Comment les compagnies aériennes font (beaucoup) d’argent avec les programmes de fidélité ?

Vous pensiez que les programmes de fidélité étaient un poids pour les compagnies aériennes (et les hôteliers aussi d’ailleurs) ? Oui c’est vrai. Mais d’un autre côté c’est aussi pour certaines d’entre elles le moyen de gagner beaucoup d’argent.

Le programme de fidélité : une dette à terme !

Un programme de fidélité a un coût pour une compagnie aérienne. Salons, accès prioritaires etc… tout se paie. Le client n’en a pas forcément conscience mais quand il prend une file prioritaire à Tokyo pour passer les contrôles plus rapidement afin de prendre son vol Air France pour Paris, Air France paie pour qu’il ait accès à ces « fast track ».

Mais les programmes de fidélité sont aussi une dette assez lourde pour les compagnies. Tous les miles que l’on gagne afin de s’acheter plus tard des billets « gratuits » (je mets des guillemets car il restera les taxes à payer et parce que le passager aura du dépenser beaucoup pour s’acheter son billet soit-disant gratuit) sont une dette que la compagnie a vis à vis du client. Comme si elle devait de l’argent au client et que ce dernier allait bien finir par le lui réclamer un jour. Donc ces miles sont comptabilisés dans les comptes de la compagnie comme tel et finissent par plomber les comptes en question. Pas besoin de vous faire un dessin : vous faites 1 milliard de bénéfice mais d’un autre côté vous devez pour un milliard de billets gratuits à vos clients, donc vous êtes juste à zéro.

Si vous vous demandez pourquoi vos miles ont une durée de validité limitée ou pourquoi le taux de conversation miles/billets (ou taux de rédemption) ne cesse d’évoluer de manière à ce que le pouvoir d’achat de vos miles baisse vous avez la réponse : les compagnies cherchent à améliorer leur bilan et effacer autant que possible un maximum de dettes.

Le programme de fidélité : une machine à cash

Mais un programme de fidélité peut également devenir une vraie machine à cash. C’est le cas lorsque la compagnie aérienne propose aux membres de son programme de fidélité une carte de crédit dite « co-brandée », comme American Airlines et Citi, Amex et Delta, United et Visa etc. Ces cartes permettent au client d’accumuler des bonus de miles, d’obtenir des vols qualifiants gratuits pour améliorer leur statut etc…. C’est impressionnant la tonne de bonus et d’avantages en tout genre dont disposent leurs titulaires.

Elles ne sont pas du tout populaires en France voire en Europe, à l’inverse de l’Amérique du Nord où elles permettent à de nombreux passagers d’obtenir très facilement avantages, statuts et vols gratuits. Raison pour laquelle à consommation de vol égale un Américain sera le roi du pétrole et un Français tirera la langue pour de maigres avantages : la plupart des programmes de fidélité sont conçus pour cette clientèle qui a des leviers pour booster son programme de fidélité dont nous ne bénéficions pas. Et comme les seuils sont les mêmes pour tous on peut légitimement s’estimer défavorisés.

Mais vous allez me dire : distribuer des miles en cadeau à tire larigot sans même que ces personnes volent c’est encore pire pour les finances de la compagnie, non ? Et bien pas toujours.

Les compagnies aériennes n’offrent pas de miles, elles les vendent

Il faut pour cela comprendre le fonctionnement de ces cartes co-brandées.

Vous pensez que les miles bonus joyeusement offerts aux titulaires de ces cartes sont offerts par la compagnie qui essaie ainsi de fidéliser les membres de son programme ? Pas du tout !

Il ne faut pas se tromper : ça n’est pas la compagnie qui est en général demandeuse de tels partenariats mais l’organisme financier qui veut attirer de nouveaux clients en leur proposant des avantages sur mesure.

Tous les miles bonus offerts aux détenteurs de ces cartes en plus de ceux attribués par la compagnie sont donc achetés par l’organisme financier à la compagnie (on vous expliquera bientôt comment ils font pour les financer). Et pour certaines compagnies la vente de miles aux organismes financiers est un vrai Jackpot !

Quand American Airlines perd de l’argent avec ses vols et finit bénéficiaire en vendant des miles

Un très bon exemple est celui d’American Airlines. La compagnie gagne de l’argent, tout va bien ! Et bien en regardant ses comptes 2018 on a une sacré surprise !

Au 2e trimestre 2018 le business de la vente de points par American Airlines à ses partenaires financiers pour qu’eux même les redistribuent aux détenteurs des fameuses cartes cobrandées s’est élevé à 1,4 milliards de dollars ! Un revenu en hausse de 7% alors que les revenus « aériens » de la compagnie ne croissaient que de 4% ! Le programme de fidélité représentait 12% des ventes de la compagnie (on parle donc là de vente de miles !)

$1,4Mds qui ne sont que du pur profit, un mile ne coutant rien à produire !

Pour mémoire le résultat d’exploitation du groupe Air-France KLM lors de ce même 2e trimestre 2018 était de 345 millions d’euros. La comparaison vous inspire ?

En 2017 American Airlines a tiré 3,1 milliards de dollars de son programme de fidélité, du bénéfice net.

Conclusion : pendant longtemps American Airlines a perdu de l’argent sur son métier de base (transporter des gens) et était bénéficiaire grâce à son programme de fidélité. La SEC, le gendarme de la bourse américaine ne disait pas autre chose en commentant les résultats de la compagnie : « Sans le programme AAdvantage [le programme de fidélité de la compagnie], American Airlines n’aurait pas présenté de résultats bénéficiaire« .

Bonne nouvelle pour la compagnie : il semblerait qu’au 2e trimestre 2019 elle aurait pour la première fois depuis longtemps gagné de l’argent en faisant voler des passagers.

On a pris là le cas d’American Airlines mais il est valable pour la plupart des compagnies US. Delta Airlines a gagné $3mds en 2017 grâce à son programme de fidélité et espère atteindre les $4mds en 2021.

Et en Europe ? La carte de crédit co-brandée n’est pas plus dans la culture du passager que celle du programme de fidélité. Qui plus est, de telles pratiques sont quasiment infinançables pour les organismes financiers européens et on vous expliquera bientôt pourquoi. Je ne sais combien Air France tire son partenariat en tre Flying Blue et Amex mais on doit être à des années lumières, simplement parce que le marché n’a pas le même potentiel.

Voilà vous savez donc en partie comment fonctionne le business de cartes de crédit co-brandées et comment certaines compagnies en tirent d’énormes revenus.

Déçu de ne pas vivre dans un pays où de telles cartes vous procureraient des avantages largement supérieurs à ce que vous avez en France ? On va également bientôt vous expliquer pourquoi vous devriez plutôt être très heureux de ne pas en profiter.

Photo : Carte de crédit de compagnie aérienne de robertindiana via Shutterstock

Bertrand Duperrin
Bertrand Duperrinhttp://www.duperrin.com
Voyageur compulsif, présent dans la communauté #avgeek française depuis la fin des années 2000 et passionné de (longs) voyage depuis sa jeunesse, Bertrand Duperrin a cofondé Travel Guys avec Olivier Delestre en mars 2015. On peut le retrouver aussi aussi sur http://www.duperrin.com où il parle depuis plus de 10 ans de la transformation digitale des organisations, son métier quand il est au sol.
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