Les clients semblent de moins en moins satisfaits de l’hôtellerie de chaine, un problème qui n’a rien de neuf mais qui a peu de chances de s’améliorer car il trouve sa cause dans les relations entre les hoteliers et les chaines…et dans le manque de courage de ces dernières.
Les clients et les chaines d’hôtels : une défiance historique pas méritée
Comme vous avez pu le remarquer, chez TravelGuys nous sommes plutôt clients des grandes chaines d’hôtel mais tout le monde ne partage pas cette préférence. Vous avez sûrement déjà entendu des gens dire « j’évite les grandes chaines car c’est moins bien » et peut être partagez vous d’ailleurs ce point de vue.
Nous trouvons cette défiance quelque peut imméritée, et ce malgré le réquisitoire qui va suivre.
Déjà parce qu‘il faut s’entendre sur ce que c’est qu’un bon hôtel. Pour certains c’est l’authenticité, l’absence de normalisation, pour d’autres c’est la qualité de service…
Et puis cela dépend du volume de voyages : si on voyage peu on peut essayer de trouver un hôtel inconnu au coup par coup en espérant ne pas se tromper, quand on voyage beaucoup on essaie de minimiser les risques et on choisit par rapport à nos expériences précédentes avec la marque.
Quand on va tous les étés en vacances au même endroit on retourne dans le même hôtel quand on en a été satisfait car on sait ce qu’on va trouver, quand on change souvent de destination le cadre de référence n’est pas la l’hôtel mais la marque.
A la fin il y a des satisfactions et des déception dans les deux cas mais c’est la même logique : quand on aimé quelque chose on y retourne sauf que dans un cas on se fie à l’hôtel et dans l’autre à la chaine. Et quand on est fidèle on est (normalement) mieux traité et si on change il y a le risque d’être déçu.
Tout cela pour dire que la défiance systématique envers les chaines ne nous semble pas méritée car comme vous pouvez le voir sur nos revues d’hôtels, l’expérience dans une chaine peut être autant exceptionnelle que très décevante.
Une chaine d’hôtel ne devrait pas décevoir
Par contre là où nous rejoignons les partisans de l’hôtellerie indépendante c’est que si le choix d’un tel hôtel comprend une part de risque, cela ne devrait pas être le cas dans un hôtel de chaine.
Un hôtel de chaine doit appliquer des standards de marque : procédures, protocoles, qualité des produits, niveau de service, éléments visuels… A quoi s’ajoutent, le cas échéant, les bénéfices liés au programme de fidélité pour les clients concernés.
Il doit donc exister, et c’est tout le concept de marque, un socle commun qu’on est certain de retrouver partout. Ensuite certains peuvent faire mieux, faire plus, mais il ne doit y avoir aucune surprise sur ce socle.
Or ces surprises arrivent et même si elles ne sont pas nombreuses que ça elles sont trop nombreuses à nôtre goût
Un indépendant est libre de définir sa promesse de marque comme il veut et de l’appliquer ou pas, un hôtelier dans une chaine non. Et pourtant…
Le business model de l’industrie au coeur de l’expérience client (et pas l’inverse)
Pour comprendre pourquoi les hôtels de chaine sont plus à même de décevoir qu’un indépendant il faut regarder le business model du secteur.
Commençons par l’indépendant.
Il est propriétaire de son hôtel. Il paie son marketing pour attirer des clients, il les reçoit, et à la fin du séjour les clients paient.
Son objectif est, comme tout entrepreneur, de gagner plus d’argent (nuits vendues) que ce qu’il dépense (frais généraux dont marketing, coût des opérations, remboursements…)
Parlons maintenant de l’hôtel de chaine.
L’hôtelier paie (parfois très cher) à la marque pour avoir le droit de l’utiliser et en contrepartie il doit appliquer les standards de la marque. Il reçoit ensuite le client et le client paie.
A la fin l’équation économique et la recherche de profitabilité est la même que pour l’indépendant mais il y a certaines différences.
Pour l’hôtelier, qui est en général un franchisé, la redevance payée à la marque est vue comme son effort marketing, il attend d’elle que son nom et son site de réservation lui amène ses clients. En contrepartie les exigences des éléments constitutifs de la marque augmentent ses coûts ou en tout cas il le perçoit ainsi.
Avec une vision purement économique à court terme, ne pouvant rogner sur ce qu’il paie à la marque, il va rogner sur les dépenses et ne délivrer les standards de la marque qu’à minima ou de manière dégradée.
La conséquence est connue : le client n’a pas ce qu’il attend et ne reviendra pas. Et c’est la grande différence avec l’hôtel indépendant !
Lorsque le client décide de ne pas retourner dans un hôtel indépendant parce que la promesse n’est pas tenue, l’hôtelier en est le seul responsable et c’est lui qui aura de moins en moins de clients.
Dans le cas d’un hôtel de chaine le client fera moins confiance à la marque donc tous les hôteliers membres de la marque auront moins de clients donc la valeur de la marque diminuera. Un jeu où tout le monde perd : le client, l’hôtelier et la marque.
En fait le problème survient lorsque l’hôtelier ne voit pas la chaine comme une marque, qui a des éléments constitutifs dans lesquels il investit pour un retour sur investissement qui est d’avoir des clients mais comme un simple outil marketing. Il va rogner sur les éléments constitutifs de la marque dans une optique à court terme, et perdra en clientèle à long terme.
C’est ce business model qui dicte l’expérience client et pas l’expérience client qui tire le business model.
Le manque de courage des marques
La solution est pourtant évidente : il suffit que les marques fassent respecter leur cahier des charges ! Et d’ailleurs pendant longtemps c’est ce qui a fait la différence entre les bonnes et les mauvaises chaines, en tout cas à notre point vue.
La différence entre une bonne et une mauvaise chaine n’est pas la promesse mais l’exécution de la promesse.
Lorsqu’on réserve un Ibis qui tient la promesse Ibis on est contents, si on va dans un Sheraton qui ne tient pas sa promesse on n’est pas contents, même si au final l’expérience est meilleure que dans l’Ibis.
Pendant longtemps notre cible favorite en la matière était Accor qui n’arrivait pas à se faire respecter de ses franchisés, ce qu’un Starwood faisait parfaitement. Après on a bien vu une baisse de l’expérience après le rachat de Starwood par Marriott qui, même s’ils faisaient bien le travail, le faisaient moins bien que Starwood.
Puis il y a eu le COVID, ses mesures sanitaires et une dégradation logique de l’expérience client en hôtels. Une expérience qui aurait dû revenir à la normale depuis ? Pas nécessairement.
Certains hôtels ont gagné beaucoup d’argent en dégradant l’expérience client pendant le COVID et ont assumé le fait, à l’avenir, de préférer conserver des marges hautes plutôt que rétablir un service normal. Et même les clients les plus fidèles devaient d’attendre à ce que plus rien ne soit comme avant.
Les hôteliers ont donc trainé des pieds pour éviter le retour à la normale et les chaines n’ont pas fait grand chose pour les contrarier. Pourquoi cela ?
Premièrement, après le COVID, la valeur de leur marque avait diminué, un processus déjà entamé avant en raison des mauvais comportements des hoteliers mais qui s’est ainsi accéléré. Il ne fallait pas insister au risque de mécontenter les hôteliers.
Ensuite parce que de la même manière manière que l’hôtelier voit la chaine comme un outil marketing et pas comme une marque, la chaine se fourvoie aussi dans sa lecture du système.
La marque ne veut pas décevoir le client, mais qui est le client ? Dans un un système qui repose majoritairement sur la franchise elle voit le franchisé comme un client (il paie une redevance) et le client n’est plus que le produit que la chaine amène à l’hôtelier, produit pour lequel il paie. Satisfaire le client est devenu faire plaisir à l’hôtelier.
C’est également ce qui a fait que les chaines ont laissé déraper la pratique des hotels fees de manière honteuse et incontrôlable.
Et ainsi le cercle vicieux qui conduit à une lente mais certaine dégradation de l’expérience client dans les chaines d’hôtels s’est mis en place. Mais si le court-termisme de l’hôtelier y joue un rôle, le manque de courage des marques et leur mauvaise analyse du rôle de chacun a un impact majeur.
Le futur sombre de l’hôtellerie ?
Un hôtelier qui voit la chaine comme un prestataire marketing, une chaine qui voit l’hôtelier comme un client et le client comme un produit ne risquent de mener à rien de bon.
Le premier perdant est le client qui a force d’être déçu abonnera la marque. Puis la marque perdra de sa valeur et l’hôtelier aura moins de clients. Second perdant. Puis la marque aura tellement peu de valeur que l’hôtelier la quittera. Troisième perdant.
Le système ne repose plus que sur le fait que les programmes de fidélité continueront à amener les clients comme on amène des bêtes à l’abattoir. Mais vu que la logique expliquée plus haut conduit notamment à une dégradation des programmes de fidélité, même ce filet de sécurité n’a qu’une durée de vie limitée.
Est-ce la fin du système ? Certainement pas. Cela redonnera de la valeur aux marques qui font leur travail et aux hoteliers qui en voient la valeur et ne méprisent pas le client.
Les autres (re)découvriront peut être l’indépendance et son corolaire : quand vous êtes votre propre marque vous ne pouvez ni l’abimer ni décevoir le client car personne ne vous aidera et vous serez le seul à payer le prix de vos erreurs.
Conclusion
Hoteliers et chaines d’hôtels semblent s’accorder sur le fait que la satisfaction du client n’est plus que secondaire tant que le business entre eux fonctionne bien.
Une vision court-termiste qui oublie un élément : tout cela ne fonctionne que tant que le client ne décide pas de dire stop car il n’y trouve plus son compte. Et il semble que certains soient allé suffisamment loin pour que les clients commencent à se détourner de ce qui furent leurs chaines favorites.
Et vous ? Vous êtes plutôt indépendants ou chaines ? Notez vous aussi une dégradation de l’expérience plus notable de l’expérience client depuis ces dernières années ?
Vous avez décidé de vous éloigner de certaines chaines ?
Image : client arrivant à l’hôtel de Africa Studio via Shutterstock.