Star Alliance va-t-elle intégrer une nouvelle compagnie ?

Depuis plusieurs semaines la toile bruisse de rumeurs plus ou plus plausibles sur l’arrivée d’une nouvelle compagnie au sein de Star Alliance. Vu le poids des alliances dans le transport aérien l’ajout d’une nouvelle compagnie a une alliance peut avoir un impact considérable en fonction de la taille, de son implantation ou encore de sa provenance (débauchée d’une autre alliance ou pas).

Star Alliance aujourd’hui

Créée en 1997 Star Alliance est la plus ancienne et la plus grand alliance aérienne à ce jour avec 26 membres.

Source : Star Alliance

26 ? Bientôt 25 vu qu’Asiana va prochainement rejoindre Skyteam suite à son rachat par Korean.

Pourquoi Star Alliance devrait recruter de nouveaux partenaires ?

Comme toute alliance, Star Alliance à intérêt à grandir. Plus son réseau est large plus elle est intéressante pour les passagers et plus elle est intéressante pour ses membres et attractive pour des compagnies n’en étant pas membres car elle offre un éventail de destinations, de fréquences et de possibilités d’itinéraires plus importants à leurs propres clients, ce qui aide à les attirer et les conserver. Et plus ses membres ont une qualité de service élevée mieux c’est.

Bien sûr lorsqu’une alliance comporte des compagnies majeures reconnues pour la qualité de leur produit cela bénéficie indirectement aux autres.

Mais Star Alliance a deux préoccupations qui lui sont spécifiques.

En tant que plus grande alliance mondiale elle doit conserver son statut que ce soit en débauchant des compagnies membres d’une alliance concurrente ou recrutant des compagnies n’appartenant à aucune alliance.

Et puis il y a, comme on l’a dit, le départ d’Asiana dont on se dit qu’il devrait être logiquement compensé.

Quelle logique de croissance externe pour Star Alliance ?

On va parler ici de croissance externe, pas de croissance organique.

La croissance organique c’est lorsqu’une compagnie membre en rachète une non membre et la fait, en toute logique, changer d’alliance. Ca serait par exemple le cas si Lufthansa rachetait finalement ITA ou si Air France mettait la main sur TAP.

La croissance externe c’est lorsque l’alliance recrute une compagnie en dehors de toute opération capitalistique.

On peut identifier deux directions pour Star Alliance, l’un n’empêchant pas l’autre d’ailleurs.

Tout d’abord remplacer Asiana avec la préoccupation de maintenir la couverture géographique de son réseau, ce qui suppose de trouver un nouveau membre en Asie.

Ou alors recruter une ou plusieurs compagnies sans préférence géographique, pourvu que ça lèse pas une compagnie membre pour des raisons de concurrence sur un même marché.

Remplacer Asiana avec une logique géographique

Le premier réflexe serait de penser que Star Alliance va se trouver un nouvel allié en Asie, si possible dans la zone géographique d’Asiana. Ce qui serait très compliqué, voire impossible.

Regardons donc la couverture géographique de l’alliance.

Source : SAS

On voit bien que Star Alliance est déjà très présente en Asie ce qui, paradoxalement, limite les possibilités. Quand on est dominant sur une zone géographique il est en effet plus dur que progresser. Il n’y a quasiment aucune compagnie « intéressante » à attirer dans la région.

Korean ? Ils sont chez Skyteam et viennent justement d’acheter Asiana.

Cathay Pacific ? Déjà elle n’a aucune raison de quitter OneWorld, ensuite dans le contexte actuel Hong-Kong ne sera certainement pas la plateforme rayonnante qu’elle a été avant longtemps, si elle le redevient un jour.

JAL ? Mariée à vie avec OneWorld. Et Star Alliance a déjà ANA au Japon.

Une compagnie Chinoise ? Déjà ils ont Air China mais vu la taille du marché pourquoi pas. Mais le contexte est encore pire qu’à Hong Kong dans un pays englué dans sa politique zéro-COVID et ne risque pas de redevenir une plateforme attractive avant longtemps. Il y avait bien China Southern qui avait quitté Skyteam mais elle est en pourparlers avancés avec OneWorld.

Vietnam Airlines ? On ne voit pas quel intérêt elle aurait à quitter Skyteam d’autant plus que ses liens privilégiés avec la France, donc avec Air France, pèsent.

Malaysia Airlines ? Il faudrait déjà que la compagnie rassure sur son propre sort. Aujourd’hui sa santé est plus que fragile et on ne la voit changer d’alliance que dans le cadre d’un rachat. Par Singapore Airlines ?

Garuda Indonesia ? Trop excentrée pour apporter un hub vraiment intéressant et une compagnie dont la santé et le management ne cessent d’inquiéter. L’Alitalia Asiatique. Difficile de les imaginer quitter Skyteam.

Ou alors aller faire un pari sur l’avenir avec une « startup Airline ». Starlux qui n’est membre d’aucune alliance ? Aujourd’hui il s’agit d’une boutique airline au réseau principalement régional, elle n’a que 14 appareils et va juste commencer à se lancer sur le long courier. Ce serait donc un pari à très long terme. En plus c’est une compagnie taiwanaise, or Star Alliance compte déjà EVA Air comme membre. Hautement improbable.

La vérité est que Star Alliance est déjà largement fournie en termes de partenaires Asie et offre déjà un nombre de hubs de correspondance impressionnant donc il lui sera vraiment difficile de faire mieux.

Recruter des partenaires dans une autre zone géographique

Si les opportunités en Asie sont faibles, regardons donc ailleurs.

L’Amérique du Nord ? Difficile. Aux USA le secteur est déjà consolidé, United est chez Star Alliance, American Airlines chez OneWorld et Delta chez Skyteam. Les autres acteurs n’ont pas le profil pour rejoindre une alliance et ça n’est même pas leur intérêt.

Et au Canada Air Canada est déjà chez Star Alliance.

L’Amérique du Sud. Difficile d’y trouver des partenaires fiables et ils ont déjà Copa et Avianca.

L’Europe. Star Alliance y est déjà archi dominante et si, en plus Lufthansa arrive à racheter Alitalia voire TAP pour l’empêcher de tomber dans le giron d’Air France-KLM sa marge de manoeuvre y est faible. Ou alors ce sera une croissance organique au travers de Lufthansa et du rachat d’acteurs régionaux.

L’Afrique ? Région compliquée, les partenaires fiables y sont rares et Star Alliance compte déjà Ethiopian, South African Airways et EgyptAir dans ses membres.

L’Océanie ? Peu intéressant car c’est une destination de « bout de ligne ». Et puis le choix est maigre. Air New Zealand est déjà chez Star Alliance, Qantas chez OneWorld. Une compagnie régionale comme Virgin Australia peut être ?

Le Golfe et le Moyen Orient ? C’est là qu’il faut peut être regarder car c’est peut être le trou dans le réseau de Star Alliance. Skyteam a Saudia (d’accord ça n’est pas un « game changer ») mais, surtout, OneWorld a Qatar Airways et bientôt Oman Air.

Alors on ne peut pas dire que Star Alliance soit totalement démunie dans la région vu qu’elle dispose de Turkish Airlines, la compagnie qui dessert le plus de pays au monde et qui dispose de plus d’un superbe Hub largement dimensionné pour l’avenir à Istanbul. D’accord ça n’est pas exactement le Golfe mais en termes de Hub ça fonctionne aussi bien.

Mais le Golfe comporte deux compagnies « non alignées » : Emirates et Etihad.

Une présence dans le Golfe pour Star Alliance ?

C’est donc principalement ces deux compagnies que les rumeurs ont concerné.

Emirates ? C’est la compagnie non alignée que toute alliance rêve d’accueillir. Mais les chances que cela arrive sont pratiquement nulles. Emirates a récemment signé un accord de codeshare avec United et cela a ouvert la porte à toutes les rumeurs possibles.

Mais cela ne veut absolument rien dire. Déjà l’accord entre les deux compagnies est des plus modestes et Emirates a de nombreux partenariats avec des compagnies en dehors de toute alliance. Ensuite ça a toujours été la stratégie de la compagnie de rester profondément indépendante et de recourir aux partenariats de manière tactique lorsque nécessaire. Et vu le caractère de son CEO, Tim Clark, on ne le voit pas se plier aux règles et contraintes d’une Alliance qu’il ne dirigerait pas.

Etihad ? Ca serait une bonne prise. Ou plutôt ça l’aurait été. La compagnie est aujourd’hui sur le déclin et a perdu de son lustre passé, a tel point qu’on a longtemps pensé que la seule issue pour elle était un mariage avec Emirates. Idée vigoureusement démentie par la direction de la compagnie qui l’a considérée comme « clownesque ».

Voir Etihad rejoindre Star Alliance n’est pas probable mais c’est la moins improbable des options dans le Golfe et peut être que cela l’aiderait même à retrouver le chemin d’une croissance forte. Et c’est une rumeur récurrente qui existe depuis plusieurs années…mais qui ne s’est jamais concrétisée. Alors il ne faut jamais dire jamais, ça serait une belle prise pour Star Alliance mais nous avons des doutes.

Conclusion

Trouver un nouveau partenaire sera compliqué pour Star Alliance, que ce soit pour croitre ou juste remplacer Asiana. Son potentiel d’expansion est par définition limité dans les régions où elle est solidement implantée et les options crédibles sont rares ailleurs, notamment dans le Golfe où Etihad serait la moins improbable des possibilités.

Mais cela traduit une situation qui ne lui est pas propre : la situation semble figée sur le front des grandes alliances aériennes, en tout cas à moyen terme. Si gros mouvement il doit y avoir il sera le fruit d’un rachat par une compagnie membre, pas d’une adhésion spontanée.

Image : A319 Lufthansa en livrée Star Alliance de Roberto Chiartano via Shutterstock

Bertrand Duperrin
Bertrand Duperrinhttp://www.duperrin.com
Voyageur compulsif, présent dans la communauté #avgeek française depuis la fin des années 2000 et passionné de (longs) voyage depuis sa jeunesse, Bertrand Duperrin a cofondé Travel Guys avec Olivier Delestre en mars 2015. On peut le retrouver aussi aussi sur http://www.duperrin.com où il parle depuis plus de 10 ans de la transformation digitale des organisations, son métier quand il est au sol.
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