Croit-on vraiment au vaccin ?

Un an après le début de la pandémie les campagnes de vaccination contre le COVID-19 ont commencé. J’ai failli dire « enfin » commencé mais si on a trouvé le temps long et à des milliards d’humains et si le contexte spécifique à la France a pu nous faire penser qu’ayant érigé l’approximation et le bricolage en art sanitaire on allait devoir attendre les environs de 2030 il ne faut pas perdre de vue que proposer un vaccin en aussi peu de temps relève d’un exploit scientifique et industriel qu’il faut saluer.

Le vaccin comme un rayon de soleil au bout du tunnel

En dehors de quelques irréductibles finalement moins nombreux qu’on a bien pu le penser, tout le monde voit ou veut voir en ce vaccin la lueur qui signifie qu’on approche du bout du tunnel.

La population en général qui veut vivre, sortir, travaille, retrouver bars, restaurants, théâtres, salles de sport et plus encore. Et sans masque bien sûr.

Les voyageurs qui veulent tout simplement revoyager pour leur travail, pour eux, pour revoir leur famille voire veulent tout simplement savoir qu’ils ont la capacité de le faire. Et le faire sans masque, sans test PCR et sans restrictions.

Les industriels du secteur au sens large, hôteliers, compagnies aériennes mais également tous ceux qui gravitent à leur périphérie comme les restaurants ou les bars qui savent qu’ils ne pourront pas réouvrir ou pas dans des conditions optimales.

Le vaccin est bon pour la santé, bon pour l’économie, bon pour le moral et devrait nous inciter à croire en des jours meilleurs.

On ne baculera pas dans l’après en une piqûre

A trop espérer on finit par être déçus et il convient d’être lucides par rapport à nos attentes. Tous les interdits et toutes les restrictions ne tomberont pas du jour au lendemain.

Déjà parce qu’il ne suffit pas de vacciner des gens mais de vacciner assez de gens. Cela prendra du temps.

Ensuite justement parce que rien ne sert d’envisager à quoi ressemblera « après » alors qu’on n’en est encore loin et que si cette pandémie nous a appris quelque chose c’est que rien ne sert de se projeter des mois en avance. On peut se projeter pour rêver, espérer, mais pour ce qui est de décider et mettre en place des choses très opérationnelles et concrètes l’horizon est la semaine.

Enfin parce que je ne peux m’empêcher de penser que certains n’abandonneront pas si facilement le cadre exceptionnel que nous vivons aujourd’hui. Conserver quelques restrictions de liberté à la marge et savoir qu’on peut réactiver les autres en un claquement de doigt rassurera certains dirigeants. Faire de certaines mesures autrefois exceptionnelles une règle rassurera certains professionnels de la santé et autres hypocondriaques en tout genre. Après tout ça a tenu un an alors pourquoi pas ?

Avant de libérer il faut vacciner

Quoi qu’il en soit s’il y a une chose sur laquelle tout le monde ou presque s’entendra c’est qu’on ne pourra « libérer » sans vacciner.

Et pour vacciner il faut plusieurs choses.

Tout d’abord qu’un vaccin existe et qu’une politique vaccinale soit mise en place avec la logistique qui va avec. On y est.

Ensuite et surtout que la population décide de se vacciner, à moins d’avoir une politique totalitaire sur le sujet ce qui ne semble pas à l’ordre du jour.

Pour satisfaire cette seconde condition il faut a minima que la population ait envie et confiance.

Envie cela veut dire pouvoir se dire que c’est une étape pour qu’à moyen terme on puisse revivre normalement. Que même si ça ne change pas tout de suite ça n’est que si chacun y va de son côté qu’à la fin on aura assez de vaccinés pour que les choses changent. Cela nécessite qu’on puisse a minima avoir quelques idées tangibles de ce qui pourrait se passer après.

Confiance cela veut dire a minima qu’on sent que les autorités font confiance au vaccin. Comment pousser des centaines de millions si ça n’est des milliards de personnes à se faire vacciner si elles sentent que les autorités elles-mêmes n’y croient pas.

Vaccin ou PCR ?

On peut imaginer un futur sans masque, sans gestes barrières, sans restrictions de déplacement, sans confinement, sans couvre feu…et on y arrivera. Mais la question est de savoir où se situe le point de bascule entre ce qu’on connait aujourd’hui et le moment où les restrictions commenceront à s’alléger les unes après les autres.

Pour nous ce point est clair : c’est le jour où le certificat de vaccination remplacera le test PCR.

Pour cela il faudra qu’on puisse tracer et certifier les vaccinations. Les solutions sont en route comme on l’a vu avec le IATA Travel Pass même si, et on en reparlera prochainement, la multiplication des initiatives concurrentes et le fait qu’à terme on puisse se faire vacciner par des acteurs non « certifiés » et hors de ces programmes puisse poser problème.

Mais il faudra d’abord et surtout que dans tous les pays les autorités décident que la vaccination dispense du test.

Ces derniers jours quelques pays ont annoncé des mesures destinées aux passagers vaccinés, notamment des levées de quarantaine.

Si on peut s’attendre à ce que cette liste s’allonge rapidement et si on peut arguer du fait qu’il est encore tôt il n’en reste pas moins que (à ce jour):

• Alors que cela fait quasiment deux mois que les campagnes de vaccination ont commencé seuls quelques rares pays ont décidé de lever les mesures de quarantaines pour les personnes vaccinées.

• Selon les pays le fait d’avoir eu le COVID dispense de vaccination pourvu qu’on rapporte la preuve de l’infection (tests sanguins). Aujourd’hui, par exemple, l’Islande et l’Estonie dispensent les personnes précédemment atteintes par le virus de vaccination.

• A Chypre les personnes qui ont été vaccinées sont dispensées de test PCR et de quarantaine.

• En Estonie la quarantaine est levée pour les personnes vaccinées…depuis moins de 6 mois. Après 6 mois le vaccin perdrait il de son efficacité ?

• En Thaïlande on parle de levée de quarantaine pour les personnes vaccinées mais pas du devenir du test PCR.

Aux Seychelles c’est encore plus « drôle ». Les passagers vaccinés sont exemptés de quarantaine mais pas de test PCR. Pire encore, une fois que la grande majorité de la population locale aura été vaccinée (vers mi mars) le pays sera de nouveau ouvert à tous, il n’y aura plus de quarantaine et plus distingo entre les passagers vaccinés ou non vu que le test PCR restera obligatoire pour tous.

Le grand désordre de la prise en compte du vaccin

Donc si je résume

1°) Il y a des pays (quasiment tous à ce jour) où le vaccin ne dispense pas du test PCR.

2°) Il y a des pays où le vaccin dispense du test PCR.

3°) Pire, dans la plupart des pays aucune information n’existe sur le début d’une réflexion sur l’aménagement des restrictions pour les personnes vaccinées.

Théoriquement un passager français, vacciné en France avec un vaccin approuvé par la France et l’Europe, peut aller en Pologne sans test PCR mais il devra en fournir un pour revenir en France. Je n’ose même imaginer la situation ou par excès de zèle on lui demanderait un test PCR lors de son embarquement à Paris alors que sa destination ne lui demande pas.

Un passager français qui prouve qu’il a eu le COVID peut rentrer en Estonie ou en Islande sans vaccin mais devra passer un test PCR pour aller dans d’autres pays ou revenir en France.

Aucun bénéfice à se faire vacciner et des silences qui sèment le doute

Non seulement il ne semble exister aucune feuille de route pour « un monde vacciné » et si on peut comprendre que les pays attendent que davantage de personnes soient vaccinées pour qu’il soit temps d’amender les règles actuelles mais en plus on commence à voir comme à la grande époque de la fermeture/réouverture du ciel au printemps des pays élaborer leurs politiques locales en ordre dispersé.

Alors qu’il est vital de faire comprendre à tous l’importance de se faire vacciner il y a trop de silences assourdissants qui peuvent laisser croire à la population que les autorités ont encore des doutes sur le vaccin sinon pourquoi ne communiquent elles pas ? Pas pour annoncer la fin des tests demain mais au moins pour dire qu’une fois une masse critique atteinte et que….. on abandonnera les tests pour les personnes vaccinées. Dire qu’il y a des plans, des options sur la table, qu’on y réfléchit.

Un silence d’autant plus pénalisant en terme de communication et d’incitations que certains pays, eux, avancent sur le sujet.

On peut toujours dire qu’il est trop tôt et que cela viendra en son temps mais en attendant ces silences ne servent pas les politiques vaccinales, ne sont pas une incitation à se faire vacciner, sèment le doute, et donnent de la matière aux professionnels de la fake news et du complotisme, ce dont on a vraiment pas besoin aujourd’hui.

Il est grand temps que les gouvernements alignent leurs mesures, décident d’un cap commun et le communiquent. En attendant on aura du mal d’expliquer que le vaccin est nécessaire et qu’on y croit s’il ne dispense pas a minima de se faire tester.

A moins qu’il n’y croient vraiment pas.

Image : vaccin COVID De PalSand via Shutterstock

Bertrand Duperrin
Bertrand Duperrinhttp://www.duperrin.com
Voyageur compulsif, présent dans la communauté #avgeek française depuis la fin des années 2000 et passionné de (longs) voyage depuis sa jeunesse, Bertrand Duperrin a cofondé Travel Guys avec Olivier Delestre en mars 2015. On peut le retrouver aussi aussi sur http://www.duperrin.com où il parle depuis plus de 10 ans de la transformation digitale des organisations, son métier quand il est au sol.
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