Le 8 octobre dernier, Etihad annonçait la création d’une nouvelle alliance, Etihad Airways Partners.
Fruit de ses prises de participations récentes, la compagnie basée à Abu Dhabi donne un visage marketing a ses actions capitalistiques.
Une alliance regroupant les compagnies contrôlées par Etihad
Etihad ne crée pas réellement la surprise. L’alliance créée par Etihad regroupe donc 6 compagnies pour le moment : airberlin, Air Serbia, Air Seychelles, Jet Airways, Darwin Airline, et Etihad Airways.
Ces compagnies sont de tailles très différentes et avec une clientèle assez hétéroclite.
Mis à part airberlin qui fait partie de oneworld, aucune autre de ces compagnies ne fait partie d’une alliance actuellement, et leurs passagers doivent souvent utiliser un autre programme de fidélité pour atteindre la totalité des destinations. Cette nouvelle alliance apporte donc de nombreux bénéfices aux passagers de ces compagnies, qui profiteront d’avantages communs dans tout le réseau d’Etihad Airways Partners.
Un positionnement unique dans le Golfe
Pour se différentier, les compagnies du Golfe mènent toutes des stratégies uniques. Même si le positionnement Premium est commun à toutes, chacune des compagnies à vocation à se développer diferemment.
- Ainsi, Qatar Airways a fait le choix d’entrer dans une alliance établie, oneworld. Si cela n’a pas d’effet théorique sur son développement intrinsèque, l’intégration à une alliance lui permet d’élargir sa clientèle sur les destinations de son réseau actuel, et d’attirer une clientèle haute contribution sensible aux avantages liés au programme de fidélisation.
- Emirates, eux, restent sur leur position de croissance intrinsèque forte, quasi-explosive, et des partenariats au coup par coup, sauf avec Qantas, mais sans prise de participation capitalistique. La puissance du hub de Dubaï étant leur plus gros atout. Mais l’attitude arrogante des dirigeants des filiales locales vis-à-vis de la concurrence et le dumping incroyable sur les prix, y compris dans les classes Premium jette le doute sur la crédibilité à long terme du modèle économique de la compagnie.
- Etihad, la petite dernière et qui était plutôt discrète jusqu’alors, la joue finaude… En grignotant le capital de compagnies en difficulté, et en travaillant à la fois sur la structure de coût (rationalisation du réseau, mutualisation des achats entre ces compagnies) et sur le produit (Amélioration sensible du produit proposé) est en train de se payer une belle part du gâteau, souvent aidée par les états qui voient en Etihad le sauveur de leur compagnie nationale…
La création de l’alliance d’Etihad n’est que la matérialisation marketing de leur stratégie Business, ce qui permet d’ajouter, à l’amélioration de la rentabilité de ces prises de participation, un bénéfice pour le voyageur qui le fidélisera dans ces compagnies.
Un bouleversement des alliances ?
Une belle amitité qui s’effrite dans les 3 alliances historiques
La question du bouleversement des alliances déjà en place, Star Alliance, oneworld et SkyTeam se pose donc. Ces trois alliances, construites dans les années 90, regroupent la quasi-totalité des grandes compagnies historiques, et ont été généralement bâties autour de compagnies formant leur noyau (United et Lufthansa pour Star Alliance, British Airways et American Airlines pour oneworld et Air France-KLM et Delta pour SkyTeam). Ces alliances ont ainsi grossi pour atteindre chacune une vingtaine de compagnies aujourd’hui.
Or, depuis quelques années, des tensions entre compagnies membres de la même alliance sont apparues :
- Chez Star Alliance, on note la difficulté de Singapore Airlines à appliquer les bénéfices normalement attribués aux voyageurs fréquents, ou le récent clash très violent entre Lufthansa et Turkish Airlines
- Chez oneworld, on note les vives tensions actuelles depuis le partenariat étendu de Qantas avec Emirates
- Chez SkyTeam, on note le clash lui aussi très violent entre Delta et Korean, ou la volonté de Delta de ne pas attribuer de miles aux vols sur Saudia
La nouvelle alliance créée par Etihad vient donc rajouter de l’huile sur le feu. Deux alliances sont concernées : oneworld pour airberlin, qui fait d’ores et déjà partie d’Etihad Airlines Partners ; SkyTeam pour Alitalia, qui, certes, ne fait pas encore partie de la nouvelle alliance mais dont Etihad détient 49% des parts et qui n’a aucune raison de ne pas la rejoindre a priori.
Une compagnie peut-elle faire partie de deux alliances en même temps ?
A cette question, je répondrais que cela dépend de la forme de l’alliance. Par exemple, les liens entre Emirates et Qantas ne sont pas incompatibles avec la participation de cette dernière dans oneworld, car les liens sont bilatéraux. D’ailleurs, de nombreuses compagnies ont des vols en code share avec des compagnies d’une autre alliance que la leur.
D’ailleurs, les prises de participation capitalistiques d’Etihad n’étaient commercialement pas particulièrement gênantes. Mais désormais, le fait qu’une véritable alliance marketing existe avec des attributs similaires aux 3 alliances en place (alignement des programmes de fidélité, harmonisation des produits au sol, etc.) ne permet pas une multi-appartenance. Ainsi, à moyen-terme, airberlin devra quitter oneworld, et Alitalia choisir dans quelle alliance rester. Et c’est bien là tout le dilemme : les 3 alliances ont une force de frappe puissante et un réseau énorme. Etihad n’a pas encore, dans son giron, de compagnie suffisamment grande pour atteindre toutes les régions du monde, et de façon fine.
En conclusion, Etihad est bien en train de bouleverser le paysage du transport aérien mondial. Mais cette révolution prendra du temps. Les alliances vont subsister, à moyen terme, mais leur forme changera. Les prochains mois nous diront quel est le succès commercial de ces alliances…