Après le COVID le service en hôtel reviendra-t-il à la normale ?

L’industrie hôtelière s’est adaptée comme l’aérien aux contraintes sanitaires durant la pandémie, notamment en réduisant les services fournis aux clients afin d’éviter les contacts.

Comme dans l’aérien beaucoup de ses mesures ont été vues comme du cost cutting déguisé même si une partie d’entre elles étaient tout de même plus facile à justifier. Logiquement on pouvait s’attendre à un retour à la normale après la fin de la pandémie mais si on en croit les déclarations de  Chris Nassetta, le PDG de Hilton, ces mesures sont là pour rester.

De nombreuses prestations supprimées pour limiter les interactions

Les mesures de précaution sanitaires ont amené les hôtels à supprimer un certain nombres de prestations. Par exemple :

  • Fermeture des bars, restaurants et salons.
  • Suppression des bouteilles d’eau, minibars et machines à café dans le chambres.
  • Suppression du room service remplacé par des « box » à emporter.
  • Suppression de la prestation de ménage dans les chambres.

Bien entendu cela n’a pas été pour ravir les clients mais dans le contexte sanitaire de ces derniers mois c’était des mesures qui étaient en grande partie compréhensibles.

Pas de retour à la normale chez Hilton !

Bien entendu les clients attendaient un retour à la normale pour la fin de la pandémie. Mais le CEO de Hilton a récemment jeté un froid en déclarant que :

« Le travail que nous faisons actuellement dans chacune de nos marques consiste à en faire des activités à marge plus élevée et à créer plus d’efficacité en matière de travail, en particulier dans les domaines de l’entretien ménager, de la nourriture et des boissons, et dans d’autres domaines. Lorsque nous sortirons de la crise, ces activités auront une marge plus élevée et nécessiteront moins de main-d’œuvre qu’avant le Covid.« 

Au moins a-t-il le mérite de dire les choses franchement, car en d’autres mots il nous dit que les mesures prises en fonction des contraintes sanitaires ont aidé les hôtels à considérablement améliorer leurs marges et qu’il entendait donc continuer dans cette voie même une fois la crise terminée.

Le COVID mauvais pour le business mais bon pour les marges !

C’est sûrement un des paradoxes de cette crise mais le COVID n’a pas eu que des mauvais côtés. S’il a été mauvais pour le business (encore qu’aux Etats-Unis la situation a été beaucoup moins catastrophique qu’en Europe) il a entrainé des mesures qui ont mécaniquement augmenté la rentabilité des hôtels.

Selon SKIFT, aux Etats-Unis, les hôtels fournissant un service « complet » à leurs clients (haut et moyen de gamme) ont ainsi vu leur seuil de rentabilité diminuer de 47 à 30% d’occupation et les hôtels « low cost » et d’entrée de gamme fournissant des prestations réduites de 43% à 36%.

D’où la tentation de continuer dans cette voie très lucrative.

Vers une hôtellerie à deux vitesses ?

La question se pose donc légitimement de savoir si on s’oriente vers une hôtellerie à deux vitesses avec une accentuation de ce qu’on connaissait jusqu’à présent.

En effet les hôtels « low cost » à prestations réduites ne sont pas une nouveauté. D’un autre côté on voit mal la clientèle des hôtels de gamme supérieure se passer de room service ou accepter que le ménage ne soit pas fait jusqu’à ce que la chambre soit restituée.

Reste l’entre deux qui pourrait être tenté de tirer ses prestations vers le bas, ce qui concernerait quand même une grande partie du marché.

Mais reprenons les prestations une à une :

• Room service : sa suppression est inenvisageable en gamme supérieur mais pourquoi pas en milieu de gamme et en dessous avec selon les cas une suppression pure et simple ou un service de lunch box à aller chercher soi même.

• Machines à café et minibars : cela fait longtemps que dans de nombreux hôtels les minibars sont vides et ne servent plus qu’à la décoration, ce qui est d’ailleurs regrettable. Par contre la suppression des machines à café pourrait être vue comme une véritable mesquinerie.

• Ménage : là les opinions divergent. Je connais beaucoup de personnes qui se moquent du fait qu’on vienne faire leur lit tous les jours, peu importe la gamme de l’hôtel d’ailleurs. En ce qui me concerne j’aime trouver une chambre rangée, nettoyée et un lit fait quand je rentre dans l’après midi. Là encore on voit mal le haut de gamme supprimer cette prestation qui pour certains est également un signe d’hygiène.

• Bars et restaurants : on peut imaginer que des établissements de gamme moyenne ou inférieure ferment leurs restaurants pour le remplacer par des snacks à emporter. Garder la cuisine en la simplifiant mais sans le service. Mais là cela dépendra également du type d’hôtel, de clientèle et de leur localisation.

Vers une hôtellerie « unbundled » ?

Finalement, ménage et restaurants mis à part cela ne changerait pas grand chose. Mais on peut imaginer que comme l’aérien l’hôtellerie se lance dans les tarifs « découplés » (unbundled) en sortant du prix standard certaines prestations pour les faire payer en supplément à ceux qui le veulent.

C’est déjà le cas avec les tarifs avec ou sans petit déjeuner. A une autre échelle c’est aussi le cas avec l’arnaque généralisée des « resort fees ». Peut être que certains pourront envisager de pousser le bouchon plus loin avec un ménage quotidien ou pas, mise à disposition d’une cafetière et de café dans la chambre (ça serait mesquin mais après ce qu’on a vu dans l’aérien), accès payant à la salle de sport ou à la piscine…. Là aussi cela existe déjà dans certains établissements. La fin du wifi gratuit ? Certains vont peut être y réféchir.

Ce découplage des tarifs permettrait également de revaloriser à moindre faits leurs programmes de fidélité ! En incluant comme bénéfices nouveaux des choses autrefois gratuites et qu’on aurait rendues payantes pour les non membres cela permettrait de facilement gonfler la liste des avantages offerts aux clients « à statut ». Mais vu qu’en général on trouve ces clients dans des hôtels dont le standing d’accommoderait mal d’une telle baisse de prestation…

Tout le monde ne pourra pas suivre Hilton

En fait la vraie question est de se demander si Hilton sera seul à emprunter cette voie et notre réponse est double : beaucoup vont y penser, tout le monde ne pourra pas se le permettre.

Beaucoup vont y penser car baisser aussi radicalement son seuil de rentabilité peut être séduisant et ne pas y réfléchir serait une faute professionnelle. Mais comme on l’a vu il y a toute une gamme d’hôtel où cela ne serait pas accepté par la clientèle et il suffirait que les concurrents ne suivent pas pour se tirer une balle dans le pied.

Mais si on regarde le portefeuille de marques de Hilton on y voit du Hilton, du Waldorf Astoria ou du Conrad où la chose n’est clairement pas possible. Mais chez Double Tree ou chez Hampton on est déjà en service limité et un coup de rabot de plus ou de moins…

Plus difficile chez Marriott. Moxy et Aloft ont déjà été conçus partiellement avec cette idée de service réduit, notamment sur la restauration et à quelques exceptions près peu de marques du numéro mondial rentrent dans la typologie de l’hôtel milieu de gamme qui peut rogner sur ses prestations sans que la clientèle ne s’en plaigne.

Plus facile par contre chez Accor qui, si le groupe investit massivement dans un secteur du luxe où il était par trop absent et péchait par l’exécution, dispose d’une foule de marque de milieu de gammes qui pourraient dégrader leur service de manière généralisée ou au cas par cas selon l’hôtel (on pense à Mercure, Ibis…)

Conclusion

Il est trop tôt pour savoir à quoi le monde de l’hôtellerie post pandémie ressemblera mais si la tentation de jouer la carte de la marge à fond peut être tentante seuls certaines catégories d’hôtels pourront se le permettre : le milieu de gamme et encore pas tous.

La clientèle haut de gamme se braquerait et le bas de gamme a souvent déjà rogné tout ce qu’il pouvait. Reste l’intermédiaire ou cela devra s’apprécier au cas par cas.

Image : room service de Dean Drobot via Shutterstock

Bertrand Duperrin
Bertrand Duperrinhttp://www.duperrin.com
Voyageur compulsif, présent dans la communauté #avgeek française depuis la fin des années 2000 et passionné de (longs) voyage depuis sa jeunesse, Bertrand Duperrin a cofondé Travel Guys avec Olivier Delestre en mars 2015. On peut le retrouver aussi aussi sur http://www.duperrin.com où il parle depuis plus de 10 ans de la transformation digitale des organisations, son métier quand il est au sol.
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