L’A220 sera-t-il le monocouloir star de la reprise ?

On ne sait pas quand le transport aérien redémarrera et à quelle vitesse mais une chose est certaine il reprendra progressivement, de manière chaotique et avec des capacités réduites.

En raison de la crise actuelle les compagnies aériennes ont bien entendu cloué au sol la quasi totalité de leur flotte mais également décidé d’anticiper la retraite de certains appareils. A380, A340, B747, B767 voire certains « vieux » A320 : certains ne revoleront plus jamais et iront alimenter le marché des pièces détachées voire seront rachetés à vil prix par une « startup airline » (peu probable…encore faut il qu’elles survivent et de toute manière elles préfèrent les avions modernes et efficaces) ou une compagnie qui en sortie de crise y verra un bon moyen de se développer pour pas cher. Ou iront tout simplement à la casse.

Très souvent il s’agit d’appareils qui devaient être remplacés par des appareils plus efficaces qui devaient être livrés dans les 2 ans ou plus et continuaient à voler en raison d’une forte demande en attendant. Vu le faible espoir de voir la demande se rétablir dans les 12 ou 24 mois à venir autant voler rentable, en tout cas lorsqu’on pourra voler.

Mais les compagnies pensent également à demain. Après avoir supprimé les appareils dont on ne veut plus, encore faut il s’assurer qu’on disposera le temps venu de ceux qu’on veut !

Air Baltic vise la croissance après le COVID-19

Ainsi à l’inverse de ce qu’on voit aujourd’hui – ou en avance de phase – Air Baltic a demandé à Airbus d’accélérer la livraison des 28 A220 qu’elle a encore en commande (elle en a déjà reçu 22) car elle veut être prête pour la reprise, pensant même que cela l’aidera à gagner des parts de marché. Elle a ainsi la volonté d’accélérer son plan de flotte de plusieurs années.

Alors attention : le cas Air Baltic est assez spécifique. C’est une compagnie régionale de taille moyenne (voire petite) qui avait nombre d’appareils de conception ancienne (comme des Dash-8). Il n’est donc pas inadéquat pour elle de penser « croissance » car au final elle n’a qu’une petite flotte aujourd’hui et le duo agilité/rentabilité peut l’aider à tirer les marrons du feu en tirant mieux profit du moindre frémissement du marché. Et vu que dans la région Norwegian est au plus mal et que la santé de SAS inquiète…

Mais sur le marché du moyen courrier il est évident qu’une flotte d’A220 de 140 sièges vaudra mieux pendant un temps que des A320 de 180 ! En tout cas pendant un temps qui peut s’avérer assez long. Moins cher à exploiter, plus simple à déployer, un atout pour faire des paris, tenter des lignes nouvelles et s’adapter à un marché en berne.

Un coup à jouer pour Air France ?

Dans la même ligne on peut penser quAir France a eu le nez creux en passant une commande massive d’A220. A l’époque nous disions que cela ressemblait à une forme d’attrition non avouée (ce qui n’est pas un mal en soi pourvu que ça soit assumé) et peut être que demain cela ressemblera à une inspiration de génie. Les livraisons devaient débuter en septembre 2021 ce qui n’est pas un mauvais timing et on verra bien à ce moment si les appareils remplacent des A321/A319 comme prévu ou si le contexte fera que seront remplacés en priorité et des A320 ou A321 à la contenance inutile.

On suivra bien sur avec attention les annulations / accélérations de commandes qui nous en diront davantage sur les stratégies et les paris des compagnies aériennes mais l’A220 a tout pour devenir encore plus séduisant aujourd’hui qu’il ne l’est déjà, en tout cas sur le moyen-courrier intra-européen. On peut aussi penser que dans une moindre mesure Delta Airlines , JetBlue et Air Canada en Amérique du Nord, 3 autres gros clients de l’A220 mettront à profit la flexibilité qu’il offre, au moins au moment du redémarrage.

Pour autant un doute subsiste à notre avis quant à la capacité de l’A220 d’être le parfaitement adapté à la période de reprise post COVID-19. On peut en effet se demander s’il est adapté à un contexte de distanciation sociale qui risque d’être imposée quand bien même on entend des voix dire que le système de renouvellement d’air des cabines la rendent en partie inutile.

L’A220 est mal adapté à la distanciation sociale

Un A320 c’est 6 sièges de front, 2 blocs de 3. En neutralisant le siège central de chaque bloc on peut faire voyager 4 passagers sur 6 donc on perd 33% de la capacité de l’appareil.

L’A220 existe en deux configurations : 2+2 et 2+3.

En configuration 2+2 il faudrait bloquer 1 siège par bloc et ne faire voyager que deux passagers par rangée. Soit 50% de perte.

En configuration 2+3 il faudrait bloquer un siège sur le bloc de 2 et un sur le bloc de 3 soit 2 sièges sur 5. 40% de perte.

Reste à voir si les gains en coûts d’exploitation permettent de compenser cet écart…

Photo : A220 Air Baltic par Telsek via Shutterstock

Bertrand Duperrin
Bertrand Duperrinhttp://www.duperrin.com
Voyageur compulsif, présent dans la communauté #avgeek française depuis la fin des années 2000 et passionné de (longs) voyage depuis sa jeunesse, Bertrand Duperrin a cofondé Travel Guys avec Olivier Delestre en mars 2015. On peut le retrouver aussi aussi sur http://www.duperrin.com où il parle depuis plus de 10 ans de la transformation digitale des organisations, son métier quand il est au sol.
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