Vous avez sûrement déjà entendu parler des fameux « slots » de décollage dans la aéroports, ne serait-ce qu’au moment de la disparition d’Aigle Azur ou de XL Airways où le seul intérêt des repreneurs potentiels était justement de mettre la main sur ces fameux slots.
Derrière ce qui ne ressemble qu’à un créneau pour faire partir un avion se cachent des enjeux de compétitivité, de gros sous voire parfois de protectionnisme.
- Qu’est ce qu’un slot de décollage ?
- Qui attribue les slots ?
- Quels sont les critères d’attribution d’un slot ?
- Echange et vente de slots
- Les slots, une denrée rare
- Quel est l’impact économique d’un slot
Qu’est ce qu’un slot ?
Un slot (ou créneau) horaire est l’autorisation qu’une compagnie aérienne a de faire décoller ou atterrir un avion à une heure donnée depuis ou dans un aéroport donné.
Quand on parle de slot c’est en général au slot de décollage qu’on fait référence même si il en existe d’autres types (slots pétroliers, des slots de catering et des slots de maintenance) qui ont toute leur importance également.
Qui attribue les slots ?
Un slot est attribué pour une saison aéronautique. Il y a deux saisons aéronautiques (également appelées saisons IATA :
- Hiver (5 mois), du dernier dimanche d’octobre au dernier samedi de mars.
- Été (7 mois), du dernier dimanche de mars au dernier samedi d’octobre.
Dans chaque pays les slots sont attribués par un coordinateur (en France la COHOR, association pour la coordination des horaires, qui regroupe les compagnies et aéroports les plus importants). Deux fois par an, au début de chaque saison pour la saison suivante, les compagnies et coordinateurs de la planète se retrouvent pour organiser un grand marché du créneau (logique puisqu’un vol implique un aéroport de départ et d’arrivée).
Quels sont les critères d’attribution des slots
Les slots sont attribués en fonction de différents critères.
Les droits historiques
En vertu de la règle dite du « droit du grand père » une compagnie conserve ses slots d’une saison sur l’autre à condition d’en avoir utilisé 80% d’entre eux. Pourquoi 80% ? Pour se donner une marge de sécurité afin de faire face aux annulations de vols pour grève, incidents techniques, phénomènes météorologiques etc.
L’attribution des créneaux disponibles
Il peut rester des créneaux disponibles soit parce qu’il n’y a pas assez de demande, parce qu’une compagnie a perdu ses slots, fait faillite, ne redemande pas la reconduction de tous ses slots ou parce que la capacité d’un aéroport a été augmentée.
Dans ce cas les slots disponibles sont attribués pour moitié aux compagnies présentes sur l’aéroport et pour moitié à de « nouveaux entrants » (compagnies ayant moins de 5% des slots de l’aéroport).
En France l’Etat peut décider de préempter 20% des slots pour les dédier à des liaisons régionales.
Echange et vente de slots
En cas de besoin des compagnies peuvent s’échanger des slots. Dans l’Union Européenne ces échanges doivent s’opérer sans contrepartie financière car on considère le slot comme un « bien commun » de la compagnie est utilisatrice mais pas propriétaires. Dans la pratique les échanges de slot « payants » sont monnaie courante au Royaume-Uni sans que l’UE n’ait prononcé la moindre sanction. Mais il se peut que cela change rapidement car l’UE a la volonté de libéraliser et monétiser les échanges de slots.
Un slot à Heathrow peut se vendre jusqu’à 40 millions de livres (ils se vendent logiquement par paire car à quoi bon faire poser un appareil si on ne peut pas le faire redécoller).
Air France y a ainsi vendu une paire de slots à Oman Air pour $75M en 2016, SAS $60M à American Airlines peu de temps avant. Plus près de nous Easyjet a racheté 18 paires de Thomas Cook à Gatwick et et 7 à Bristol pour 36M£
Easyjet a en effet racheté dix-huit paires de créneaux quotidiens de la défunte Thomas Cook Airlines à Londres Gatwick et sept à Bristol, pour 36 millions de livres sterling.
Les slots, une denrée rare
Ce qui rend les slots si précieux est leur rareté. En effet leur nombre dépend d’un certain nombre de critères comme la capacité d’accueil de l’aéroport, son nombre de pistes, des contraintes environnementales (bruit pour les riverains qui restreignent les plages de décollage et d’atterrissage).
Ainsi si sur certains aéroports il n’y a aucune difficulté à trouver un slot disponible, l’offre étant inférieure à la demande, sur d’autres aéroports largement saturés c’est l’inverse. Il y a plus de demande que d’offre et le nombre de slots maximum est déjà atteint. Faute de pouvoir créer de nouveaux créneaux il faut se battre pour récupérer les existants ou attendre qu’une compagnie disparaisse ou abandonne un aéroport.
Pour information, à ce jour, le nombre de slots est limité à 250 000 à Orly et
Impact économique des slots
En dehors de leur potentielle valeur patrimoniale, les slots ont une importance vitale pour le business et la performance économique d’une compagnie aérienne.
Déjà parce qu’il y a de les « bons » et les « mauvais » slots. En fonction des créneaux attribués l’horaire d’un vol sera plus ou moins attractif pour les passagers, un avion pourra repartir vite ou sera contraint de rester longtemps au sol sans rapporter d’argent, les correspondances seront plus ou moins difficiles à mettre en place.
Ensuite parce que, sans surprise, le slot peut être un outil de protectionnisme ou de négociation.
Sans que cela soit « officiel » il arrive que le coordinateur favorise sa compagnie nationale pour empêcher la concurrence de se développer au départ d’un aéroport donné. A l’inverse ils sont aussi une puissante monnaie d’échange et il a été reproché aux pouvoirs publics français d’avoir négocié des slots sur Roissy au profit d’Emirates contre des commandes d’A380. Dans ce cas précis d’ailleurs on a d’un côté Air France qui voulait limiter à l’accès à son marché aux compagnies du Golfe alors que l’Etat, lui, était prêt à (presque) tout pour sauver le programme A380.
Pour éviter tout soupçon de favoritisme l’aéroport de La Guardia à New York a, au début des années 2000, dû organiser une loterie pour attribuer ses slots.
Dernier point, et justement pour des raisons de concurrence, il arrive que la fusion entre deux compagnies ne soit validée par les autorités que si elles renoncent à certains slots du fait de leur position dominante qui leur permet de verrouiller l’accès à un aéroport.
La fusion entre Japan Airlines et Japan Air System en 2004 n’a ainsi abouti que parce que les compagnies en question on « rendu » à la concurrence des slots à Tokyo Haneda. Et il y a fort à parier qu’Iberia et Air Europa doivent en faire de même à Madrid prochainement pour que le rachat de la deuxième par la première soit validé.
A l’inverse le système d’attribution de slots peut amener à des décisions contre-productives de la part des compagnies qui, pour ne pas perdre des slots par manque d’utilisation, font voler des avions quasi-vides et non rentables ou ouvrent des liaisons sans grande raison d’être, simplement pour ne pas pas perdre de précieux slots.
Photo : Avion au décollage, de Kichigin via Shutterstock