Édito : Air-France et Flying Blue, notre programme d’infidélité

Comme vous avez pu le constater ces derniers mois, nous écrivons beaucoup moins de revue et sommes beaucoup moins passionnés par Air France, KLM et Flying Blue. Nous étions déjà persona non grata depuis quelques années au service de presse, la faute à quelques articles bien sentis autour de Flying Blue, de la stratégie de la compagnie ou de son expérience de voyage.

Mais depuis 3 mois, j’ai été à nouveau exclu du Club des Clients Référents, pour avoir exprimé dans la presse magazine, en l’occurrence Challenges, ce que beaucoup pensent tout bas. En l’occurrence, le fait que le service est très aléatoire, dépendant de l’humeur de l’équipage et que le hard product en classes avant était trop aléatoire pour être bon. Que des faits, mais apparemment incompatibles avec le fait d’aider notre compagnie nationale à s’améliorer. On va pas en faire un article entier, et je n’aiderai pas qui ne veut pas se faire aider.

Au-delà de cela, nous avons de bonnes raisons de voler sur d’autres compagnies. En voici quelques unes dans cet édito qui marque le début de l’été.

Flying Blue est un programme qui ne pousse pas à la fidélité sur le long terme

Ne nous le cachons pas : Flying Blue est un programme de fidélité très avantageux en termes d’acquisition de statuts.

Nous vous le disions lors de la sortie de la nouvelle mouture du programme en Avril 2018 : le système d’Experience Points, ou XP, n’a rien changé ou presque en ce qui concerne la qualification. Le statut Platinum se renouvelle chaque année en 300 XP, ce qui équivaut à 60 vols européens en classe économique, soit 30 aller-retours voir 15 si l’on a une correspondance. Un Amsterdam-Milan via Paris à 99€ aller-retour vous donnera 20 XP. Il suffit d’en faire 15 dans l’année et vous conservez votre statut.

Barème d’accumulation des XP sur Flying Blue, valable pour tous les vols SkyTeam ou markétés par AF/KL/A5.

Pour peu que vous ayez une carte American Express co-brandée Air-France KLM et vous aurez 30 XP pour une Gold et 60 XP d’avance pour une Platinum. Autant de vols à faire en moins.

Mais ce qui pousse à l’infidélité durable, c’est le rollover d’XP. Késako ? C’est que si vous gagnez dans une année glissante 550 XP, alors les 250 XP en sus du seuil de requalification sont d’ores et déjà acquis pour l’année suivante, et ce, sans limite de report. Si vous êtes de grands voyageurs comme Bertrand et moi, cela monte vite !

Et comme Flying Blue propose un statut Platinum à vie après 10 ans de Platinum consécutifs, vous pouvez voler énormément avec SkyTeam pendant 3 ou 4 ans et être virtuellement Platinum à vie. Et comme la requalification après le Platinum à vie n’offre aucun avantage, vous pouvez partir ailleurs et conserver vos bénéfices pour les quelques vols SkyTeam que vous ferez dans l’année…

Flying Blue a subi une dévaluation massive en Avril 2018

L’autre partie dérangeante de Flying Blue est le full revenue-based. Si la plupart des compagnies américaines sont passées à ce système pour le gain de miles, qui dépend désormais du prix payé hors taxes (et qui est logique financièrement et acceptable pour les passagers), Flying Blue est l’une des seules compagnies du monde à calquer le yield des billets payants à celui des billets primes, y compris en jouant sur les Point of Sales, les départs depuis l’étranger, etc.

Résultat : une utilisation des primes difficiles, qui ne peuvent plus être utilisées « en urgence » sauf à dilapider des miles désormais gagnés plus difficilement qu’avant.

Si, là aussi, la logique financière se comprend, la logique commerciale ne se comprend pas. En effet, beaucoup de billets d’avion sont en réalité des déplacements professionnels (surtout en classes avant) où la sensibilité au prix est appréciée différemment par les individus et où des prix très élevés peuvent être acceptables au titre de la flexibilité. Aussi, les classes tarifaires Grand Public peuvent faire l’objet de contrats d’entreprise et aboutir à des tarifs corporate différents.

Un exemple d’ineptie avec le nouveau barème.

Mais quand vient le jour de réserver un billet prime, il est difficile d’accepter un écart de 1 à 20 sur une même cabine de voyage, sous le prétexte que le billet payant atteint des sommets. C’est un problème de perception commerciale et plus un problème de yield management.

L’expérience client est trop aléatoire sur Air France

Nous ne pourrions pas le dire de sa sœur KLM, mais c’est bien le cas sur Air France : l’expérience client est beaucoup trop aléatoire, au sol comme en vol, et ce n’est pas la faute de Paris Aéroport, comme on l’entend trop souvent.

Certes, Charles-de-Gaulle n’est pas le meilleur aéroport du monde, loin s’en faut. Mais ce n’est pas ADP qui gère les salons, leur personnel et leur catering. Chaque montée en gamme se traduit par un produit beau sur le papier mais dont la qualité se délite au fil des mois. Prenez le salon Business de Paris CDG, Hall L. Il n’a pas 18 mois, et le service est déjà réaligné sur celui du K. La station de cuisson avec un chef n’est pas souvent staffée, le petit-déjeuner reste souvent présenté jusqu’à 14h et le débarrassage est très aléatoire.

En vol, en classe Business, finie l’expérimentation Ultra Business avec dressage de la table et plats préparés dans le Galley. Retour au service simplifié depuis le trolley, avec désormais le fromage servi en même temps que l’entrée. Réalignement sur le produit COI dont on ne peut pas dire qu’il s’agisse de la crème de la crème…

Air France n’a pas un problème de produit : ils sont souvent créatifs, élégants comme les salons, bien conçus comme les cabines BEST, le catering plutôt bien défini également… Air France a un vrai et gros problème d’exécution du produit que ce soit par la formation et la supervision de son personnel que par la gestion catastrophique des prestataires. Et quand les clients remontent massivement le problème et que rien n’est fait, cela vire à la faute grave.

La promesse est toujours trop belle chez Air France

Depuis que nous voyageons sur d’autres compagnies, d’autres alliances, nous voyons comment cela se passe : il y a un vrai management en cabine, tout se déroule comme un ballet où chacun connaît sa partition sur le bout des doigts. Et cela ne se passe pas dans des compagnies du Golfe ou asiatiques, soit disant à la main d’œuvre esclavagisée ou qui opère une concurrence déloyale : c’est chez Swiss, chez Lufthansa, chez SAS, chez British Airways dont on ne peut pas dire qu’elles ont des coûts tellement inférieurs.

Quant aux salons… La médiocrité n’a pas de place. En fait, dans les salons Air France, les prestataires ne sont tout simplement pas managés, le personnel Air France reste derrière son comptoir comme protégé par celui-ci, et s’étonne même que l’on vienne s’enquérir de buffets vides ou de débarrassages non faits.

Conclusion

J’espère que vous comprendrez mieux pourquoi nous allons voir l’herbe du voisin, définitivement beaucoup plus verte que la nôtre.

Bel été à vous, plein de nouvelles expériences de voyage !

Photo : 787 Air France De Fasttailwind via Shutterstock

Olivier Delestre-Levai
Olivier Delestre-Levai
Olivier est sur la blogosphère du transport aérien depuis 2010. D'abord contributeur majeur du forum FlyerTalk, il crée en juillet 2012 le site FlyerPlan, et rédige des articles à l'écho majeur chez les spécialistes de l'aérien. Il co-dirige désormais le blog TravelGuys avec Bertrand, en se focalisant sur l'expérience de voyage et les programmes de fidélité. Et bien sûr, tous vos articles préférés de FlyerPlan sont désormais sur TravelGuys !
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