Ouverture de ligne et nouveaux avions : 48h avec l'ambitieuse Aircalin

On peut être une petite compagnie et ne pas manquer d’ambition et savoir oser, tenter des choses et faire des paris. C’est le cas d’Aircalin que nous avons pu suivre pendant 48h la semaine dernière à l’occasion de deux événements majeurs : l’ouverture d’une nouvelle ligne et l’annonce d’une commande d’avions auprès d’Airbus. Un beau dynamisme pour la compagnie qui a fêté ses 40 ans l’année dernière.

Voici donc un condensé de ces 48h avec l’histoire derrière l’histoire.

Une réponse à la crise du tourisme néo-calédonien

Les émeutes qu’a connu la collectivité d’outre mer au début de l’année ont eu un impact majeur sur le tourisme de l’île. Alors que l’activité touristique était revenue à 96% de son niveau pré-pandémique elles ont mis un coup d’arrêt à cette reprise avec une chute de 50 % des arrivées touristiques, baisse de 40 % des réservations prévues sur la période mai-juillet 2024 et des hôtels et restaurants qui ont connu une perte de chiffre d’affaires allant jusqu’à 70 % dans les zones touristique.

Des chiffres qu’a confirmé Georges Selefen, directeur général d’Aircalin : la compagnie enregistré une baisse de 54% de son traffic passager ce qui a d’ailleurs entrainé des mesures de chômage partiel.

AirCalin a donc du se mobiliser sur deux fronts : faire revenir les touristes en Nouvelle Calédonie et restaurer sa propre rentabilité.

C’est à quoi répond le lancement d’une route entre Nouméa et Paris via Bangkok : faciliter les voyages entre la France, première pourvoyeuse de touristes et la Nouvelle Calédonie et prendre 100% du revenu sur cette ligne.

En effet, jusqu’à présent, Aircalin opérait des liaisons vers l’Asie d’où des partenaires comme Air France et Japan Airlines emmenaient ses passagers vers la France, partageant donc le revenu. En opérant cette ligne de bout en bout en direct avec une courte escale à Bangkok non seulement la compagnie propose le temps de trajet le plus court entre Nouméa et Paris (environ 10h jusqu’à Bangkok, 2h d’escale puis 12h de vols jusqu’à Paris) et elle capte 100% du revenu de ce vol très rémunérateur.

Le choix de Bangkok est également un choix judicieux. Le yield y est certainement plus faible que sur Singapour qu’elle dessert également mais il est plus simple de vendre à une clientèle loisir des vols vers Bangkok même si l’objectif est tout de même qu’un maximum de passagers fassent le trajet de bout en bout. En tout cas la participation de l’office de Tourisme de Thailande lors de l’inauguration montre bien l’intérêt que toutes les parties prenantes portent à cette ligne.

Ce qui est remarquable c’est qu’entre la décision et l’inauguration de la ligne il ne s’est passé que 6 mois ce qui visiblement à même surpris des gens au sein même de la compagnie. La compagnie a ainsi su faire de sa modeste taille un avantage grâce à sa capacité à décider et exécuter vite, un peu comme une startup.

Mais il faut dire que l’enjeu est de taille pour elle. Elle opère aujourd’hui une flotte de 4 appareils (2 A330 Neo et 2 A320 Neo) ce qui veut dire que cette ligne va monopoliser 25% de sa flotte et 50% de sa flotte long courrier.

L’inauguration du Nouméa-Bangkok-Paris

Nous avions donc rendez vous le 11 décembre pour l’inauguration de ce vol.

Les passagers sont déjà massés et on sent une certaine excitation pour cette grande première.

Quelques minutes plus tard nous passons les contrôles de police et de sécurité sous escorte pour rejoindre le hall d’embarquement du terminal 2C de Roissy d’où opérera Aircalin et quelques temps après l’A330 Neo montre le bout de son nez.

C’est toujours agréable de voir une nouvelle livrée arriver à Roissy, surtout quand elle est aussi belle que celle de la compagnie Néo Calédonienne.

Retour dans le terminal pour les habituels discours et quelques animations qui mettront en avant danses et chants néo calédoniens puis thaïlandais.

Mais la livrée d’Aircalin n’était pas la seule star de la soirée.

Nous avons ensuite été conviés par Carole Bednarek la Directrice France & Europe d’Aircalin à visiter la cabine de cet A330 Neo.

La cabine de l’A330 Neo d’Air Calin

Voir l’appareil au sol c’est bien mais pour totalement satisfaire notre curiosité une visite de la cabine s’imposait, à défaut de pouvoir tester le service en vol.

On commence par la cabine economy configurée en 2-4-2.

La premium economy en 2-3-2.

Vient enfin la business class en 1-2-1.

Chez Aircalin elle se nomme Hibiscus et je l’ai trouvée assez jolie et « cosy » avec des rondeurs du plus bel effet.

Elle est en configuration « staggered » avec un rang sur deux où le siège est collé à l’allée et l’autre où il est plus isolé.

L’appareil étant prêt pour un embarquement imminent on ne pourra bien sur pas tester le siège en position lit.

Mais c’est encore mieux en vidéo grâce à Sophie, notre aviation geekette nationale.

C’est donc cet appareil qui embarque 244 sièges en economy, 21 en premium et 26 en business qui opérera cette ligne, à raison de deux fréquences par semaine, au moins dans un premier temps.

Car en effet nous avions rendez vous le lendemain pour parler de l’évolution future de la flotte d’Aircalin.

Aircalin commande deux Airbus A350 à Airbus

C’est donc au restaurant les Ombres du musée du quai Branly qu’Aircalin et Airbus nous avaient donné rendez vous le lendemain.

Pour accompagner son développement sur l’hyper long courrier la compagnie a voulu se doter d’appareils encore plus efficaces et économiques, d’où la commande de 2 Airbus A350-900. Deux appareils c’est peut être un détail pour vous mais pour eux ça veut dire beaucoup vu la taille de leur flotte.

Là encore une décision et une négociation qui se sont passées très rapidement quant il a été décidé d’ouvrir la route vers Paris.

L’aménagement de la cabine est en cours de discussion mais on sait d’ores et déjà qu’elle sera aménagée en 3 classes pour environs 325 places.

Autre tour de force, quand on connait le backlog d’Airbus (8600 appareils) et les délais de livraison qui vont avec, Aircalin a réussi à obtenir un slot de livraison fin 2026 et un courant 2028. Enfin si tout va bien.

Un de ces appareils viendra agrandir la flotte alors que le second remplacera un des A330 qui sera alors revendu (Aircalin achète ses appareils, ce qui vaut aussi pour les A350, donc elle en est propriétaire contrairement à beaucoup de compagnies qui les louent).

A terme la compagnie envisage de passer à 3 voire 4 fréquences par semaine vers Paris. Quant à savoir si une desserte sans escale est envisagée un jour la compagnie a rappelé que les A350-900 n’avaient pas l’autonomie pour le faire ce à quoi Airbus a malicieusement répondu qu’ils travaillaient sur une version de l’A350-1000 adaptée au Projet Sunrise de Qantas et qu’ils seraient ravis d’aider Aircalin dans cette perspective le moment venu.

Conclusion

Malgré sa petite taille et l’humilité qui va avec, Aircalin fait preuve d’un vrai dynamisme et a pris le problème de la crise du tourisme néo-calédonien à bras le corps, quasiment en le transformant en opportunité.

Cela fait donc une nouvelle compagnie à Roissy, une nouvelle route avec de plus le meilleur horaire à notre avis vers Bangkok par rapport à l’offre actuelle et au final une route qu’il nous tarde d’emprunter.

Finalement l’histoire ne fait que trois perdants : Air France et Japan Airlines qui vont perdre une partie du traffic que leur apportait Aircalin et Japon qui perd une liaison directe avec la Nouvelle Calédonie.