On entend beaucoup que le mouvement de consolidation en cours va totalement changer le paysage du transport aérien en Europe avec un nouvel équilibre des puissances. Dans les faits c’est vrai mais il y a de nombreuses nuances à apporter.
IAG qui achète Air Europa, Lufthansa ITA, Air France qui rentre par surprise au capital de SAS, la bataille pour le rachat de TAP qui va bientôt commencer, le mouvement de consolidation tant attendu dans le ciel européen a bel et bien commencé et n’est pas prêt de s’achever.
Dans ce contexte beaucoup disent que l’issue du rachat de TAP décidera du leadership dans le ciel européen, raison pour laquelle les 3 majors seront en concurrence directe pour un rachat pour la première fois depuis très longtemps.
Pour le vérifier nous avons regardé quelle était la situation aujourd’hui et ce que le devenir de TAP pouvait changer.
Avant d’aller plus loin il est important d’apporter quelques précisions.
1°) nous sommes partis des chiffres de 2022 et selon les dynamiques des compagnies 2023 et a fortiori 2024 peut avoir un tout autre visage.
2°) nous avons additionné les chiffres des compagnies acquéreuses et rachetées et le résultat est à prendre avec précaution. En général on attend d’un rachat des améliorations de la performance de la compagnie rachetée ainsi que des synergies pour qu’au final 1+1 fasse plus que 2. Mais si le rachat est mal géré, 1+1 peut parfois faire moins que 2.
3°) Comparer les chiffres ne veut rien dire sans analyse de la structure et de la complémentarité des réseaux.
4°) Nous avons pris pour acquis qu’ITA rejoignait Lufthansa et Star Alliance, SAS Air France-KLM et Skyteam et Air Europa IAG et OneWorld. Dans les faits les deux premiers sont encore dans l’attente de l’approbation des autorités compétences.
Des chiffres qui sont donc à prendre avec précaution et auxquels il ne faut pas vouloir faire dire ce qu’ils ne disent pas mais qui permettent de cerner certains enjeux.
Quelle est la situation actuelle dans le ciel européen ?
Le Lufthansa group continue à dominer en nombre de passagers transportés, devant IAG et Air France-KLM qui réduit l’écart avec le rachat (potentiel) de SAS. Les écarts sont faibles mais ils existent. Par contre si on regarde le revenu Air France-KLM est devant IAG.
Si l’on regarde le résultat net par contre Air France-KLM et le Lufthansa group sont au coude à coude et les deux voient leurs bénéfices quasiment annulés si on prend en compte les intégrations de SAS et ITA.
Si on regarde les alliances, Star Alliance est très loin devant Skyteam et OneWorld qui sont au coude à coude. Des chiffres faciles à expliquer : Star Alliance a deux locomotives qui sont LH Group et Turkish Airlines.
Que se passe-t-il si Air France-KLM rachète TAP ?
Dans l’état actuel des choses le rachat de TAP permettrait à Air France-KLM de devenir leader européen d’une courte tête devant LH Group et IAG serait distancée en termes de passagers transportés mais le Lufthansa Group resterait devant en termes de revenu.
En termes d’alliances par contre cela permettrait à Skyteam d’un peu réduire son retard mais Star Alliance resterait largement dominante et One world serait décrochée.
Que se passse-t-il si LH Group rachète TAP ?
Dans cette hypothèse rien ne change en termes de classement mais Lufthansa Group accentue juste son leadership.
Que se passse-t-il si IAG rachète TAP ?
Dans cette troisième hypothèse c’est IAG qui prendrait le leadership européen en termes de passagers transportés , LH Group restant leader en revenu devant Air France KLM.
Au niveau des alliances Star Alliance resterait loin devant mais OneWorld passerait devant Skyteam.
Conclusion
Si l’on regarde le nombre de passagers transportés, le rachat de TAP décidera de la compagnie leader en Europe mais, quoi qu’il advienne, Lufthansa Group restera leader en termes de revenu.
Pour ce qui est des alliances cela ne remettra en aucun cas en cause la domination de Star Alliance, l’enjeu étant de savoir qui de Skyteam ou Oneworld sera second.
On remarque également que ITA et SAS devront subir de profondes restructurations pour retrouver leur profitabilité. En effet, si on se basait sur les chiffres de 2022 elles réduiraient quasiment à néant les bénéfices pourtant record d’Air France-KLM et Lufthansa Group, une situation qu’aucun des deux acteurs ne saurait tolérer trop longtemps.
Image : avions Lufthansa et Air France de NYC Russ via Shutterstock