Un peu plus de 6 mois après sa naissance sur les cendres d’Alitalia, ITA se cherche ses partenaires capitalistiques et l’un d’entre eux pourrait être Lufthansa. Où la nouvelle compagnie italienne semble renouer avec le passée de son aïeule.
Qu’est ce qu’ITA ?
Si vous ne l’aviez pas remarqué faute d’avoir pu voyager ces derniers temps, les avions d’Alitalia ont disparu du ciel. A leur place, progressivement, des appareils arborant la nouvelle livrée bleue d’une compagnie nommée ITA.
En situation de faillite quasi chronique depuis de longues années, allant de mariage avorté en sauvetages par l’Etat, les dernières années d’Alitalia ont été chaotiques jusqu’à ce que le COVID ne précipite sa chute…et sa résurection.
Faute de trouver à qui marier sa compagnie historiquement déficitaire le gouvernement italien a en effet dû la sauver à de nombreuses fois, sous l’œil suspicieux des autorités européennes pour qui ces aides étaient à la limite de la légalité. Le COVID a accéléré les choses et créé une situation pour le moins originale.
Après avoir du remettre une fois de plus la compagnie sous perfusion, le gouvernement a du s’en remettre à la seule solution empêchant la disparition de la compagnie : une renationaliation.
C’en était trop pour l’Europe qui n’a validé l’opération que sous condition : pour valider le décollage de cette nouvelle compagnie cette dernière il fallait qu’elle n’ait plus aucun lien avec feue Alitalia. Donc nouveau nom, nouveaux contrats de travail, flotte et personnels réduit, ITA est née sur les décombres d’Alitalia en reprenant certains de ces actifs mais avec une rupture nette avec le passé.
L’originalité de la situation est qu’alors que le secteur s’enfonçait dans la crise, ITA est née avec des finances « propres » et a pu commencer à opérer l’été dernier de manière, certes limitée, mais en faisant table rase des dettes d’Alitalia.
Mais aujourd’hui une compagnie dite nationale ne peut prétendre s’en sortir seule, il lui faut donc trouver des partenaires.
La tumultueuse histoire des mariages ratés d’Alitalia
Cela nous ramène au passé plus ou moins récent d’Alitalia. Membre de l’alliance Skyteam, d’une coentrentreprise transatlantique avec Air France-KLM et Delta elle n’a eu de cesse de se trouver un partenaire pour un mariage capitalistique susceptible de la sauver.
Prétendant favori depuis la nuit des temps, Air France a jeté l’éponge vu l’état de la compagnie. Alitalia est ensuite tombée dans les bras d’Etihad qui a fini par s’en séparer faute de la rendre rentable.
Puis Delta Airlines et China Eastern, tous les deux membres de Skyteam (et d’ailleurs actionnaires d’Air France – KLM) et même EasyJet ont été pressentis, seuls ou avec l’aide d’un fonds d’investissment. Echec.
Avant c’était Lufthansa qui s’était montrée intéressée mais à des conditions telles qu’elles n’étaient (à l’époque) pas acceptable par l’Etat.
On sait ce qu’il en est advenu.
Mais alors qu’ITA propose un profil plus engageant et fiable (en tout cas financièrement et pour l’instant) que sa prédécesseure l’histoire se répète et la recherche de partenaires redevient un impératif pour une compagnie de taille limitée.
Une alliance naturelle avec Air France-KLM…et des infidélités
De manière finalement assez logique ITA a donc rejoint l’alliance Skyteam. On se souvient que Star Alliance et Lufthansa avaient fait un appel du pied à Alitalia par le passé, voyant un accord commercial comme préalable à un accord capitalistique mais finalement le plus simple était, pour ITA, de ressusciter les accords passés.
En Octobre, ITA a donc rejoint Skyteam et en décembre a annoncé des accords de codeshare avec Air France et KLM puis Delta. Comme au bon vieux temps ? Pas forcément.
Cela fait des années que les alliances ne sont plus le seul schéma de partenariat des compagnies aériennes, le meilleur exemple étant peut être Delta qui bien que poids lourd de Skyteam multiplie les partenariats adhoc en dehors de l’alliance, faisant valoir que les alliances n’étaient pas toujours la panacée.
Ainsi, et parfois avant même de se rapprocher de Skyteam et Air France-KLM, ITA a signé des accords de codeshare avec Air Europa (Skyteam) mais également TAP (Star Alliance), Air Serbia (Etihad Partners) et Etihad.
Voilà qui aide à proposer une offre plus constante mais ne règle pas la question de trouver un partenaire capitalistique.
C’est là que Lufthansa revient en jeu.
40% d’ITA pour Lufthansa ?
Selon, Alfredo Altavilla, président d’ITA Airways « Ce serait une erreur de rester indépendant car nous serions toujours trop petits par rapport aux trois grands groupes aériens opérant en Europe. Nous sommes une jolie célibataire qui a de nombreux admirateur… Nous espérons que Lufthansa fera partie« .
Un appel du pied qui ne reste visiblement pas lettre morte puisqu’il se dit que Lufthansa prendrait entre 15 et 40% du capital d’ITA, l’intégrerait dans les opération du Lufthansa Group comme elle le fait aujourd’hui avec ses filliales Swiss, Austrian ou Brussels Airlines, l’aiderait à financer la croissance de sa flotte et à développer le hub de Rome Fiumicino.
Carsten Spohr, le président de Lufthansa avait d’ailleurs déclaré, »Après les États-Unis, l’Italie est notre marché étranger le plus important« .
Lufthansa a toujours donc eu un oeil sur l’Italie, on l’a vu avec ses précédentes tentatives de rapprochement quand il fallait sauver Alitalia. Mais la compagnie allemande était déjà candidate lors de la privatisation de la compagnie en 2007. En vain. Elle a alors créé une filiale en Italie, Lufthansa Italia, en 2008, qu’elle a fermé en 2011. Aujourd’hui elle est propriétaire de la compagnie régionale italienne Air Dolomiti.
ITA-Lufthansa un mariage prometteur ?
Si l’opération venait à se réaliser, les bénéfices en sont relativement évidents.
Pour Alitalia s’adosser à un partenaire capable de financer sa croissance et ayant un certain savoir faire en redressement de compagnies (Austrian, Swiss, Brussels Airlines…).
Pour Lufthansa mettre la main sur le marché italien qui est une des destinations les plus touristiques d’Europe et se doter d’un nouveau Hub en Europe après Francfort, Munich, Zurich et dans une moindre mesure Vienne. Et puis porter un coup à ses concurrents que sont Skyteam et Air France – KLM
Mais le mariage n’est pas pour autant sans nuages. L’Italie est une destination loisir porteuse, soit, mais pas forcément rémunératrice au regard de la clientèle drainée. Par ailleurs on connait les problèmes récurrents qu’à connu Alitalia avec ses syndicats et l’ingérence du gouvernement et rien ne dit que l’histoire ne se répètera pas. Enfin, alors qu’ITA se positionne aujourd’hui quasi exclusivement sur le marché nord américain pour ce qui est du long courrier, il n’est pas évident qu’un hub à Rome soit privilégié par les clients par rapport à Zurich, Francfort et Munich à l’inverse de Vienne en raison des dessertes moyen courrier d’Austrian vers l’Europe centrale et l’Adriatique.
Succès de Lufthansa ou échec d’Air France-KLM ?
On sait que pour des raisons assez évidentes Air France-KLM est très intéressée par cette nouvelle compagnie italienne enfin financièrement « saine ».
Une prise de participation aurait d’ailleurs été dans l’air…mais seulement dans l’air car elle est impossible. La question n’est même pas de savoir si Air France a les moyens d’investir dans ITA : ça lui est tout simplement interdit !
Après l’annonce du partenariat entre Air France et ITA Ben Smith disait d’ailleurs. « Nous avons de grandes ambitions avec ITA et cette étape est un premier pas vers une coopération plus large « . Manière de dire « on voudrait aller plus loin mais on est coincés« .
N’oublions pas que la commission Européenne a subordonné les « prêts COVID » garantis par les Etats aux compagnies aériennes à l’interdiction d’investir dans une autre compagnie tant qu’ils n’étaient pas remboursés. Lufthansa a remboursé ses prêts et Air France-KLM ne le fera pas avant 2025.
Donc si Alitalia a besoin d’un partenaire à court ou moyen terme cela ne pourra pas être Air France-KLM avant au moins 2025. Ne reste donc que Lufthansa, IAG (British Airways) n’ayant pas l’air intéressée et préférant se concentrer sur la péninsule ibérique.
On peut raisonnablement penser que le groupe franco-néerlandais aurait été le choix le plus logique vu le contexte et l’historique mais que d’un point de vue pragmatique, si ITA est pressée, il ne reste que Lufthansa. A moins que…
A moins que la crainte de voir ITA quitter Skyteam pour Star Alliance (issue qui semble assez évidente dès lors que Lufthansa monte au capital d’ITA) ne pousse par exemple Delta à intervenir, après s’être déjà positionnée pour reprendre Alitalia ? Il ne semble pas en être question aujourd’hui.
Aujourd’hui on ne peut surtout pas parler de choix par défaut en parlant de Lufthansa mais il est certain qu’Air France-KLM peut payer cher son incapacité à régler des problèmes financiers largement antérierus au COVID.
Conclusion
ITA se cherche des partenaires commerciaux et capitalistiques et s’est déjà rapprochée de Skyteam et Air France-KLM. Mais ces partenaires sont dans l’impossibilité de l’aider capitalistiquement ce qui peut la pousser dans les bras de Lufthansa au risque d’entrainer un départ de l’alliance Skyteam.