Interdiction des AirTags chez Lufthansa ? La vraie histoire.

C’est l’information qui a le plus fait parler d’elle dans la communauté des voyageurs ces derniers jours : Lufthansa a décidé d’interdire les Airtags dans les bagages en soute ! Enfin peut être ou peut être pas tant la communication de la compagnie sur le sujet manque de clarté.

Dans cet article nous allons revenir sur cette annonce, ses justifications et, surtout, le problème profond que cela cache.

Lufthansa interdit les AirTags pour raison de sécurité

La rumeur a démarré en fin de semaine dernière et a été confirmée par Lufthansa sur Twitter : les Airtags et autres traceurs de bagages ne sont plus les bienvenus en soute pour des raisons de sécurité.

La motivation est assez simple : ce sont des objects contenant des batteries au lithium et émettant des signaux, ils doivent donc être débranchés en soute. Des Airtags oui mais sans leur batterie. Autant dire que cela enlève tout intérêt à l’objet.

Lufthansa n’invente et ne fait en fait qu’appliquer la réglementation existante, chose qu’elle serait bien la seule à faire par rapport aux traceurs mais peu importe : elle en a le droit et les plus exigeants en matière de sécurité diraient même qu’elle en a l’obligation.

En effet la « Dangerous Goods Regulation » de l’IATA, un imposant document qui détaille de manière précise ce qui peut ou ne peut pas être emporté à bord et sous quelles conditions prévoit précisément de genre de cas. C’est dans la section « Hidden Dangerous Goods » qui mentionne spécifiquement le cas des batteries au lithium actives.

D’aucuns vous diront que vu la taille de pile, sa faible contenance en Lithium et le peu d’énergie qu’elle utilise c’est une mesure totalement disproportionnée pour un AirTag mais, sur le fond, l’IATA interdit effectivement des appareils tels que les AirTags en soute et Lufthansa ne fait qu’appliquer la réglementation.

A l’inverse la TSA, elle, dit que les AirTags sont autorisés en soute et en cabine.

Qui a raison ? Probablement les deux. Il y a la loi et l’esprit de la loi, l’IATA dit une chose, la TSA qui n’est pas connue pour son laxisme l’interprète à sa manière mais une autre autorité, dans un autre pays, pourrait également avoir sa propre lecture du sujet. Et au final la compagnie met ce qu’elle veut dans ses conditions de transport.

Une mesure inapplicable ?

Pour beaucoup cette mesure est d’autant plus stupide qu’elle est quasi impossible à appliquer. Comment savoir qu’un bagage contient un AirTag ?

Tout d’abord ces appareils ne font l’objet d’aucune recherche spécifique lors du contrôle de sécurité des bagages. Poser la question aux passagers lors de l’enregistrement ? Ils diront bien sûr que leur valise ne contient pas de AirTag. Et cela pose encore un problème plus vaste : quelle proportion des bagages transportés par Lufthansa sont enregistrés par Lufthansa ? Pensez à tous les vols en correspondance où les bagages ont été enregistrés par une compagnie partenaire et souvent même pas par du personnel de la compagnie.

C’est d’ailleurs le sentiment qui a prévalu dans l’opinion publique suite à la décision de la compagnie : non seulement c’est stupide mais en plus c’est inapplicable.

De notre point vue ça n’est pas forcément stupide car c’est une application de la réglementation, même si c’est une application rigide, mais c’est bel et bien inapplicable. Donc un peu stupide ? En tout cas vu le bruit généré il semble bien que la compagnie se soit rendu compte qu’elle avait ouvert une boite de Pandore dont elle se serait bien passé.

Que risque le passager qui met un AirTag dans sa valise ?

On a beau être face à une application tatillonne de la réglementation, Lufthansa n’en est pas moins autorisée à décider de ce qui peut ou ne peut pas aller en soute et peut même aller, si elle le désire, plus loin que la réglementation.

Partant du célèbre principe qu’on ne risque rien tant qu’on ne se fait pas prendre, le passager qui contreviendrait à cette règle ne risquerait absolument rien sauf si la compagnie venait à se rendre compte que son bagage est équipé d’un traceur, AirTag ou autre.

Par exemple en scannant avec un appareil Bluetooth le contenu des soutes, enlevant les bagages concernés et, dans ce cas, faisant payer une pénalité aux passagers concernés pour avoir mis le vol en retard ? Pourquoi pas !

Si jamais un AirTag venait à être impliqué dans un feu de soute ? Certainement.

Que risque le passager ? Cela irait de sévères pénalités au refus d’embarquer voire être blacklisté par la compagnie dans le futur.

Disproportionné ? On peut le penser. Possible ? Oui. Probable ? Certainement pas mais chacun est libre de décider de jouer avec les règles ou pas.

Lufthansa change sa position vis à vis des AirTags

Il n’a pas fallu longtemps pour que Lufthansa précise sa position en changeant radicalement d’approche. Mardi un porte parole de Lufthansa déclarait que la compagnie était « en contact étroit avec les autorités compétentes pour trouver une solution dans les plus brefs délais » puis que « Le groupe Lufthansa a procédé à sa propre évaluation des risques, à la suite de laquelle les dispositifs de suivi dotés d’une batterie et d’une puissance de transmission très faibles dans les bagages enregistrés ne présentent pas de risque pour la sécurité. » […] »Nous n’avons jamais interdit ces dispositifs. Les autorités devraient adapter les règles qui limitent actuellement l’utilisation de ces dispositifs pour les passagers aériens dans les bagages enregistrés. »

Pour dire les choses autrement Lufthansa a bien voulu interdire les AirTags, a trouvé un motif légal pour le faire et vu le tollé que cela a suscité a fait machine arrière mais vu les justifications qu’ils avaient donné ils avaient besoin d’un peu d’aide pour s’en sortir sans être ridicules.

Ce qui nous amène donc à la vraie question : pourquoi Lufthansa a voulu interdire les AirTags en soute ?

L’interdiction du AirTag : une excellente diversion mais pas une solution au problème

Vous n’êtes pas sans savoir deux choses. La première est que ces derniers mois retards et annulations de vols et les pertes de bagages ont été nombreuses, notamment en Europe. La seconde est que les histoires de personnes qui ont retrouvé un bagage égaré grâce à un AirTag sont très nombreuses. Ceci expliquant cela, le nombre de passagers qui s’est mis à mettre des AirTags dans leurs valises a explosé.

Causant un accroissement des risques pesant sur la sécurité des vols ? Pas du tout. Mettant les compagnies dans l’embarras face à leurs manquements et ceux de leurs prestataires ? Totalement.

Du jour au lendemain de nombreux passagers ont commencé à s’inquiéter que leur bagage ne soit pas en soute alors que l’avion allait partir. Cela peut amener à interrompre la procédure de départ, cela sur-sollicite les équipages (et parfois à tort) et on peut comprendre que les compagnies veulent juste s’acheter de la tranquillité. Le bagage sera peut être égaré mais ils n’auront pas 10 passagers qui vont harceler l’équipage avant même le départ du vol.

C’est ce que j’appelle le syndrome FlightRadar24. Il m’est personnellement arrivé de nombreuses fois de suivre sur cette application très pratique le trajet de l’avion en vol vers mon point de départ et que j’allais prendre ensuite. Et quand par exemple mon vol doit partir de Barcelone à 15h00 et qu’il ne quitte Paris qu’à 14h15 je sais qu’il sera en retard.

Là où la chose commence à devenir amusante ou problématique selon le point de vue qu’on prend c’est lorsque les passagers vont s’adresser au personne à la porte d’embarquement.

  • « le vol va être en retard, que fait on pour ma correspondance, savez vous quand nous allons partir ».
  • « calmez vous il n’y a pas de retard et le vol est toujours prévu à l’heure ».

A ce moment le passager a l’impression qu’on le prend pour un imbécile et l’agent est le dos au mur car non seulement il n’a pas de réponse à donner mais il n’a pas à ce moment d’information de la compagnie lui disant que le vol entrant est en retard et encore moins à quelle heure l’autre vol partira.

Le problème n’est pas le AirTag ou FlightRadar24 ! C’est le fait que le passager puisse avoir des informations avant le personnel de la compagnie et que cela crée inévitablement des tensions.

Si vous voulez un excellent exemple vécu, lisez ma mésaventure avec TAP quand j’étais le seul à savoir où était ma valise et que par manque d’information du personnel elle a fini par être finalement volée à l’aéroport alors que j’étais seul à savoir qu’elle avait été ramenée à Paris.

Mais la solution, à notre avis n’est pas d’interdire l’usage de certaines technologies aux passagers mais de donner au personnel à bord et au sol le même niveau d’information, au même moment et de les former à réagir.

Conclusion

Lufthansa a voulu interdire les AirTags dans les bagages en soute pour s’éviter des situations conflictuelles avec les passagers. Vu le tollé que cela a provoqué elle s’est empressée de faire machine arrière mais vu qu’elle a invoqué un motif réglementaire il lui faut maintenant justifier que finalement on peut ne pas appliquer les règles de l’IATA à la lettre.

En attendant cela ne suffit pas à masquer le vrai problème : le passager est souvent mieux informé et plus tôt que les agents à qui il a affaire et c’est cela qui dérange vraiment les compagnies.

Et Lufthansa a involontairement généré un bad buzz dont elle aurait pu se passer.

Photo: drapeau Lufthansa de Wirestock Creators via Shutterstock

Bertrand Duperrin
Bertrand Duperrinhttp://www.duperrin.com
Voyageur compulsif, présent dans la communauté #avgeek française depuis la fin des années 2000 et passionné de (longs) voyage depuis sa jeunesse, Bertrand Duperrin a cofondé Travel Guys avec Olivier Delestre en mars 2015. On peut le retrouver aussi aussi sur http://www.duperrin.com où il parle depuis plus de 10 ans de la transformation digitale des organisations, son métier quand il est au sol.
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