Pourquoi tant de compagnies aériennes se sont effondrées…et pourquoi ça va continuer

Ces derniers mois ont vu un nombre conséquent de compagnies aériennes connaître des difficultés voire disparaitre. Cela peut paraitre surprenant dans un contexte de croissance continue du nombre de passagers mais cela s’explique. Pire : ça n’est sûrement que le début et d’autres vont suivre.

Plus tôt cette année on faisait le point sur les compagnies aériennes en difficulté. Le moins qu’on puisse dire c’est que la situation ne s’est améliorée pour aucune d’entre elles.

Pourquoi, malgré la croissance du trafic, en est-on arrivé là.

Des coûts en hausse

Les coûts opérationnels sont un facteur clé pour la bonne santé d’un business, et a fortiori lorsqu’ils sont proportionnels à l’activité, comme les coûts carburant par exemple. Quand une compagnie achète son carburant trop cher par rapport au prix auquel le client est prêt à payer le billet non seulement elle voit sa marge se réduire, voire elle perd de l’argent, mais en plus plus elle a de clients, plus elle opère de vols, plus elle perd de l’argent (ou en gagne moins que prévu). Dans de telles conditions on peut arriver à un stade où il vaut mieux réduire ses opérations que surfer sur la croissance de la demande.

Aujourd’hui, la facture carburant, si elle n’est pas au niveau de 2012 où elle représentait plus de 30% des dépenses des compagnies, a augmenté subitement et rien ne dit que cela va s’arrêter. C’est un des principaux problèmes de Norwegian par exemple.

Ensuite le coût du travail. En constante augmentation en raison des besoins en recrutement mais aussi à la pression sociale dans les compagnies à bas coût où les salariés supportent de moins en moins le modèle actuel. Selon l’IATA les compagnies aériennes on perdu 5 milliards de dollars l’an dernier en raison de l’augmentation du coût du travail.

Enfin les taxes. On en reparlera dans un autre article mais contrairement aux idées reçues le transport aérien, entre taxes et redevances diverses est déjà lourdement taxé et ça n’est pas les futures éco-taxes promises par des gouvernements qui s’achètent voix et bonne conscience à coup de greentaxing qui arrangeront les choses.

Une croissance trop rapide

Pour de nombreuses jeunes compagnies, notamment à bas coût, quand on ne marge pas beaucoup sur chaque passager alors il faut beaucoup de passagers ce qui signifie une croissance à marche forcée de la flotte.

La course à la croissance c’est bien quand les clients suivent et que les coût sont contrôlés. Aujourd’hui il y a une vraie surcapacité, notamment en Europe, où on compte 40% d’appareils en plus qu’il y a 10 ans. Conséquence de la surcapacité : les prix s’effondrent et comme à côté les coûts augmentent plus on a d’appareils plus on creuse sa tombe.

Des réseaux trop étendus

Quand on a de plus en plus d’appareils arrive vite l’envie de multiplier les routes et les destinations. Mais un réseau étendu à un coût : installation dans un nouvel aéroport, opérations et personnel au sol, coûts marketing de lancement d’une route, temps nécessaire à ce que cette route s' »ancre » dans le paysage pour le client potentiel…

Et en cas d’incidents (retards, annulations) il est beaucoup plus simple de proposer une solution au client quand on peut facilement mobiliser un appareil « à proximité » ce qui n’est pas le cas quand on a un réseau étendu mais moins dense en termes d’appareils par route. Cerise sur le gâteau, ces incidents, si une réponse n’est pas trouvée rapidement, viennent augmenter les coûts en raison des dédommagements dus aux clients.

L’exemple parfait est celui du low-cost long courrier. Suite logique du moyen courrier pour aller chercher des relais de croissance il reste un plafond de verre pour tous ceux qui s’y sont essayés à tel point qu’une compagnie comme Eurowings à finalement décidé de ne pas s’y risquer.

L’effet 737 MAX

Aucune compagnie n’a aujourd’hui attribué ses difficultés aux problèmes rencontrés par le 737 MAX mais je pense que ça ne saurait tarder. Aujourd’hui ce sont des appareils que les compagnies ont acheté, qu’elles paient et qui ne peuvent voler. A long terme c’est aussi du personnel sous utilisé en raison des vols non effectués.

Certaines compagnies commencent déjà à présenter la facture à Boeing mais d’ici à ce qu’un règlement soit trouvé le montant des pertes accumulées risque d’être vertigineux, sans oublier qu’on ne sait pas quand le 737 MAX revolera et s’il revolera un jour.

Aucun changement en vue à l’horizon

Comment l’avenir s’annonce-t-il ? Le pétrole va sûrement rester à un niveau assez élevé, on ne voit pas le cout du travail baisser, le 737 MAX ne revolera pas de sitôt et l’équation croissance/rentabilité reste toujours aussi compliquée à résoudre pour les jeunes compagnies. Et l’accroissement du nombre de passagers n’y fera rien : quand on est structurellement peu ou pas rentable, ajouter des passagers, des avions et des vols ne fait qu’aider à creuser ses pertes.

Ajoutons à cela la grande inconnue du Brexit. Techniquement parlant tout peut bien se passer mais à condition qu’on le décide et qu’on le fasse, hard Brexit ou pas. Mais en attendant trop d’incertitudes pèsent encore sur les compagnies britanniques en cas d’un Brexit mal ficelé.

Tout est-il perdu ? Loin de là. On va assister à un mouvement de concentration seul à même de permettre à un secteur qui a enfanté beaucoup de colosses aux pieds d’argile de s’appuyer sur des bases plus solides et saines.

Cela a déjà commencé au Canada. Pas dit qu’on ne reparle pas un jour d’un mariage entre Norwegian et IAG et, de manière générale, de rapprochement entre des legacies et des low-costs. Chez les majors on attend de voir combien de temps Etihad pourra survivre sans appeler Emirates au secours, et qui mettra finalement la main sur Alitalia.

Photo : Wow Air De Vytautas Kielaitis via Shutterstock

Bertrand Duperrin
Bertrand Duperrinhttp://www.duperrin.com
Voyageur compulsif, présent dans la communauté #avgeek française depuis la fin des années 2000 et passionné de (longs) voyage depuis sa jeunesse, Bertrand Duperrin a cofondé Travel Guys avec Olivier Delestre en mars 2015. On peut le retrouver aussi aussi sur http://www.duperrin.com où il parle depuis plus de 10 ans de la transformation digitale des organisations, son métier quand il est au sol.
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