Qu’est-ce que l’ambitieux project Sunrise de Qantas pour le vol le plus long du monde ? Rêve ou bientôt réalité ?

L’Australie c’est loin, très loin, et il est très difficile de relier le pays aux grandes capitales européennes et américaines sans escale. Si Qantas, la compagnie australienne, vient de fêter l’anniversaire de son Perth-Londres, un vol de 17h00, il ne lui est pas encore possible de relier sa capitale, Sydney, à Londres, Paris ou encore New-York sans escale en raison de la durée du vol. Aucun appareil ne lui permet aujourd’hui en effet d’effectuer un vol de 19h30 qui serait alors le vol le plus long du monde.

C’est le point de départ de ce que la compagnie appelle le « Project Sunrise ».

Le Project Sunrise de Qantas

Inutile d’expliquer pourquoi Qantas essaie de desservir en vol direct les villes les plus éloignées. L’absence de correspondances procure une meilleur expérience au client (quoique…) et rend la compagnie compétitive face à ses concurrents : qui prendrait un vol avec correspondance (avec une compagnie partenaire) ou escale (en restant sur le même appareil Qantas) alors qu’un vol direct est disponible et ce, d’autant plus, que sur de telles durées chaque heure en plus ou en moins compte.

D’un point de vue économique cela devrait théoriquement coûter moins cher ou permettre à Qantas de limiter l’usage du codeshare et des correspondances avec ses compagnies partenaires donc de conserver l’intégralité du revenu du billet au lieu de le partager.

Au fait pourquoi « Project Sunrise » ? Parce que lors d’un tel vol le passager voit le soleil se lever deux fois !

Quelles destinations pour le Project Sunrise

L’ambition de Qantas est de desservir, dans un premier temps, Londres et New York depuis Melbourne et Sydney.

Ce sont sur des destinations qu’ont eu lieu les vols de test du Project Sunrise car ce sont les plus lointaines concernées potentiellement par le projet. Si jamais cela devenait une réalité commerciale des destinations comme Paris, Francfort ou Le Cap seraient potentiellement concernées.

Le vol le plus long du monde n’est pas (qu’) un problème technique

On pourrait croire que les vols de test on servi à valider la faisabilité technique de la chose et c’est vrai. Mais ça n’est pas le seul sujet car un vol de plus de 19h pose de nombreuses autres inconnues.

• Comprendre les effets d’un aussi long vol sur l’organisme pour proposer une cabine et un service adapté aux clients.

• Organiser les temps de travail et pause du personnel en fonction de leur état de vigilance.

Les vols test ont donc embarqué des équipes de recherche dont le but est de déterminer l’organisation optimale du vol, du service et l’impact sur les aménagements afin de proposer la meilleure expérience possible au client, les meilleures conditions de travail au personnel et les meilleures conditions de sécurité pour d’autres. Ont été observés, entre autres, les ondes cérébrales du pilote, les niveaux de mélatonine, la vigilance du personnel et le besoin exercice pour les passagers.

On sait d’ores et déjà que des essais ont été fait sur l’éclairage, l’organisation, l’heure et l’ordre des repas et que la cabine de l’appareil devra être pensée différemment. Plus de places en business, moins en économy et pourquoi pas des espaces de repos et loisir qui sont encore à inventer.

Quel appareil pour le vol le plus long du monde ?

Les vols de test ont été opérés sur des Boeing 787-9 mais on sait déjà que l’appareil ne se prête pas à une exploitation commerciale des routes concernées. Il peut couvrir un Sydney-Londres avec 40 passagers et quelques aménagements mais n’a pas l’autonomie pour un vol complet avec les réservoirs pleins !

Qantas a donc demandé à Airbus et Boeing de leur proposer des solutions.

Côté Airbus alors qu’on s’attendait à un A350-1000 avec des réservoirs supplémentaires, un peu comme le 321 ULR (Ultra Long Range) ce sera simplement un…A350-1000 « normal » qui a été proposé, son adaptation à de telles distances tenant à des options de configuration mais pas à la conception même de l’appareil.

Côté Boeing c’est le 777-8 qui a été proposé.

Réponse de Qantas : aucune des deux offres n’a été retenue. La compagnie a renvoyé les deux avionneurs à leurs copies notamment en raison de prix trop élevés.

Pas de modèle économique pour Project Sunrise

L’équation économique est en effet assez complexe. L’appareil doit pouvoir embarquer assez de monde pour que le vol soit rentable et soit proposé aux clients à des prix qui ne soient pas dissuasifs. En d’autres termes Qantas ne veut prendre aucun risque et attendra d’avoir tous les éléments en main (donc les caractéristiques et prix des appareils) pour décider de faire du Project Sunrise une réalité commerciale.

Pour Qantas le vol le plus long du monde est aujourd’hui une étude, un projet, et si le modèle économique n’est pas trouvé la compagne n’aura aucun problème à dire « ce fut un projet instructif mais nous n’irons pas plus loin ».

Dans tous les cas aucun des modèles d’avion proposé ne sera disponible avant 2023 donc le passage du rêve à la réalité n’est pas pour demain.

Et les pilotes dans tout ça ?

Si l’association des pilotes Australien voit le projet d’un bon oeil, les pilotes demandent toutefois des conditions et compensations spécifiques pour opérer des vols aussi longs. Et là nous sommes loin d’un accord, le CEO de Qantas, Alan Joyce ayant même menacé non seulement de quitter la table des négociations mais aussi d’abandonner purement et simplement le Project Sunrise si les pilotes n’y mettaient pas du leur. Un élément de plus à prendre en compte dans la complexité du modèle économique.

Project Sunrise : coup de buzz ou révolution ?

L’envie de Qantas de desservir sans escale les destinations les plus éloignées est bien réelle mais accompagnée d’un vrai pragmatisme. Tout va être testé et évalué mais si ça n’est pas économiquement possible et bien tant pis.

Aujourd’hui le Project Sunrise est un superbe coup marketing et un projet de recherche très riche en enseignements. Et à notre avis, sauf offre radicalement nouvelle d’Airbus ou de Boeing, il y 50% de chances que ça n’aille pas plus loin.

[Update]

Pour mémoire le vol le plus long du monde à la date d’écriture de cet article est le Newark-Singapour de Singapour Airlines opéré en A350-900ULR. Il couvre les 9,525 miles qui séparent les deux villes en 18h30.

Photo : Boeing 787 Qantas de christopheronglv via Shutterstock

Bertrand Duperrin
Bertrand Duperrinhttp://www.duperrin.com
Voyageur compulsif, présent dans la communauté #avgeek française depuis la fin des années 2000 et passionné de (longs) voyage depuis sa jeunesse, Bertrand Duperrin a cofondé Travel Guys avec Olivier Delestre en mars 2015. On peut le retrouver aussi aussi sur http://www.duperrin.com où il parle depuis plus de 10 ans de la transformation digitale des organisations, son métier quand il est au sol.
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