La tempête que traversent les aéroports européens amène les professionnels du secteurs à vouloir revenir sur la réglementation européenne en matière d’indemnisation des passagers.
Des passagers européens plutôt bien indemnisés jusqu’ici
La réglementation européenne s’applicant à l’indemnisation des passagers en cas de vol retardé était une des plus protectrice pour les passagers comparée à ce qui existe hors de nos frontières (voire n’existe même pas…).
D’ailleurs pour être précis elle ne s’applique pas qu’aux passagers européens mais, pour faire simple à tout passager :
- au départ d’un aéroport situé dans l’Union européenne, la Norvège, l’Islande ou la Suisse, quelle que soit la nationalité de la compagnieet quelle que soit leur destination finale,
- en provenance d’un aéroport situé dans un Etat tiers, si le vol est exploité par une compagnie de l’Union européenne et à destination d’un aéroport situé dans l’Union européenne, la Norvège, l’Islande ou la Suisse, sauf si le passager bénéficie de prestations ou d’une indemnisation et d’une assistance dans le pays d’origine.
Le règlement EC 261, car c’est son nom, peut donc s’appliquer à des passagers étrangers voyageant en Europe.
Il prévoit des indemnisations forfaitaires :
- 250€ par billet pour les vols de moins de 1500 km
- 400€ pour les autres vols en au sein de l’UE.
- 600€ pour les vols qui partent ou arrivent en dehors de l’UE et qui font plus de 3500km
Jusqu’ici le système fonctionnait bien et nous était souvent envié par les voyageurs d’autres géographies, comme les Etats-Unis par exemple mais la vague de retards qu’ont connu les aéroports européens cet été a changé la donne.
Au regard du nombre de passagers à indemniser et au montant des indemnisations, certains professionnels du secteur appellent à une refonte du système d’indemnisation.
Vers la fin de l’indemnisation forfaitaire ?
La question soulevée par certaines compagnies aériennes n’est pas dénuée d’intérêt ! En effet comme le dit le directeur général du lobby Airlines for Europe (A4E) : « Ca n’est pas normal de payer un billet 50 euros et recevoir 300 euros de compensation« .
Reconnaissons qu’il y a une certaine logique dans ce constat.
Le modèle à suivre serait le Royaume-Uni qui a mis en place une indemnisation par pallier en fonction du prix du billet.
Un changement finalement plein de bon sens qui ne devrait même pas prêter à discussion ?
Chez TravelGuys nous ne partageons pas cette opinion
Il ne faut pas revoir à la baisse l’indemnisation EC261
Nous pensons en effet qu’il n’y a aucune raison de changer le système actuel ou, si une indemnisation par pallier devait être mise en place que les indemnisations actuellement prévues devraient constituer le plancher pour les billets les moins cher ! Et voici pourquoi.
1°) Ce sont les compagnies qui décident du prix du billet. Pour reprendre l’exemple cité, rien ne les oblige à vendre des billets à 60 euros ou moins. D’ailleurs tout le monde à se rendre compte que brader le prix des billets n’est plus possible dans le contexte économique et environnemental actuel.
2°) Si le montant de l’indemnité était proportionnel au prix du billet cela inciterait les compagnies proposant les tarifs les plus bas à en faire le moins possible pour faire en sorte que le voyage de leurs clients se passe le mieux possible. L’indemnité a vocation à indemniser le passager d’un côté, mais également de motiver la compagnie afin qu’elle fasse tous les efforts nécessaires pour éviter le retard lorsqu’elle en a les moyens.
3°) Parce qu’en cas de retard l’indemnité ne couvre pas, à notre avis, que le prix du billet. Et c’est sur ce point que nous allons nous attarder.
En cas de retard le passager arriver à destination plus tard ou sera totalement remboursé. Donc il fera a priori son voyage, même avec un retard, donc il n’est pas vraiment question de rembourser le billet mais de compenser un désagrément. C’est pour cela que l’EC261 prend en compte la distance et non le prix du billet.
Même si la compagnie doit prendre en charge un certain nombre de frais liés au retard, cela ne comble pas toujours le préjudice subi par le passager du fait de ce retard.
S’il part pour un week end il se peut que le temps passé sur place soit ainsi réduit à la portion congrue. Il se peut qu’il arrive en retard pour un événement quelconque (diner, mariage, rendez vous d’affaire, tout autre événement nécessitant une réservation). Il subit de plus un préjudice moral du fait de l’inconfort et de l’incertitude liés à la situation qu’il a vécu.
Il y a donc un préjudice d’agrément (parfois une occasion définitivement manquée) et un préjudice moral.
C’est tout cela que compense l’EC261 et dans certains cas on peut même trouver que ça n’est pas assez.
Valeur réelle vs. valeur d’usage
Par ailleurs si les compagnies aériennes étaient de bonne foi elles se rappelleraient de la convention de Montréal qui régit et limite les indemnités dues en cas de bagage retardé ou perdu.
La dite convention limite la responsabilité des compagnies de fait que la valeur maximale de l’indemnisation ne saurait dépasser un certain montant, peu importe la valeur réelle du contenu du bagage perdu.
C’est reconnaitre implicitement qu’un écart peut exister entre la valeur faciale d’une chose (la valeur de remplacement pour le passager) et sa valeur d’usage (en prenant en compte son ancienneté).
Pour un billet d’avion c’est la même chose : la valeur d’usage du voyage peut être largement supérieur au prix du billet sauf que, cette fois ci, le mécanisme fonctionne dans un sens qui n’arrange pas les compagnies aériennes.
Conclusion
Vu la multiplication des retards les compagnies aériennes européennes veulent obtenir une baisse des indemnités dues aux passagers, notamment pour les billets à bas prix.
Avec un tel raisonnement elles auront de nombreuses raisons de ne pas faire trop d’effort pour faire en sorte de limiter la gêne pour les passagers et oublient que la compensation n’a justement pas vocation à rembourser tout ou partie du prix du billet.
Et il serait, de plus, illogique que ce soit au passager de payer la désorganisation du secteur.
Photo : vol retardé De Nuno Andre via Shutterstock