit parce qu’elle peinent à recruter des membres.

Il y a bien eu des passages difficiles suite au COVID avec un grand nombre de statuts qui ont été prolongés mais tout est rentré dans l’ordre depuis. Si certains programmes ont ou vont un peu rehausser leurs seuils (Miles&More), si d’autres réfléchissent à introduire de nouveaux tiers il n’y a rien d’équivalent à ce qu’a fait Delta.

Et surtout pas de passage à un modèle entièrement revenue based pour l’acquisition des statuts.

Le plafond de verre d’un système purement revenue based

Nous vous avons toujours expliqué qu‘un « bon » programme de fidélité distribuait des miles prime en fonction des dépenses et des miles statut en fonction des vols. Les deux récompensent des choses différentes, donnent droit à des choses différentes et donc doivent avoir une assiette différente. Les miles prime ayant une contrepartie financière il est logique qu’ils soient basés sur la dépense à l’inverse des miles statut.

Et bien Delta a fait exploser en vol ce principe de base et si ça pourrait donner des idées à de nombreuses compagnies, elles n’en ont simplement pas les moyens.

Car le système de Delta comme on l’a dit repose sur les achats faits auprès de la compagnie mais également les dépenses du quotidien faites avec une carte de crédit co-brandée. Et comme on vous l’a expliqué à maintes reprises, si les programmes de fidélité sont une véritable machine à cash grâce à la ventes de miles aux organismes émetteurs de cartes de crédit, à tel point que le programme de fidélité vaut davantage que la compagnie elle-même, cela ne fonctionne que dans certaines régions du monde, principalement aux USA, mais pas en Europe et surtout pas en France.

C’est notamment une des raisons pour lesquelles Air France-KLM a tardé à filialiser Flying Blue : le potentiel économique d’un programme dont les membres sont principalement en France et aux Pays-Bas ne le justifie pas et il ne deviendra une vache à lait que si le programme se développe à l’étranger ou, plutôt, s’ils arrivent à convaincre d’autres compagnies d’utiliser leurs miles comme monnaie à défaut d’adopter leur programme.

Pour que cela fonctionne il faut en effet que les émetteurs de cartes soient en mesure d’acheter des miles en quantités astronomiques, donc que la carte leur rapporte beaucoup. Avec des taux d’intéret à plus de 20% aux USA la pompe est amorcée, avec des cartes à débit différé sans intérêts le client ne rapporte pas grand chose donc l’émetteur ne va pas acheter de miles ou pas autant qu’on peut le voir outre Atlantique.

Peut être un jour où les habitudes de dépenses et de consommation auront changé mais dans l’état actuel des choses un tel système ne peut pas fonctionner pour l’acquisition de statut ou alors avec des seuils bas et des écarts entre les seuils faibles et donc moins faciles à gérer qu’avec un système de miles statut traditionnel.

Il y a une logique de marché à laquelle on ne peut se soustraire et si Delta tire le maximum des comportements de consommation du sien, ça n’est pas exportable partout ailleurs. Et c’est d’ailleurs la faiblesse du business des cartes de crédit co-brandées dans nos contrées qui fait que les compagnies n’ont pas à gérer une foule de clients Elite ni d’aflux de passagers inconsidéré dans leurs salons.

Delta rétropédale

Et une autre chose qui nous fait dire que d’autres compagnies n’emboiteront pas le pas de Delta est, en dehors de l’immense buzz négatif que cela a provoqué, que le CEO de la compagnie, Ed Bastian, a lui-même déclaré qu’ils « avaient probablement été trop loin » et que des ajustements seraient prochainement annoncés.

Conclusion

Delta a profondément durci le fonctionnement de son programme de fidélité avec des statuts plus difficilement atteignables et un accès réduit aux salons. Mais il est peu probable que cela préfigure une nouvelle tendance pour les autres compagnies qui ne peuvent s’appuyer sur un partenariat très rémunérateur avec un émetteur de cartes de crédit.

Photo : Delta Skymiles de rafapress via Shutterstock

Bertrand Duperrin
Bertrand Duperrinhttp://www.duperrin.com
Voyageur compulsif, présent dans la communauté #avgeek française depuis la fin des années 2000 et passionné de (longs) voyage depuis sa jeunesse, Bertrand Duperrin a cofondé Travel Guys avec Olivier Delestre en mars 2015. On peut le retrouver aussi aussi sur http://www.duperrin.com où il parle depuis plus de 10 ans de la transformation digitale des organisations, son métier quand il est au sol.
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