SAS et Etihad viennent d’annoncer un accord de partage de code et de bénéfices réciproques sur leurs programmes de fidélité dont le timing ne peut qu’interroger.
Partage de code entre SAS et Etihad
SAS et Etihad partageront désormais leurs codes afin que les passagers de la compagnie Scandinave profitent du réseau de la compagnie du Golfe notamment vers l’Asie et l’Océanie et que, dans l’autre sens, ceux d’Etihad aient accès au très riche réseau de SAS dans les pays du nord.
Cet accord sera opérationnel fin 2023 pour des voyages à partir de janvier 2024.
Une autre partie de l’annonce est particulièrement intéressante puisque désormais les membres du programme de fidélité Etihad Guest gagneront des points sur tous les vols SAS de la même manière que les membres SAS Eurobonus en feront de même sur tous les vols Etihad, en codeshare ou non.
Et vu les taux de transfert proposés, c’est une excellente affaire pour les membres Eurobonus.
Une stratégie logique pour les deux compagnies
Un accord qui n’a de surprenant et qui rentre dans la logique que nous avons décrite à propos du récent partenariat entre Etihad et Air France-KLM.
Les deux compagnies n’ont pas la taille critique pour survivre seules et doivent donc multiplier les instruments de coopération avec d’autres de leurs semblables.
C’est assez évident pour Etihad qui n’est membre d’aucune alliance ce qui est au départ une faiblesse mais lui permet de tisser des partenariats opportunistes avec des compagnies des trois alliances après l’échec de son programme Etihad Partners.
Ca l’était un peu moins pour SAS qui bénéficiait de l’impressionnant réseau de ses partenaires au sein de Star Alliance. Mais le projet de prise de participation d’Air France-KLM dans SAS (soumis à l’approbation des autorités) et la sortie de la compagnie de l’alliance au profit de Skyteam qui en serait la conséquence rebat les cartes.
Si Etihad n’est pas membre de Skyteam elle n’est pas non plus dans une alliance concurrente et vient de nouer un partenariat stratégique avec un futur actionnaire de la compagnie scandinave qui est un des membres fondateurs de l’alliance. Qui plus est, elle dispose d’un réseau très développé dans les parties du monde où Skyteam s’avère être faible.
Un enchainement d’annonces qui ne peut que poser des questions : sont-ce des initiatives individuelles allant dans le même sens ou des éléments cohérents d’un plan plus global ?
Que peut cacher le partenariat entre SAS et Etihad ?
Air France va peut être racheter SAS (on dit bien peut être car à notre avis l’impact de la prise de participation est surestimé tant que SAS n’a pas fait la preuve qu’elle pouvait redevenir rentable); se rapproche d’Etihad qui se rapproche de SAS… il est facile de penser que tout cela est lié.
Les prochaines étapes pourraient être l’entrée d’Etihad dans Skyteam, une joint-venture vers l’Asie entre Air France-KLM et Etihad (sur le modèle de celle qui existe avec Delta et Virgin Atlantic sur les liaisons transatlantiques) voire une prise de participation ou un rachat du groupe franco-néerlandais dans la compagnie du Golfe.
Avant d’aller aussi loin il faudrait que les rapprochements d’Air France-KLM et SAS d’un côté et Etihad et SAS de l’autre aient été coordonnés. Vu le temps nécessaire à de tels accord il faudrait qu’Air Frace-KLM ait dévoilé ses plans par rapport à SAS à Etihad pendant le processus de refinancement de la compagnie scandinave. Vu le niveau de confidentialité exigé dans ce type d’accords, les accords de non divulgation et le niveau de secret qui a entouré cette annonce qui a surpris tout le monde, on ne le pense pas. Possible mais très improbable.
Il faut également savoir que le codeshare entre SAS et Etihad est tout sauf nouveau. Un précédent existait depuis 2014 mais il était moins ambitieux que celui-ci.
Il n’est donc pas étonnant de voir que les deux compagnies ont cherché, vu leurs contextes respectifs, à approfondir leurs synergies commerciales.
Un accord qui ouvre des perspectives nouvelles
On peut se tromper mais nous pensons que les rapprochements entre Air France-KLM et Etihad et SAS d’un côté et entre SAS et Etihad de l’autre sont deux opérations bien distinctes rendues possibles par l’indépendance d’Etihad relativement aux alliances.
Dit autrement nous ne pensons pas qu’Air France-KLM et Etihad aient agi de manière concertée mais que c’est le contexte qui les a fait aller dans la même direction et donc que ça n’est pas le groupe Européen qui était à la baguette. Tout au plus le fait que les premiers aient été choisis par la compagnie Scandinave a fini de valider l’intérêt de l’opération pour les deux autres ou plutôt de voir qu’elle ne posait pas de problème (ce qui aurait peut être été différent si Lufthansa avait été choisi pour financer SAS).
Et ce, rappelons le, alors que l’accord existait déjà entre SAS et Etihad.
Deux opérations distinctes mais convergentes qui peuvent ouvrir des opportunités nouvelles ? Certainement mais il faut bien avoir en tête, encore une fois, qu’Air France-KLM se sera pour les deux ans à venir au moins qu’un actionnaire minoritaire de SAS si l’opération est approuvée et que rien ne dit à 100% qu’elle en prendra le contrôle plus tard.
Et on en revient à ce que nous disions il y a une semaine.
• Une entrée d’Etihad dans Skyteam ? Très possible mais pas obligatoire.
• Une joint venture Air France-KLM-Etihad sur les routes asiatiques ? Une bonne idée d’autant plus que les deux compagnies Skyteam à qui elle ferait de l’ombre (Korean Air et Saudia) ne pèsent pas assez pour l’empêcher. A moins même qu’elles la rejoignent.
• Une prise de participation d’Air France-KLM dans Etihad ? Politiquement très peu probable. Dans le Golfe on a sa fierté et cela serait inacceptable.
• Un rachat d’Etihad par Air France-KLM ? Si une prise de participation est quasi impossible, une prise de contrôle relève du fantasme.
Le potentiel rachat de TAP se profile, puis viendra le moment de décider si Air France-KLM va plus loin avec SAS ou abandonne le dossier…si les finances vont mieux qu’avant Air France-KLM devra tout de même choisir ses combats. En fonction de l’issue du dossier TAP ? Pourquoi pas.
Conclusion
Air France-KLM, Etihad et SAS se rapprochent et nouent des accords commerciaux, voire capitalistiques, bipartites sans que cela ne permette de présumer que cela participe d’un plan concerté.
Le caractère très politique d’une prise de participation d’Air France-KLM dans Etihad et la nature hypothétique de sa prise de contrôle de SAS laissent plutôt penser à des partenariats forts.
Photo : SAS A320 neo Robert Buchel via Shutterstock