Qui va racheter ITA au gouvernement Italien ?

Le processus de vente de ITA, la compagnie aérienne créée sur les cendres de la défunte Alitalia et possédée par le gouvernement italien est lancé et devrait connaitre son épilogue dans les quelques mois voire semaines qui viennent. Sauf coup de trafalgar, c’est Lufthansa qui devrait emporter la mise.

Le revirement du gouvernement Italien

Pourtant lorsqu’il s’est agi de sauver feue Alitalia, les choses n’ont pas été aussi vite et n’ont jamais été aussi claires. Nous avons lors des années écoulées fréquemment évoqué le cas de la compagnie Italienne et de ses mariages ratés, notamment après la fin de sa lune de miel avec Etihad.

De Air France-KLM à Lufthansa en passant par Delta et Easyjet, la valse des prétendants réels ou présumés, déclarés ou espérés n’a jamais cessé sans qu’une issue ne soit jamais trouvée. La raison ? Le gouvernement italien ne voulait pas perdre la face sur le plan social et imposait des conditions qui rendaient la compagnie invendable en l’état.

Revirement total avec ITA. La compagnie est « saine » financièrement même si ses premiers mois d’exploitation se sont soldés logiquement par des pertes, elle a maigri et constitue désormais un actif à peu près sain. On peut aussi penser que le gouvernement ne veut plus remettre la main à la poche après avoir sans cesse renfloué Alitalia et qu’il entend lui donner son indépendance en la mariant au plus vite à un partenaire industriel fiable. Il a d’ailleurs annoncé ne vouloir garder qu’une participation minoritaire dans la compagnie.

Lufthansa en pôle malgré des rumeurs contradictoires

Comme nous l’écrivions il y a quelques semaines Lufthansa est bel est bien intéressée par ITA et l’a, depuis, déclaré officiellement. Le groupe allemand ferait une offre conjointe avec MSC croisières pour acquérir à deux une majorité du capital (40% pour Lufthansa).

Pourtant des rumeurs ont couru, laissant entendre que d’autres acteurs pensaient à se positionner et tiendraient même la corde, sans que rien ne se soit concrétisé à ce jour. Quel crédit faut il leur donner ? A notre avis quasiment aucun car si une certaine logique voudrait que Lufthansa ne soit pas a priori un choix naturel il est, aujourd’hui, l’un des seuls possibles.

Quelles autres solutions pour ITA ?

Passons en revue les différentes hypothèses qui ont ou auraient pu circuler.

1°) Air France-KLM

Air France-KLM est un partenaire historique d’Alitalia et, aujourd’hui, a des accords de partage de code avec ITA. Toutes deux sont également membre de Skyteam et par le passé le groupe franco-néerlandais a été actionnaire d’Alitalia et a parfois été à deux doigts de racheter sa voisine. Alitalia était également membre de la joint-venture transatlantique entre Air France-KLM et Delta (et aujourd’hui Virgin Atlantic).

C’est ainsi que des deux côtés des Alpes des médias ont avancé qu’Air France-KLM était à un moment favori pour la reprise d’ITA. De notre point vue ce choix est en effet le plus naturel, a peut être même été désiré côté italien, mais est totalement irréaliste.

Choix naturel pour les raisons historique évoquées ci. Et puis également car voir ITA s’orienter vers d’autres partenaires serait un coup dur pour Air France-KLM. Cela renforcerait un concurrent direct, affaiblirait l’alliance Skyteam (on ne voit pas ITA en rester membre si l’hypothèse Lufthansa se réalisait) et priverait le long courrier d’Air France d’une clientèle jusqu’ici assez captive. Ca n’est pas pour rien que lors de la signature de l’accord de partage de code, les dirigeants d’Air France disaient avoir « beaucoup d’ambition » pour ITA.

On ne peut nier qu’il est plus que possible qu’un intérêt réciproque existe, mais les choses n’iront pas plus loin.

Air France-KLM a interdiction d’investir dans une compagnie aérienne tant qu’elle n’a pas remboursé les aides d’Etat reçues pour la crise du COVID. La même interdiction pesait sur Lufthansa jusqu’à ce qu’elle rembourse ses aides à l’automne dernier alors que pour Air France cela serait au mieux en 2025 si tout va bien. Le groupe franco-néerlandais paie ici cher non pas la crise (tout le monde était logé à la même enseigne) mais sa gestion des dix ou vingt années qui ont précédé.

La cause est entendue, exit Air France-KLM, n’en déplaise aux médias soit disant bien informés.

2°) Delta

Le nom de la compagnie américaine a également été évoqué et c’est tout aussi logique. Elle a été a plusieurs reprises candidate au sauvetage d’Alitalia et est au même titre qu’Air France-KLM en droit de s’inquiéter de la perte d’un partenaire au profit d’un concurrent majeur.

On avait même pensé chez Travelguys que Delta pourrait agir comme « prête nom » pour sa partenaire Air France-KLM : en prenant une partie du capital d’ITA et lui revendant dans quelques années lorsqu’elle sera libérée de son interdiction afin d’éviter le délitement de Skyteam en Europe et la fin d’un code share capital.

Las, Delta a officiellement annoncé qu‘elle n’avait aucune volonté d’investir dans ITA. De plus, en tant que compagnie non-européenne , elle ne peut détenir plus de 50% d’ITA sans que celle-ci ne se retrouve dans la situation problématique d’IAG.

On se souvient qu’elle avait envisagé une alliance avec Easyjet pour reprendre Alitalia mais rien ne montre que la chose ait autant de sens pour la compagnie low cost aujourd’hui.

Exit Delta

3°) IAG

Le nom n’a jamais été prononcé mais aurait pu avoir du sens, ne serait-ce que parce que rachat d’Air Europa a été avorté. Détenir une compagnie en Espagne et une en Italie a beaucoup de sens pour la clientèle loisir.

Mais IAG a comme on l’a vu plus haut d’autres ennuis en ce moment et rien ne dit que l’Italie l’intéresse, ce qui n’a jamais été le cas par le passé.

4°) L’investisseur mystère

On ne voit pas d’autres acteurs du secteur capables de se positionner. China Eastern, autre partenaire au sein de Skyteam et actionnaire d’Air France-KLM avec Delta ? Ce serait le moins improbable mais on n’y croit pas, ne serait-ce une fois encore à cause du seuil des 50%. Alors on peut rêver à un investisseur mystère comme un croisiériste ou un fonds d’investissement mais c’est hautement improbable.

Conclusion

Sauf retournement de dernière minute, chose à laquelle on a été largement habitués avec Alitalia, ITA devrait tomber dans l’escarcelle de Lufthansa et entrainer une modification majeure de l’équilibre des forces dans le ciel européen, plus important que la taille même de la compagnie, aujourd’hui modeste.

Image : ITA de Davide Calabresi via Shutterstock

Bertrand Duperrin
Bertrand Duperrinhttp://www.duperrin.com
Voyageur compulsif, présent dans la communauté #avgeek française depuis la fin des années 2000 et passionné de (longs) voyage depuis sa jeunesse, Bertrand Duperrin a cofondé Travel Guys avec Olivier Delestre en mars 2015. On peut le retrouver aussi aussi sur http://www.duperrin.com où il parle depuis plus de 10 ans de la transformation digitale des organisations, son métier quand il est au sol.
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