Comment Delta est passée de meilleure à pire major américaine en 15 ans

Alors que Delta vient d’annoncer un lot de modifications très négatives pour ses passagers les plus fréquents, l’on peut se demander comment cette compagnie, longtemps considérée comme la meilleure des compagnies majors américaines a pu sombrer au fond de ce classement. Quelques éléments (non exhaustifs) de réponse ici.

La fusion Delta-NWA a détruit les bases saines construites entre KLM et NWA

Bien avant les deux autres majors, Delta a été la première à considérer une fusion avec Northwest Airlines.

Delta et Air France, partenaires depuis 1999

Les relations entre Delta Air Lines et Air France, prémices de l’Alliance SkyTeam dont ces deux compagnies seront les fondatrices, étaient déjà établies depuis 1999. Au-delà des programmes de fidélité, la complémentarité des réseaux était évidente entre les deux compagnies.

Un reportage télévisé sur France 2 présentait déjà les contours du partenariat :

On ne parlait pas encore de Joint-Venture transatlantique, mais de partages de code. Et à l’époque, c’était une performance inédite.

Northwest Airlines et KLM, un partenariat commercial beaucoup plus fort

Quelques avant après Delta et Air France, c’était au tour de Northwest Airlines et de KLM de nouer un fort partenariat commercial, autour des partages de codes bien sûr mais surtout autour du programme de fidélité NWA WorldPerks d’une part et KLM Flying Dutchman d’autre part.

En effet, la réciprocité des bénéfices était alors totale entre les deux programmes de fidélité. Mieux, ces derniers ont presque fusionné : les membres NWA WorldPerks résidents en Europe se sont vus leurs comptes convertis en comptes Flying Dutchman et inversement pour les membres KLM Flying Dutchman résidant en Amérique du Nord.

Et les surclassements à bord, surtout en Amérique du Nord, s’appliquaient aux membres des deux programmes sans distinction de priorité.

Après la fusion, un retour à des programmes de fidélité séparés malgré les relations NWA-KLM

Entre temps, Air France et KLM ont fusionné et créé Flying Blue, leur programme de fidélité commun qui a continué les excellentes relations créées avec Northwest.

Mais lorsqu’en 2008, Delta et Northwest Airlines ont fusionné, et lorsque le programme SkyMiles de Delta a avalé celui de Northwest, la quasi homogénéité des programmes de fidélité entre NWA et AFKL est tombée et même si des équivalences de bénéfices subsistent, elles sont désormais portées principalement par les équivalences de statut au sein de l’alliance SkyTeam, et ses statuts partagés SkyTeam Élite et Élite Plus.

Delta, leader ou artisan de la destruction de SkyTeam ?

Comme je le disais précédemment, Delta, avec Air France, est l’un des membres fondateurs de l’alliance SkyTeam avec Korean Air et Aeromexico.

Créée en 2000, elle regroupe une quinzaine de compagnies qui offrent des correspondances facilitées et des bénéfices pour les membres des programmes de fidélité.

L’alliance a continué à se construire et s’étendre au fur et à mesure des années.

Mais en parallèle, à l’initiative de Delta, une joint venture transatlantique s’est formée entre certains membres de l’alliance SkyTeam en 2009 avec Air-France KLM, plus tard étendue à Alitalia.

En complément, Delta a pris d’importantes participations dans des compagnies en dehors de l’alliance SkyTeam, comme Virgin Atlantic (qui a été intégrée depuis) et LATAM.

Delta a longtemps bloqué l’intégration de Virgin Atlantic dans SkyTeam et bloque toujours celle de LATAM, qui est désormais sans alliance puisque sortie de oneworld suite au rachat d’une part majoritaire par Delta.

Le calvaire des passagers pour accéder aux SkyClubs

L’accès aux SkyClubs de Delta n’est pas aisé et devient de plus en plus difficile.

Delta est la seule compagnie américaine qui empêche l’accès à ses clubs aux partenaires Élite Plus sur des itinéraires domestiques

SkyTeam est la seule alliance qui a une règle claire dans l’accès aux salons : ce dernier n’est garanti que sur des itinéraires internationaux. Cela veut dire que théoriquement, Air France pourrait refuser l’accès au salon Business sur un Paris-Toulouse pour un membre Flying Blue Gold ou Platinum. Ce qu’elle ne fait évidemment pas.

L’une des seules qui applique cette règle dans SkyTeam, c’est Delta… Et pour cause : l’accès au salon pour les vols domestiques est un vrai Business aux Etats-Unis. Pendant très longtemps et encore maintenant, les compagnies aériennes vendent des accès aux salons annuels aux passagers : United Club, American Admirals Club et Delta SkyClub, à des prix variant entre 600 et 800$ par an pour un accès individuel ou familial.

Aeromexico et Air Europa appliquent aussi cette règle néanmoins, comme l’un de nos lecteurs fidèles nous le précise.

L’on comprend donc que l’accès salon pour les itinéraires domestique n’est pass automatique avec le statut. Soit.

Mais dans les deux autres alliances, Oneworld et Star Alliance, les membres respectivement Sapphire/Emerald et Star Gold des programmes de fidélité étrangers ont accès au salon sur des itinéraires purement domestiques.

Ainsi, résident aux Etats-Unis et membre du programme British Airways Executive Club (au statut Gold Guest List) et du programme SAS Eurobonus (au statut Gold), j’ai accès aux salons American et United.

Mais en tant que membre Flying Blue Platinum à vie, pas d’accès au salon Delta.

Delta a restreint l’accès aux salons y compris sur les itinéraires internationaux pour ses propres Élite !

Début 2023, devant la surcharge chronique des salons, Delta décide de restreindre encore plus l’accès : désormais, les tarifs Basic Economy (les plus bas) ne sont plus éligibles à l’accès salon, de même que les passagers Élite de son propre programme voyageant en classe Économique (même flexible). Seuls les passagers en Premium (fidélisés) et en Business (fidélisés et non fidélisés) peuvent y accéder depuis février 2023

Heureusement, les passagers SkyTeam Élite plus sur des itinéraires internationaux pouvaient encore y accéder (enfin sauf s’ils étaient en Basic Economy).

La magouille des cartes de crédit américaines pour accéder aux salons

Mais pourquoi donc les salons Delta étaient-ils aussi surchargés pour imposer de telles mesures ? La réponse tient en deux mots : American Express.

L’établissement financier est un partenaire de taille pour la compagnie américaine. Et pour cause, en échange de presque 6 millards de dollars par an, une demi-douzaine de cartes co-brandées générent des miles pour leurs détenteurs, miles qui sont « achetés » en gros par American Express.

Mais en échange de cet achat de gros, Delta a concédé un énorme bénéfice, cette fois-ci pour les détenteurs de cartes American Express Platinum « classiques » : l’accès aux SkyClubs sans restriction sur l’itinéraire.

Et vous avez donc là toute la différence avec les autres compagnies américaines : ces dernières n’ont que les cartes co-brandées qui drainent des passagers dans leurs salons, ainsi que leurs élites et les élites étrangères. Pas le flot très important des Amex Platinum.

Des salons pas suffisamment Premium

Alors que Delta avait fait de vrais efforts avec ses salons, notamment lors de l’ouverture du T4 rénové à JFK, la compagnie n’a pas vraiment amélioré son concept d’année en année.

Pire, United et American ont maintenu et rénové leurs concepts de salons Premium : la première a créé les salons Polaris, présents dans ses hubs, et accessibles aux passagers voyageant en classe Business internationale ou transcontinentale, et la seconde a créé ses salons Flagship aux conditions d’accès similaires.

La réaction de Delta tarde a se faire attendre, même si la compagnie a annoncé l’ouverture de tels salons Premium à Boston et à Newark dans les prochains mois.

Conclusion

Ne vous leurrez pas, chez Delta, les passagers sont les dindons de la farce. Le seul client qui amène du cash aux actionnaires, c’est American Express !

Olivier Delestre-Levai
Olivier Delestre-Levai
Olivier est sur la blogosphère du transport aérien depuis 2010. D'abord contributeur majeur du forum FlyerTalk, il crée en juillet 2012 le site FlyerPlan, et rédige des articles à l'écho majeur chez les spécialistes de l'aérien. Il co-dirige désormais le blog TravelGuys avec Bertrand, en se focalisant sur l'expérience de voyage et les programmes de fidélité. Et bien sûr, tous vos articles préférés de FlyerPlan sont désormais sur TravelGuys !
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