SAS se met en faillite pour mieux se réorganiser

Si la plupart des compagnies aériennes européennes sont ressorties de la crise du COVID relativement indemnes, principalement grâce aux aides des Etats, SAS Scandinavian Airlines est, elle, plutôt mal en point.

SAS en difficultés

Comme nous le révélions il y a plusieurs semaines la compagnie Scandinave, le dos au mur, a lancé un plan de restructuration financière ambitieux et un programme de transformation nommé SAS Forward.

A ce stade ce que nous savions est que :

• Si l’Etat Suédois soutient cette restructuration il ne compte pas apporter d’argent frais.

• La compagnie est en contact avec des investisseurs dont la seule qu’on sait est qu’ils sont « non scandinaves ».

Depuis le dossier a évolué et pas toujours dans le bon sens.

Le Danemark soutient SAS

Au titre des bonnes nouvelles et contrairement à la Suède, le Danemark a annoncé être d’accord pour porter sa participation de 21,8% à 30% dans le cadre de l’arrivée de nouveaux investisseurs afin de continuer à peser et défendre les intérêts scandinaves minoritaires.

En termes de gouvernance cela peut éventuellement poser des questions d’équilibre vu que jusqu’à présent Danemark et Suède avaient le même poids au sein de la compagnie, mais si les suédois ne veulent plus apporter d’argent frais c’est leur problème.

On peut s’attendre à ce que ce sujet soit géré sans heurts, à la Scandinave, loin des comportements de cow-boys qu’on a pu voir dans le dossier Air France-KLM avec des montées au capital sauvages de l’état néerlandais.

Quoi qu’il en soit le Danemark a l’air de voir dans SAS un instrument de souveraineté beaucoup plus stratégique que la Suède.

La Norvège à la rescousse

Contrairement à ce qui a écrit dans un média en ligne français soit disant spécialisé dans l’aérien, la Norvège n’a aucune participation dans SAS, étant donné qu’elle joue la carte Norwegian (ce qui n’a pas été de tout repos). Donc il était inutile de croire que l’état ou le puissant fond souverain Norvégien puissent arriver à la rescousse.

Mais visiblement la Norvège semble décider à ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier car elle a à la surprise générale annoncé qu’elle était d’accord pour rentrer au capital de SAS en convertissant des dettes de la compagnie en actions. Ca n’est pas de l’argent frais, cela ne représenterait « que » $153M mais c’est toujours des dettes en moins et la garantie d’une présence scandinave forte dans le capital (et les droits de votes) par rapport à des nouveaux actionnaires qui ne le seraient pas.

Encore une mauvaise nouvelle pour le poids de la Suède dans la compagnie qui diminuerait encore de manière relative mais, encore une fois, c’est leur décision.

SAS en guerre avec ses pilotes

Il faut savoir que la situation des pilotes de SAS est très confortable aux regards des performances de la compagnie (le modèle et la paix sociale à la scandinave ont un prix) et que la compagnie attend d’eux des sacrifices. Sacrifices qu’ils ne sont pas prêts à faire.

On a une compagnie qui va mal, une catégorie de personnel privilégiée qui refuse de faire les efforts qu’on lui demande et rejette la faute sur la compagnie. Pour nous, français, cela nous rappelle une situation bien connue.

Donc les pilotes ont quitté la table des négociations, la compagnie s’est indignée de ce comportement qui a entrainé des annulations massives de vols et pénalisé les clients, ce à quoi les syndicats ont répondu :

« Nous avons finalement réalisé que SAS ne veut pas d’un accord. SAS veut une grève. Nous espérons que nous pourrons retourner à la table des négociations et nous rencontrer, mais il faut pour cela que l’employeur fasse un geste.« 

Toute ressemblance avec des personnages et une compagnie existant ou ayant existé est fortuite.

A ce stade les pilotes ont accepté de manière exceptionnelle de ramener des passagers bloqués dans des géographies à risque mais pas plus. Et à ce jour il n’est pas prévu que les pilotes, qui s’estiment trompés, reviennent à la table des négociations.

SAS sous la protection du Chapitre 11

SAS s’est mis sous la protection du célèbre Chapitre 11 qui régit les faillites aux Etats-Unis. Le chapitre 11 est un cadre juridique qui permet la restructuration d’entreprises et a été utilisé par un certain nombre de grandes compagnies aériennes internationales pour se restructurer. Il permet à la compagnie de continuer à opérer tout en se protégeant de ses créanciers le temps de se réorganiser et restructurer sa dette.

Ce faisant, la compagnie se crée une bulle d’air afin d’avancer sur SAS Forward.

La méthode a déjà fait ses preuves : lorsqu’elles se portent mal les compagnies du monde entier essaient d’obtenir des aides d’état (et souvent y parviennent), les compagnies américaines, elles, utilisent la baguette magique du Chapitre 11 et touchent le jackpot à tous les coups. Vous prenez une compagnie exsangue avec une flotte âgée et un produit dépassé et à la sortie vous avez une flotte neuve et un produit moderne. A la limite de la concurrence déloyale mais ça fonctionne. Tant pis pour les créanciers qui attendront des années pour voir l’argent dû avant l’entrée dans le chapitre 11.

Conclusion

La situation de SAS est grave mais beaucoup de signes positifs sont perceptibles. Parmi eux le soutien du Danemark et de la Norvège ainsi que le passage sous le régime du Chapitre 11 qui va lui permettre de se restructurer sereinement.

Par contre le conflit avec les pilotes est un vrai problème dans la mesure où il affecte les opérations et peut endommager l’image de la compagnie vis à vis de ses clients.

Dernière zone grise, pas de nouvelles des « investisseurs non Scandinaves » qui sont essentiels dans le sauvetage de la compagnie.

Pour l’instant notre pronostic est positif mais la question des pilotes ne se règle pas la compagnie pourrait rapidement basculer du mauvais côté.

Photo : bureaux de SAS Scandinavian Airlines de Roberto Rizzi via Shutterstock

Bertrand Duperrin
Bertrand Duperrinhttp://www.duperrin.com
Voyageur compulsif, présent dans la communauté #avgeek française depuis la fin des années 2000 et passionné de (longs) voyage depuis sa jeunesse, Bertrand Duperrin a cofondé Travel Guys avec Olivier Delestre en mars 2015. On peut le retrouver aussi aussi sur http://www.duperrin.com où il parle depuis plus de 10 ans de la transformation digitale des organisations, son métier quand il est au sol.
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