Norvegian et les low-costs ont elles tué XL Airways ?

Après un été meurtrier pour les low-costs françaises c’est donc XL Airways qui est la dernière compagnie à rester sur le carreau.

Bien sur cela a suscité un émoi légitime comme à chaque fois qu’une entreprise disparait et a fortiori dans un secteur comme l’aérien qui est à la fois très symbolique et où l’affect entraine des réactions sanguines.

Mais il a fallu trouver des coupables et pour notre ministre de l’économie, Bruno Lemaire, ils sont tout désignés : c’est Norwegian et plus généralement les low-cost qui profitent de subventions gouvernementales contraires au droit européen et font ainsi une concurrence déloyale aux compagnies françaises.

Norwegian un épouvantail….avec une micro flotte

C’est vrai que Norwegian a tout de l’épouvantail vu sa taille. Mais au départ de Paris c’est une naine. Je n’ai pas réussi à savoir exactement combien d’avions étaient basés à Paris mais beaucoup de sources convergent pour dire de 3 à 4 à temps plein. La low cost scandinave dessert aujourd’hui 6 routes vers les USA au départ de Paris. Un taille équivalente à celle de XL soit, mais je doute que ça soit suffisant pour d’un seul coup ruiner le secteur aérien français.

Bon, cela n’enlève rien à la question des subventions publiques touchées par Norwegian – et les autres low cost d’ailleurs – qui lui permettent de survivre alors qu’elle est largement déficitaire.

Des compagnies aidées par les pouvoirs publics…français !

Alors oui les low cost de manière générale vivent de subventions qui leur permettent de rester rentables en offrant de très bas prix ! C’est un fait acquis. Mais il y a un hic dans le raisonnement.

Au départ de beaucoup de villes françaises ces subventions viennent…des pouvoirs publics français et plus précisément des collectivités locales qui financent ces compagnies pour maintenir des dessertes. Parlez en à Easyjet et Ryan Air !

Et d’ailleurs le compagnies françaises en bénéficient également dans d’autres cadres qui sont la politique de désenclavement et les lignes dites d’aménagement du territoire !

Un fonds souverain n’est pas un Etat !

On ne peut pas nier non plus que Norwegian a été secourue par de l’argent émanant d’institutions norvégiennes ! Et notez bien que je dis « institutions » et pas Etats ni fonds publics !

Donc oui le Government Pension Fund-Norway (anciennement Folketrygdfondet) est présent au capital de Norwegian. Mais avant de parler d’aides publiques il faudrait encore se demander ce qu’est un fonds souverain !

Un fonds souverain a pour vocation de placer les excédents budgétaires d’un pays. Originellement le Folketrygdfondet a été créé pour investir l’argent tiré de l’exploitation du pétrole et donc utiliser ces pétrodollars pour soutenir l’économie locale et le développement des entreprises locales à l’international. Mais cela ne suffit à dire qu’il s’agit d’un investissement du gouvernement.

En effet le Government Pension Fund-Norway est géré par la Banque Centrale de Norvège qui, comme la plupart des banques centrales a justement pour particularité d’être indépendante du pouvoir politique ! Dit en d’autres termes elle a sa politique propre en fonction de ses objectifs et ne vient pas prendre ses ordres auprès du gouvernement. De plus dans le cas de Government Pension Fund-Norway, une partie de cette gestion est déléguée à une cinquantaine de sociétés norvégiennes et étrangères. Et pour en terminer sur le sujet la stratégie du fonds est plutôt défensive avec gestion en bon père de famille et il s’interdit de posséder plus de 5% d’une entreprise. Dans le cas de Norwegian le fonds détient que 4,9% de la compagnie (6,783,471 actions). Quand on voit que l’Etat français détient 14% d’Air France-KLM il y a de quoi rire ! Enfin le dernier « chèque » que le fonds à fait à Norwegian ne l’a pas aidé à accroitre la part de capital détenue, ce qui se passe quand un état vient à l’aide d’une entreprise, mais simplement pour suivre une augmentation de capital globale et ne pas être dilué. Nuance notable.

Pour comparer à la France qui n’a pas de fonds souverain (faut d’excédents budgétaires à investir) mais une Banque Publique d’Investissement la situation est donc totalement différente. L’une est le bras armé d’un gouvernement, l’autre pas. L’une investit pour aider des entreprises, l’autre principalement pour gagner de l’argent.

Donc non une prise de participation d’un fonds souverain n’est pas de l’aide publique !

Une banque publique à l’aide de Norwegian ?

Une banque Norvégienne a également participé à la dernière augmentation de capital, DNB. Une banque publique ? L’Etat ne détient que 34,5% du capital donc non ! On est dans le cadre d’opérations « normales » d’une banque privée.

La seule chose dont on peut taxer la Norvège est le patriotisme économique de ses entreprises mais je doute que cela aide M. Lemaire à obtenir gain de cause devant les instances européennes d’autant plus que la France n’a pas de leçon à donner à grand monde dans le domaine notamment avec la pratique des droits de votes doubles.

Que le ministre fasse son job

Par contre au lieu de pleurer une fois que la cause est entendue, le gouvernement français aurait pu agir et ce de différentes manière.

Les charges et taxes tout d’abord ! Comme nous le disions ici, Ben Smith le patron d’Air France a posé le sujet en des termes clairs : “La marge d’Air France en 2018 n’était que de 2 %, contre 9 % pour KLM, 10 % chez Lufthansa, 12 % chez British Airways et 18 % chez Ryanair. 2 % de marge chez Air France, ce n’est pas satisfaisant. Cinq points peuvent s’expliquer par les coûts en France ». XL Airways et Azur ont certainement plus souffert des taxes que du fonds souverain Norvégien. Quand on pense que l’aérien est le seul secteur à totalement se financer (infrastructures, sécurité etc) contrairement au rail, qu’il supporte déjà la taxe Chirac et qu’on ne va rien trouver de mieux que d’ajouter prochainement une taxe écologique qui au lieu de financer le virage vert du secteur va financer ses concurrents il y a de quoi pleurer.

La BPI ensuite. Laurent Magnin, le président d’XL Airways, est une grande gueule et d’aucuns diront même une pleureuse mais je le crois volontiers quand il dit qu‘il a appelé la BPI à l’aide et que rien n’est venu ! Il a également raison de dire que le « Chapter 11 » américain est un autre facteur de compétitivité pour ses concurrents US sans équivalent en France.

On a d’ailleurs trouvé le silence de Jean-Baptiste Djebbari, sécrétaire d’Etat aux transports et pourtant pilote de son état, assourdissant sur le sujet.

Quand on voit que Condor, la filiale allemande de Thomas Cook a été sauvée grâce à un prêt relais de 380 millions d’Euros garanti par l’Etat allemand, il y a avait peut être matière à faire quelque chose tout en restant dans le cadre du droit européen.

La vérité derrière la fin d’XL Airways et Aigle Azure

Les low-cost françaises ont succombé face à trois facteurs :

• Des concurrents qui à défaut d’aides illégales bénéficient d’un environnement économique plus « patriote » et « supportif ».

• Un gouvernement qui ne fait rien pour le secteur et n’a rien fait pour ces compagnies. En matière de transports il n’y en a que pour la SNCF, spécialiste en engloutissement de fonds publics. Tant qu’à faire autant renommer le secrétariat d’Etat aux transports le secrétariat d’Etat à la SNCF les choses seront claires.

Des errements stratégiques notoires comme nous le disions cette semaine. Alors oui le contexte n’aide pas mais pour le coup les deux compagnies ont aussi payé les conséquences de leurs propres décisions. On s’inquiétait déjà pour XL Airways en 2016, il n’y a pas de fumée sans feu.

Photo : Airbus A330 XL Airways de  GB-Photographie via Shutterstock

Bertrand Duperrin
Bertrand Duperrinhttp://www.duperrin.com
Voyageur compulsif, présent dans la communauté #avgeek française depuis la fin des années 2000 et passionné de (longs) voyage depuis sa jeunesse, Bertrand Duperrin a cofondé Travel Guys avec Olivier Delestre en mars 2015. On peut le retrouver aussi aussi sur http://www.duperrin.com où il parle depuis plus de 10 ans de la transformation digitale des organisations, son métier quand il est au sol.
1,324FansJ'aime
934SuiveursSuivre
1,272SuiveursSuivre
351AbonnésS'abonner

Articles populaires

Articles récents