Les JOs de Paris 2024 sont indéniablement une réussite et marqueront à différent titres l’histoire des jeux et personne n’osera aujourd’hui dire qu’ils n’ont pas été un réel succès malgré les inquiétudes légitimes qui les ont précédé. Toutefois succès ne veut pas dire qu’ils ont également profité à tous ou en tout cas pas dans un avenir immédiat, surtout quand on parle d’un secteur principalement concerné par l’évènement : le tourisme.
- Paris 2024, les jeux des paris
- Une parenthèse enchantée
- Les jeux un succès ? Quel succès ?
- L’industrie du tourisme en première ligne
- Les chiffres avant coureurs d’une catastrophe annoncée
- Des chiffres qu’on ne nous a pas donné
- « La perception est la réalité » mais elle peut la déformer
- Que s’est il passé pour le tourisme parisien ?
- Les absents ont il eu tort ?
- Un succès économique à prouver mais un investissement pour l’avenir ?
- Conclusion
Depuis la fin des Jeux Olympiques, certains doivent pousser un grand « ouf ! » de soulagement et d’autres, même s’ils n’en ont pas conscience, sont en train de plonger dans ce qui ressemble bel et bien à une période de déprime dont seul l’avenir nous dira la durée et l’intensité.
Paris 2024, les jeux des paris
Les premiers ce sont les organisateurs des jeux. Bien sûr ils croyaient à leur projet même si à un certain moment ils n’étaient pas loin d’être les seuls. JO Bashing ? Pessimisme ambiant ? Négativisme quasi-culturel ? Il y a avait peut être un peu de cela mais pas seulement. Quant on organise un tel évènement on prend toujours quelques paris mais dans la limite du raisonnable. Mais les organisateurs de Paris 2024 avaient décidé de faire « all in« , il avaient une idée, quasiment une philosophie, et ont décidé d’aller au bout de leurs idées, quitte, peut être, à mourir avec. Cérémonie d’ouverture sur la Seine avec tous les risques et contraintes que cela implique, utilisation des sites historiques du centre ville pour accueillir un grand nombre d’épreuves, épreuve de natation dans la Seine. une vasque accueillant la flamme suspendue dans les airs au dessus des Tuileries….
Entre la sécurité, la météo, la logistique, l’adaptation de la ville, le fait qu’il a été impossible de faire des répétitions de la cérémonie d’ouverture en conditions réelles et sur site, l’acceptation par la population de tout ce qu’il a fallu pour en arriver là, la qualité de l’eau d’une rivière où il est interdit de se baigner depuis 1923, le contexte politique et social très tendu en France à ce moment… il y avait tellement d’impondérable que le risque qu’une chose aille de travers était réel. Pire encore : le risque que tout parte de travers en même temps devait être à un plus haut historique dans l’histoire des jeux tant on parle de choses sur lesquels tout dirigeant ou politique qu’on soit on a guère d’autre pouvoir que prier pour que tout se passe bien. Tout ce qui pouvait être mis sous contrôle l’était bien sûr mais ce qui ne pouvait pas l’être représentait tout de même une masse unique de problèmes qui pouvait ruiner ces jeux. Et je me refuse à croire que tout ce petit monde ait dormi sereinement ces derniers mois.
Mais le pari a été gagnant et finalement la pluie qui a accompagné la cérémonie d’ouverture n’a été qu’un moindre mal, peut être même que l’Histoire retiendra qu’elle lui a donné un charme un peu particulier. Aujourd’hui le monde entier ne peut que décerner un énorme satisfecit à ceux qui ont organisé ces jeux et il est amplement mérité. Je peux même dire sans chauvinisme aucun qu’ils ont placé, à différents niveaux, la barre tellement haut que je souhaite bonne chance aux futures villes organisatrices que sont Los Angeles et Brisbane bonne chance pour ne pas souffrir de la comparaison.
Une parenthèse enchantée
Et puis il y a les futurs déprimés qui ne le savent pas encore. Parisiens, français, visiteurs étrangers venus pour les jeux (beaucoup) ou pour le tourisme (mons qu’avant mais on en reparlera), spectateurs du monde entier ont vécu pendant deux semaines au rythme effréné des compétitions mais pas seulement. Ils ont vécu au rythme d’un immense spectacle qui leur en a mis pleins les yeux a tel point que jamais le mot expérience n’a semblé aussi pertinent que pour décrire ces jeux. Expérience pendant les épreuves mais pas uniquement. Pendant deux semaines Paris a été une bulle dans laquelle ils ont vécu une parenthèse enchantée avec une bonne humeur et une joie de vivre dont on ne croyait pas notre capitale capable.
Et les réseaux sociaux ont fait leur oeuvre, diffusant à travers le monde ces images de l’ambiance festive et bon enfant qui régnait sur les sites mais également partout dans la ville. Les gens faisaient connaissance, se brassaient, se mélangeaient, chantaient, dansaient tard la nuit dans les rues, envoyant l’image d’une parfaite communion entre un événement, une ville et des gens qui semblaient vivre dans une bulle de légèreté hors du temps. Le fait d’organiser les jeux en ville est certainement clé en la transformant « en un immense terrain de jeu et de fête » selon la presse chinoise dont on attendait pas autant.
Alors bien sûr les réseaux sont un miroir déformant et amplificateur d’une réalité qui était plus mesurée, l’ambiance dans les stades était savamment organisée (mais il fallait encore que le public suive), ils ne montraient que certaines parties de la ville et certaines populations (et souvent les mêmes) mais finalement peu importe tellement l’image de ces quidams venus assister aux épreuves ou juste découvrir la ville et des sportifs se mettant en scène sur Tiktok était belle à voir et a véhiculé l’espace d’un moment une sorte de positivisme bienveillant tellement rare de nos jours qu’on serait stupides de le refuser et ne pas en prendre notre dose.
Tous ces messages alliés aux retours positifs d’une presse étrangère qui, si elle peut être critique sur certains points, ne tarit pas d’éloges sur le spectacle proposé et son écrin (« C’est bon, Paris, on a compris, tu es à tomber par terre » admet le New York Times) a même réussi à rendre une population de grincheux fiers de leur ville et leur redonner fierté et sourire. On croyait la chose impossible.
Mais c’est un fait psychologiquement connu : après de tels événements le retour sur terre est difficile. Fini l’adrénaline des compétitions et des médailles, fini les champs, fini la fête, fini cette communion, c’est le retour au train train quotidien, aux incertitudes, aux craintes, aux inquiétudes qui pèsent sur l’économie, aux conflits à travers le monde. Le sevrage est toujours difficile quand on a passé 15 jours à planer.
« Même les français ne trouvent pas de raisons de se plaindre » (Wall Street Journal). Vous y auriez cru vous ? La drogue était forte mais elle a fait tellement de bien. Elle était tellement bonne que certains parisiens qui avaient fuit la ville le temps des jeux auraient interrompu leurs vacances pour y revenir participer à fête.
Mais que de souvenirs ! Quel succès !
Et c’est là que le réveil sonne car on ne pourra pas faire l’économie d’un bilan exhaustif de ces jeux et le temps nous dira si le succès est aussi total qu’on le perçoit ou s’il est à nuancer.
Les jeux un succès ? Quel succès ?
Il y a autant de manière de définir le succès qu’il y a de parties prenantes.
Un succès d’organisation ? Indéniablement. On parle de la logistique mais pas seulement : avec 80 000 personnes (polices françaises et étrangères, armée, entreprises de sécurité) sur le pont on a jamais senti la ville aussi sure (et on ne l’a jamais vu aussi propre non plus) à tel point que je n’ai pas entendu une personne ne pas avoir envie que cela continue ainsi.
Un succès sportif ? On a vu de belles épreuves et même si je n’ai pas souvenir de performances exceptionnelles ou de records qui tombent à la pelle il y a eu un beau spectacle bien mis en avant par une mise en scène impeccable. Et côté français les résultats dépassent les espérances des plus optimistes avec de l’émotion en plus.
Un succès d’ambiance ? On a jamais vu de telles ambiances dans des épreuves, à tel point qu’on se serait parfois cru dans des concerts ou des karaokés géants. Et la fête se prolongeait ensuite dans les rues.
Un succès d’image ? La star des jeux c’était Paris, jamais une ville ne s’est autant mise en scène dans des Jeux Olympiques auxquelles elles se contentent de prêter le nom pour les héberger dans sa périphérie plus ou moins lointaine.
Un succès économique ? On peut le penser a priori mais c’est une donnée qui se mesure à court, moyen et long terme et il faudra plusieurs années pour mesurer l’impact des jeux et sa durabilité. Entre les commerçants qui ont peu ressenti l’impact des jeux en direct (ou pas), les touristes futurs que les images de ces jeux vus à la télé ou sur les réseaux sociaux ainsi que les articles de presse ont motivé à venir visiter Paris et la France un jour prochain et les entreprises, grandes mais surtout petites (les grandes ont déjà leurs réseaux), peu importe leur secteur et leur localisation, qui se sont servis des jeux comme d’un immense terrain de networking pour trouver des partenaires et des débouchés à l’étranger, l’impact économique des jeux est protéiforme et il faudra 1, 3, 5 voire 10 ans pour en avoir un aperçu exhaustif.
L’industrie du tourisme en première ligne
Mais une chose est sure, si un secteur était en première ligne c’était celui du tourisme. C’est lui qui amène, loge, nourrit et distrait ceux qui sont venus à Paris que ce soit pour voir les jeux, juste profiter de l’atmosphère ou juste faire du tourisme.
Et quand le temps est beau, que l’ambiance est bonne et festive, que les gens sont heureux, ils sont aussi les premiers à tirer profit de cette volonté de profiter, de célébrer, d’oublier ses problèmes et profiter du moment présent dans cette parenthèse enchantée.
Un cercle indéniablement vertueux.
Les Jeux Olympiques de Paris 2024 devaient donc être un succès économique à double titre pour ce secteur béni qui pèse en temps normal 7,5% du PIB français (France 1ere destination touristique mondiale) et dans la 5e ville à avoir attiré le plus de touristes en 2023 (contrairement aux idées reçues Istanbul, Londres, Dubai et Antalaya sont devant Paris). Ceci s’ajoutant à cela l’été s’annonçait radieux.
Mais plus le temps passait plus les signaux négatifs s’amoncelaient, laissant présager d’un risque de réel flop économique en raison de touristes qui ne viendraient pas.
La raison ? En fait pas une raison mais des raisons multiples.
D’abord la crainte que tout ou partie de ce qui peut mal se passer se passe mal. On ne reviendra pas dessus mais des paris énormes ont été faits avec, de plus, des facteurs hors de contrôle comme la météo.
Des pluies empêchant la tenue de la cérémonie d’ouverture ? Il n’y a pas si longtemps que la Seine était en crue à l’époque de Roland Garros. Le risque sanitaire ? Je ne parlerai pas du COVID (40 athlètes testés positifs) mais simplement du fait que rendre baignable une rivière qui ne l’est plus depuis un siècle ressemblait à un combat perdu d’avance. D’ailleurs elle n’a été baignable que peu de jours durant la quinzaine olympique. Le risque sécuritaire ? Paris n’est pas la ville la moins visée par les attentats et en matière de manifestations violentes un réel savoir faire a été démontré depuis les gilets jaunes et le contexte politique et social actuel avait de quoi inquiéter. Ajoutons que la dernière finale de Ligue des Champions de Football accueillie à Paris deux ans plus tôt avait été un total fiasco de ce côté.
Ensuite le risque que Paris soit invivable pendant les jeux avec les différents périmètres de sécurité à accès contrôlé en plein centre ville, l’obligation pour certains de demander des QR Codes pour accéder à leur domicile ou aller travailler (vous vous souvenez du COVID ? ), des voies de circulation fermées, des secteurs touristiques difficilement accessibles, des monuments que l’infrastructure mise en place cachent en partie à la vue du public.
Faut il blâmer ceux qui ont véhiculé ces craintes ? Au départ ça n’était qu’un sentiment diffus, partagé, de petites choses qui ont fini par se matérialiser dans un message fort comme de petites gouttes insignifiantes finissent par former un gros nuage orageux. Ce sentiment était il justifié ? En tant que parisien, habitant de plus à proximité d’un site clé en centre ville il y a d’abord eu de la curiosité quant à savoir comment les choses allaient se passer, un peu d’inquiétude en voyant les plans et des gênes qui allaient crescendo plus les jeux approchaient.
Personne n’a dit que les jeux allaient mal se passer, simplement que la vie serait difficile et certains n’avaient simplement pas envie de vivre ça, d’autant plus que c’était une période où une alternative simple existait : prendre des vacances que de toute manière on aurait pris un peu avant ou un peu après.
A ces facteurs très concrets s’ajoutait un facteur « immatériel », en partie culturel. Oui les français aiment râler là ils avaient matière à le faire par anticipation avec des craintes, rappelons le, fort légitimes. Et puis il y a un contexte de défiance général vis à vis du pouvoir et de l’autorité, un pays politiquement et socialement fragmenté et multi-polarisé. Personne ne souhaitait l’échec des Jeux mais tout le monde voulait avoir quelque chose à reprocher qui au gouvernement, qui au président, qui à la maire de Paris, qui au président du comité d’organisation qui n’avait rien demandé à personne mais s’est retrouvé de fait en première ligne. Dire que ça allait mal se passer permettait de libérer sa colère sans même espérer que ça se passe mal.
Tout cela a fini par générer un bruit assez fort qui a forcément été entendu de l’étranger avec l’aide active des médias qui n’en demandaient pas tant et des réseaux sociaux qui ont rempli leur office de déversoir à haine et autre fake news.
Si les français ne semblent pas croire à la réussite des jeux, si les parisiens fuient leur ville, comment voulez vous qu’un tel message ne dissuade pas les étrangers de venir ?
Les chiffres avant coureurs d’une catastrophe annoncée
Un peu plus d’un mois avant l’événement les premiers chiffres tombent et n’ont rien de réjouissant pour le secteur.
Le 1er juillet dans un communiqué de presse Air France-KLM annonce noter pour la période estivale « un comportement significatif d’évitement » de Paris pour la clientèle internationale qui se traduirait par « un impact négatif sur ses recettes unitaires compris entre 160 et 180 millions d’euros pour la période allant de juin à août« . Le trafic depuis et vers Paris «est à la traîne en comparaison des autres villes majeures européennes» avec des touristes qui ont soit préféré totalement éviter la capitale française soit ont décalé leur venue.
Ce que confirme ma FNAM (Fédération Nationale de l’Aérien et de ses Métiers » : « Nous ne pouvons que confirmer un phénomène d’évitement de Paris pour la période des JO ».
Victime collatérale : Delta Airlines, partenaire d’Air France qui à ce titre est la compagnie américaine qui propose le plus de dessertes des villes américaines vers Paris. Ici on parle de 100M de pertes sur la période des vacances. Selon son président Ed Bastian : « À moins d’aller aux Jeux olympiques, les gens n’iront pas à Paris. (…) Les autres touristes iront potentiellement ailleurs«
Alors que les jeux vont commencer l’l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH) tire la sonnette d’alarme par l’intermédiaire de son président, le chef Thierry Marx : les restaurateurs Parisiens enregistrent une baisse de fréquentation de 30 à 60% en raison de trois phénomènes : les parisiens sont partis, les touristes ne sont pas venus et les restrictions de situations dans certains quartiers dissuadent ceux qui sont là.
Une surprise ? Oui et non. Un restaurateur bien informé me disait récemment : « A Londres les restaurants ont fait -40% pendant les Jeux Olympiques de 2012 alors que le centre ville était moins impacté mais ces chiffres là on vient juste de nous les donner…« .
Du côté des hôtels on parle de -25% minimum par rapport à la même période en 2023.
Pas mieux du côté des taxis où l’on parle de -50% entre les touristes absents et les difficultés de circulation due à la fermeture complète de certains quartiers.
Reconnaissons toutefois que le secteur de l’hôtellerie s’est tiré une balle dans le pied tout seul entre certains hôtels qui, flairant la bonne affaire, ont augmenté leurs prix de manière déraisonnable et ceux qui ont adopté des pratiques commerciales des plus douteuses comme obliger de réserver un certain nombre de nuits ou retarifier à la hausse des chambres déjà réservées sous peine d’annulation pour le client qui n’accepterait pas ce nouveau tarif.
A ce stade il est aisé de dire que les voyants sont au rouge et que le crash était prévisible. Le moment idéal pour sortir un article alarmant…ce que nous n’avons pas fait. En effet, à côté, d’autres éléments venaient tempérer les cris d’alerte et il importait de les explorer avant toute chose.
Des chiffres qu’on ne nous a pas donné
Mais il existait également des chiffres qui incitent à plus d’optimisme et, bizarrement, ceux là on en a moins parlé dans les médias.
Le très sérieux Hospitality.net nous informe que pour 2024 la France a dépassé le Royaume-Uni comme destination privilégiée pour les touristes américains qui seront avec les Français et les ressortissants du Royaume-Uni et à un degré moindre les allemands les plus présents à Paris cet été. Et quelle est la cause de cet afflux soudain ? Les JOs bien sûr !
Dès février, selon Amadeus, on enregistrait une hausse des recherches des vols pour la France de l’ordre de 25% pour des vols avant ou après les JOs. Cela peut aussi bien vouloir dire que les gens voulaient éviter les jeux mais pas la France mais aussi qu’il pouvait s’agir d’arriver avant les épreuves et de départ après… Plus intéressant, sont également concernées et dans des proportions encore plus importantes Lille et Marseille qui accueillaient des épreuves.
Bien sur ça n’était que des recherches et il fallait encore que cela se concrétise. Mais, à cette même période, l’office du tourisme parisien annonçait des réservations en hausse de +115,5% par rapport à la période 26 juillet – 11 août 2023.
Alors, qui fallait il croire ? Les cassandres ou les optimistes .
« La perception est la réalité » mais elle peut la déformer
Maintenant que le rideau est tiré et les premiers chiffres connus on a une vision un peu plus claire de ce qui s’est passé, même si l’impact sur le moyen et long terme ne sera connu que dans plusieurs années.
15 millions de visiteurs étaient attendus à Paris à l’occasion des jeux de Paris 2024, voire étaient « promis » par les organisateurs et, si on écoute les professionnels du secteurs, ils n’étaient pas au rendez-vous. Mais que disent les chiffres ?
Selon l’office du tourisme parisien, répondant au doux nom de « Paris je t’aime » (une appellation qui aurait pu faire sourire dans le passé mais semble très dans l’air du temps aujourd’hui) ce sont 11,2 millions de visiteurs qui se sont rendus dans la métropole du Grand Paris à l’occasion des jeux (en hausse de 4% par rapport à 2023) dont 3,1M sont venus dans Paris (+19%). Si on ajoute les futurs jeux paralympiques le compte sera bon.
Donc a priori les touristes étaient là même si par honnêteté intellectuelle on ne peut s’éviter quelques questionnements.
• Quelle est la part du rattrapage post COVID qui n’a rien à voir avec les jeux, même si cette tendance est en fin de cycle (mais par exemple contrairement à d’autres compagnies Air France vient juste d’atteindre ses capacités de 2019).
• Qu’ont vu des JOs ces touristes qui ont été dans la métropole dans aller dans Paris ? Ou cela veut il juste dire qu’ils logeaient à l’extérieur et n’allaient à Paris que pour les épreuves ? Cela n’est pas très clair car même dans la seconde hypothèse le secteur de la restauration aurait pu ou du en profiter même un peu.
Ceci dit, dans ces touristes on recense une grande proportion d’américains (ce qui confirme les chiffres précédents) mais aussi une fréquentation française en hausse de 27% soit 1,4M de touristes.
Et, quoi qu’il en soit, les hôtels parisiens affichaient un taux d’occupation de 84%, en hausse de 10% et, surtout, une hausse de 16% dans les établissements haut de gamme dont on pensait justement que la clientèle serait la première à fuir. Une donnée à prendre en considération toutefois, pour certains établissements ces chiffres ont été atteints en bradant des chambres à la dernière minute, loin des tarifs astronomiques proposés à la réservation quelques mois plus tôt.
Mais pourtant l’idée d’un Paris vide est profondément ancré dans l’inconscient collectif quand bien même les chiffres disent le contraire.
En fait on peut penser que jamais l’adage « la perception est la réalité » n’a jamais été aussi vrai. On a vu une ville vide avec, quelque spots de vie et de bonne humeur et c’est devenu la réalité dans l’inconscient collectif alors que Paris n’était pas « si » vide et que les scène de bonheur partagé qui ont tourné en boucle sur les écrans n’étaient, eux, que très localisées et sur-amplifiés.
Que s’est il passé pour le tourisme parisien ?
Commençons par le Paris vide de Parisiens. On a vite fait d’oublier que c’est la norme à cette époque de l’année, tout le monde s’accordant sur le fait que la ville n’est jamais aussi agréable qu’au mois d’aout quand ses habitants sont partis et qu’elle est abandonnée aux touristes. Tout au plus les départs en vacances ont ils été moins lissés qu’à l’habitude avec des gens qui au lieu de partir début aout ont fait leur valise avant la cérémonie d’ouverture mais reviendront donc plus tôt qu’à l’accoutumée.
Ayant la possibilité de prendre mes vacances en décalé je pars souvent en septembre pour profiter de cette période calme en ville (sauf cette année…) mais les quelques jours que j’ai passé à Paris au débit des jeux m’ont confirmé cette impression : Paris était aussi « vide » que d’habitude entre mi juillet et mi aout mais les personnes qui y étaient se concentraient sur quelques sites ce qui donnait une double image : une concentration de personnes sur les sites olympiques et alentours qui donnait cette image de foule festive et encore moins de monde ailleurs ce qui donnait l’image d’un Paris vide.
D’ailleurs si vous regardez bien les vidéos qui ont tourné dans les médias et sur les réseaux sociaux c’était toujours les mêmes endroits, voire les mêmes personnes et à la fin 10 vidéos qui tournent donnent une perception biaisée de la réalité : ça n’était ni plus vide ni plus festif mais très polarisé ce qui amplifiait chacune des feux facettes de la ville.
Exemple : une vidéo montrant une foule allongée sur l’herbe entre les Tuileries et la Pyramide du Louvre et disant « alors il n’y a personne » ? Il s’agissait en fait du meilleur point de vue possible sur la flamme Olympique d’une part, et du seul endroit où on trouvait de l’herbe pour s’allonger dans le quartier d’autre part vu que les jardins étaient interdit d’accès. Si le jardin des Tuileries avait été ouvert au public une partie de cette foule y aurait été et l’espace disponible aurait « tué » ce sentiment de foule et…l’autre n’aurait pas été là car il n’y aurait pas eu de flamme à voir.
Ensuite pour avoir eu quelques rendez vous à la périphérie des Champs Elysées et passé du temps dans mon quartier fétiche d’Opéra je peux vous dire que la parenthèse enchantée des jeux s’arrêtait rapidement en dehors d »un rayon de 200m autour des sites et quelques quartiers populaires habituellement festifs. J’y ai vu infiniment moins de monde que d’habitude et personne des gens avec qui j’ai discuté, connaissances ou rencontre due au au hasard, français ou étranger, ne m’a parlé des jeux. Le sujet n’est jamais arrivé dans la conversation. Jamais…sauf avec des taxis et des restaurateurs mais on en reparlera plus tard.
On peut donc en déduire que si les 11M de touristes étaient là, un touriste « JO » a remplacé le touriste habituel. Il ne venait pas pour les mêmes raisons, ne fréquentait pas les mêmes endroits et avait un comportement de consommation qui lui est propre.
En d’autres termes un touriste venant faire du tourisme culturel, du shopping, profiter de la gastronomie locale a été remplacé par un touriste « JO » qui venait pour les jeux, pour partager cette passion avec ses semblables et avait fait ses allocations budgétaires en conséquence : tout pour les billets et économies sur le reste.
C’est ce qu’un professionnel du secteur me désignait sous le terme « touriste sac à dos » sans que cela soit aucune péjoratif. Par rapport au touriste habituel plutôt aisé et qui vient à Paris pour « bien vivre » et vivre « à la parisienne », celui ci a des moyens plus limités, a beaucoup investi dans les billets, dans la dépense contrainte de transports et, sur place, économise sur les à côtés à savoir le logement et la restauration sans parler des musée et du shopping qui ne sont pas à son agenda. Il a priorisé ses dépenses en fonction ce qui compte pour lui et ensuite est un peu contraint de vivre le plus possible en autonomie.
Aucune critique là dedans, juste le constat d’un changement de profil. Et pour ceux qui s’étonnent du succès de l’hôtellerie haut de gamme (ce qui a un peu été mon cas au débit) n’oublions pas les différences de pouvoir d’achat entre les pays : pour un touriste américain ce qui semble cher à un français ne l’est pas tant que cela (on va bientôt vous parler de l’augmentation folle des prix à New York prochainement…) pour lui selon son propre référentielL Et de plus cette clientèle est lorsqu’elle voyage beaucoup sensible que la clientèle française aux grandes chaines qui les rassurent et leurs programmes de fidélité qui leurs permettent de se payer des vacances avec les points accumulés le reste de l’année avec les déplacements professionnels et les week ends d’agrément.
Ce que confirme le cabinet MKG Consulting : restaurateurs et musées ont été les grands perdants de l’histoire. A titre d’exemple le Louvre a constaté une baisse de 22% de sa fréquentation et Disneyland Paris a récemment admis une chute sensible des entrées également.
Quant aux taxis il semble qu’ils n’aient pas non plus eu les retombées escomptées. Ainsi le chauffeur que j’ai pris quelques jours après la cérémonie d’ouverture me confirmait « Il y a les JOs, on a des voies réservées, tout est là pour qu »on fasse un bel été…mais il manque les touristes« . Erreur : les touristes étaient là, mais ils préféraient les transports en commun. En tout cas pour celui-ci l’analyse était claire « il n’y a pas de clients et en plus je dois refuser certaines courses dans l’hyper-centre tellement la circulation est compliquée donc finalement je pars en vacances demain« .
Encore une fois rien ne vaut l’observation empirique. Lors des quelques jours passés à Paris j’ai pu constater les choses suivantes :
• autour de chez moi des terrasses de café pleines à craquer mais peu de restauration, surtout des boissons fraiches et du snack rapide. Mais avec deux sites JOs et la Tour Eiffel à 300m ça n’est pas un indicateur fiable.
• dans des quartiers habituellement touristiques (Madeleine, Opéra etc…) des bars et restaurants qui normalement sont plein l’année avec les locaux et l’été avec les touristes peinaient à remplir leur salle à plus de 30% alors que 700m plus loin la rue était festive…là où il avait les jeux. Ca allait mieux pour les bars, en tout cas certains, mais pour les restaurants c’était une catastrophe.
Résumons les choses :
1°) Les touristes attendus sont venus à Paris , en tout cas en quantité.
2°) Si la quantité était au rendez vous il n’agissait pas du profil type connu et attendu par les acteurs du tourisme, avec des objectifs et des modes de consommation différents des touristes « habituels », ce qui a pénalisé les restaurants mais aussi certains commerces, le secteur de la culture et les taxis (qui de plus faisaient face aux difficultés de circulation et aux axes fermés.)
3°) Vu la raison même de la présence de ces touristes on a eu une polarisation de l’occupation de la ville : sites JOs, fan zone et quelques quartiers populaires on fait le plein alors que le reste était totalement vide ce qui a donné, selon l’endroit où l’on se trouve, des images grès contrastées de ce qui se passait en ville.
Reste la question des pertes enregistrées par Delta et surtout Air France. Peut être que ces compagnies ont été boudées, peut être que d’autres ont été plus agressives sur les tarifs, peut elle que l’excuse des JOs a servi à masquer un autre problème plus profond. A ce stade c’est la seule chose qu’on ne s’explique pas.
Mais attention…les JOs de Paris n’étaient pas qu’à Paris. Lille et Marseille ont visiblement connu une situation différente avec, par exemple, des réservations multipliées par deux dans les hôtels à Lille et des restaurateurs qui ont visiblement très bien travaillé et des réservations d’hôtels en hausse de 20% à Marseille. Mais avec une fréquentation habituelle inférieure à celle de ville lumière leur marge de progression était beaucoup plus importante.
Les absents ont il eu tort ?
On a vu des responsables politiques stigmatiser les premiers responsables de ce demi-échec : les parisiens qui ont tous désertés la ville en même temps et, bien sûr, ne l’ont pas quittée pour en rejoindre une autre qui accueillait des épreuves.
Mais c’est aller un peu vite en besogne : que les parisiens partent tous en été n’est pas nouveau, ils sont juste partie de manière plus étalée que d’habitude mais ils ne sont pas partis plus longtemps. Après, bien sûr, il y a l’impact du télétravail.
Justement, parlons du télétravail et, plus généralement, de la communication désastreuse de l’organisation et des pouvoirs publics en amont des jeux.
Qui a dit qu‘il faudrait à tout prix que les parisiens favorisent le télétravail car circuler serait très compliqué et qu’il fallait mieux laisser la ville à ceux qui allaient voir les JOs ? Qui a dit que les utilisateurs de certaines stations de métro feraient mieux de ne pas les utiliser pendant la durée des jeux ? Qui a eu une communication très peu lisible jusqu’à la dernière minute sur les zones d’accès restreint, les QR codes, qui était concerné ou pas et quand ?
Avec de tels messages il ne fallait pas s’étonner que les parisiennes prennent leurs jambes à leur cou, d’autant plus que les vacances ne se planifient pas une semaine à l’avance. Donc les parisiens ont fait les informations en leur possession ou, plutôt l’absence d’information dont ils disposaient au printemps : des messages vagues, inquiétant et une communication qui disait « laissez la ville à ceux qui viennent pour les jeux ». Et si l’organisation ne voulait pas véhiculer ce message c’est en tout cas de cette manière qu’il a été compris.
Et puis si tout s’est bien passé, que l’ambiance a été bonne (à défaut d’être lucrative pour tous) c’est également parce que les parisiens étaient partis.
Avec plus de 20 000 habitants au km2 Paris est une des 5 villes les plus densément peuplées au monde (13 000 pour Tokyo et 6 000 pour New York si vous voulez des ordres de comparaison). Donc si tous les parisiens restent, que vous ajoutez les touristes, les restrictions de circulation etc… il y a de fortes chances pour que la ville ait été invivable avec l’effet qu’on imagine sur l’ambiance, l’expérience etc.
Un succès économique à prouver mais un investissement pour l’avenir ?
A ce stade on parle d’un réel succès d’ambiance et d’un succès économique « immédiat » mitigé. Mais l’image de la ville que le monde entier a vu à la télé, les sites, la ville, les articles dithyrambiques de la presse…tout cela ne va-t-il pas constituer la plus belle campagne possible pour promouvoir le tourisme à Paris pour les années à venir ?
C’est bien sûr le pari logique et totalement rationnel que font les organisateurs !
Il n’y a bien sûr aucune raison pour que cela ne fonctionne pas mais il y a des limites.
La première, on l’a vu, est que Paris reste une ville chère (même s’il y a largement pire) et que pour que toute l’économie de la ville en profite elle demande un certain type de touriste. Alors bien sûr ça fait quand même une cible assez large au niveau mondial mais ça n’est pas tout le monde et certains de ceux qui ont été emballés par ce qu’ils ont vu à la télé ne pourront jamais se permettre de venir ou pas avec un niveau de dépense qui cette fois-ci satisferait tout le monde.
La seconde est que Paris est une ville qui est déjà dans les plus visitées au monde. avec des taux de remplissages assez hauts donc la capacité d’accueil de nouveaux touristes n’est pas infinie. Et les prix étant fonction de la demande on peut redouter que le coût du logement en dissuade plus d’un. A l’inverse des villes comme Lille ou Marseille ont davantage de marge mais auront elles un effet JO rétroactif ? On peut en douter, c’est Paris qui a pris la lumière et sans épreuves à accueillir on peut penser que pour ces villes ce sera un retour à la normale.
La même réflexion vaut enfin pour les restaurants qui fonctionnent en général aussi très bien l’été. Leur capacité à en accueillir plus n’est pas infinie non plus et de toute manière rien ne compensera jamais les clients qu’ils n’ont pas eu cet été, mettant d’ailleurs certains dans une situation financière préoccupante.
Alors un impact positif sur le tourisme dans les années à venir certainement, une explosion certainement pas.
Conclusion
Les Jeux Olympiques de Paris 2024 resteront sans doute dans la tête de tous, qu’on ait été bluffés par ce qu’on a vu à la télé ou pour l’expérience vécue par ceux qui étaient sur place. Rien que pour cela on peut d’ores et déjà affirmer qu’ils sont un succès majeur et peut être qu’il s’agit des plus beaux jeux jamais organisés en matière de spectacle, de cadre et d’ambiance.
Pour ce qui est de leur impact économique sur le tourisme c’est moins évident. Aujourd’hui on ne peut pas dire que ça a été un énorme succès, en tout cas pour toutes les professions mais on ose espérer que ça soit un investissement payant pour l’avenir même si la marge de progrès n’est pas si importante que cela.
En tout cas la star de ces jeux n’a pas, pour une foi, été le sport mais la ville organisatrice, qu’on l’aime ou pas.
Mais si Paris a attiré la lumière cet été aussi bien de manière positive que parfois, peut-être, négative, il ne faut pas oublier que d’autres villes dont on a moins parlé étaient étrangement vides cet été. Par exemple nous avons trouve New York étrangement vide et ça n’était pas à cause des JOs mais d’autres facteurs que nous décrypteront prochainement.
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