Premier pas d’une d’une démarche plus globale visant à préserver une partie du patrimoine français voire à sauver un chef d’oeuvre en péril, l’État vient de classer au patrimoine culturel immatériel français « les pratiques sociales et culturelles dans les bistrots et cafés en France ».
Il y a quelques jours nous parlions du caractère unique des bistros français en raison notamment de leur atmosphère et de leur culture si spéciale mais également de leur situation préoccupante. En effet ils étaient 500 000 en 1900, 400 000 après la seconde guerre mondiale, et moins de 40 000 en 2024.
La mort lente des cafés et bistros en France
A quoi attribuer ce déclin ? A pleins de petites choses qui sont venues se télescoper.
Il y a d’abord une évolution des modes de consommation : Les habitudes alimentaires changent, avec une préférence accrue pour les repas rapides ou à emporter, en particulier dans les grandes villes. Les fast-foods et la restauration rapide, plus abordables et souvent plus rapides, attirent une clientèle plus jeune.
Ces nouveaux modes de consommation créent donc une concurrence accrue. Ces établissements, avec des offres souvent plus diversifiées ou « branchées », captent une part importante de la clientèle.
La pression économique n’y est pas étrangère non plus : Les bistros subissent une forte pression en raison des coûts élevés, notamment des loyers, des taxes et des charges. Les marges sont particulièrement minces, et beaucoup ont du mal à suivre le rythme des augmentations de prix nécessaires pour maintenir leur rentabilité. De plus, le coût de la main-d’œuvre et le manque de personnel qualifié dans la restauration compliquent leur fonctionnement.
Il ne faut pas non plus oublier l’évolution des goûts et des styles de vie : La montée de la prise de conscience autour de la santé et de la nutrition influence également ce déclin. Les bistros, souvent associés à une cuisine riche et copieuse, ne correspondent plus toujours aux attentes d’une clientèle soucieuse de son alimentation. Une idée reçue difficile à combattre alors que beaucoup de bistros sont engagés dans une démarche de cuisine faite maison plus saine.
Il y a également un manque de renouvellement de la clientèle. Les habitués des bistros vieillissent, et les jeunes générations ne les fréquentent plus autant, attirées par d’autres options plus modernes. La transmission des bistros est difficile, et les héritiers préfèrent souvent vendre ou transformer les établissements.
Et pour finir il y a l’impact des crises, et là il convient d’utiliser le pluriel. Bien sûr tout le monde a en tête la pandémie de COVID-19 a accéléré le déclin, avec des fermetures prolongées qui ont fragilisé économiquement de nombreux bistros. Certains n’ont pas pu rouvrir, d’autres n’ont pas retrouvé leur clientèle d’avant. Mais auparavant il y a eu les gilets jaunes qui ont fait causé de graves dommages au commerce urbain et encore avant cela les attentats de 2015 qui poussé les gens à éviter les lieux de convivialité publics, surtout à Paris.
Pour toutes ces raisons des gens se sont mobilisés pour sensibiliser sur le fait qu’au delà de perdre des établissements on perdait une partie de notre culture et de notre art de vivre ce qui a donné en 2018 la création de l’Association pour la reconnaissance de l’art de vivre dans les bistrots et cafés de France en tant que patrimoine culturel immatériel.
Et si vous vous demandez encore pourquoi il n’y a qu’à regarder cette vidéo qui vaut mille fois mieux que la lecture de cet article.
L’inscription au patrimoine immatériel, une étape indispensable
C’est donc il y a quelques semaines et après des années de combat qu’il a été confirmé que « les pratiques sociales et culturelles dans les bistrots et cafés en France » étaient inscrites au patrimoines immatériel français.
Il faut bien noter que ça ne sont pas les bistrots et cafés qui sont inscrits mais bel et bien les pratiques sociales et culturelles qui y prennent place et qu’ils incarnent. On en revient à ce que nous trouvons unique dans les bistros : leur atmosphère. On peut copier un lieu on ne peut pas copier sa culture.
Cette inscription n’est qu’une bataille car l’objectif du combat est bel et bien leur inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Conclusion
Si jamais je ne devais plus trouver d’Osteria en Italie c’est un peu comme si on enlevait le Colisée ou la tour de Pise ou encore qu’on asséchait les canaux de Venise : c’est un pan de l’histoire et de la culture du pays qui serait perdu.
Pareil pour les bar à tapas espagnols ou les pubs anglais : nul ne ressemble à un bistro français mais tous incarnent un peu la même chose à leur manière dans leur pays.
Il m’arrive souvent de croiser des touristes étrangers, de discuter avec eux, et qu’ils me demandent de leur conseiller « un bistro typique » pour leur diner.
Je n’ai juste pas envie un jour d’avoir à leur dire « ah ça messieurs dames c’est le passé« , un peu comme je leur dirais « La Tour Eiffel ? Mais on l’a démontée l’an dernier« .
Image : bistro français de Alex_Mastro via Shutterstock.