Les compagnies aériennes deviennent lifestyle et embrassent le e-commerce

Et si vendre des billets d’avion n’allait plus être le métier unique des compagnies aériennes ? De plus en plus d’entre elles se lancent dans le e-commerce pour leur vendre bien autre chose que leurs propres produits. C’est dans cette voie que s’engouffrent de plus en plus de compagnies comme, par exemple, Singapore Airlines.

Une transformation poussée par la crise et le renforcement du lien avec le client

La crise a fait très mal aux compagnies aériennes qui, mêmes si certaines ont été largement aidées par les états, ont dû réfléchir à multiplier les sources de revenu.

Certaines l’ont fait en utilisant de vieilles ficelles comme Lufthansa et Swiss qui passent à un modèle d’offre payante en classe économique sur court et moyen courrier mais d’autres ont été plus inventives.

Je passerai sur le cas très spécifique des compagnies américaines qui parfois gagnent plus d’argent grâce à leur programme de fidélité qu’en faisant voler des avions pour m’intéresser à celles qui explorent de vrais business models nouveaux et plus particulièrement la construction de véritables plateformes e-commerce.

Pourquoi le e-commerce ? Parce que les compagnies aériennes sont légitimes à vendre un certain nombre de choses liées à l’expérience voyageur sans qu’ils s’agisse de vols et parce qu’elles ont intérêt à maintenir leur client dans leur écosystème le plus longtemps possible.

Qu’achetez vous à une compagnie aérienne ? Des vols, des prestations annexes comme des surclassements, repas à bord, excédent bagage, parfois des nuits d’hôtels et des locations de voiture mais guère plus. Et entre temps vous sortez de l’écosystème de la compagnie.

En proposant une plateforme de e-commerce qui serait légitime aux yeux du client les compagnies aériennes les gardent « chez elles » plus longtemps et multiplient l’occasion d’avoir des contacts. L’achat d’un billet peut être l’occasion d’acheter une valise, mais acheter un produit « lifestyle » peut aussi être l’occasion de se voir proposer un billet ou une destination.

Et de manière beaucoup plus simple, à l’image d’un Uber qui décline sous sa marque un nombre croissant de services elles pourraient proposer une gamme de services à la demande accessibles depuis un portail unique, utiles aussi bien au voyageur qu’au client quand il est chez lui.

L’expérience client …mais pas seulement

Comme souvent ces transformations seront conduites au nom de l’expérience client mais la vérité est plus mercantile.

Je veux bien comprendre que faciliter l’achat de choses radicalement différentes mais faisant partie de l’expérience de voyage simplifie la vie du client qui trouve tout ce dont il peut avoir envie (ou pas envie d’ailleurs) au même endroit est plus simple pour le client. Mais admettons que cela rend surtout et avant tout plus simple pour les compagnies de pousser à l’achat de choses que le client n’avait pas l’intention d’acheter au départ.

Et puis nous sommes dans l’ère de la donnée. Plus on a de points de contacts et d’interactions avec le client plus on le connait, plus on connait ses habitudes de consommation plus…on est capable de lui faire des offres personnalisées, expression pompeuse pour dire qu’on va lui lui suggérer des produits ou des destinations cohérents avec ses achats récents.

Du produit dérivé à l’expérience voyageur

Le e-commerce n’a rien de nouveau pour les compagnies aériennes. Nombreuses sont celles qui, comme Air France, disposent d’une boutique en ligne pour vendre leurs produits dérivés.

La boutique Air France Shopping

Pour d’autres le e-commerce devait également remplacer le duty free, donc avec une offre plus large que les produits dérivés. Les grandes compagnies US ont arrêté les ventes à bord tout comme certaines compagnies européennes comme KLM. La raison : pas assez compétitif pour faire face à la concurrence des aéroports et du poids inutile alors qu’on lutte contre les émissions de CO2.

La compagnie néerlandaise disait réfléchir à des offres alternatives qui à notre connaissance n’ont pas encore vu le jour, les projets ayant été sans nul doute stoppés par le COVID. Mais une des alternatives était bien sûr le e-commerce.

Terminons en ajoutant que pendant la crise certaines compagnies ont même été jusqu’à vendre leurs plateaux repas en ligne !

Mais les choses deviennent désormais sérieuses avec de vrais projets industriels sur le e-commerce?

Singapore Airlines lance Pelago

C’est ainsi que Singapore Airlines a lancé Pelago, sa filiale de commerce en ligne, en juin dernier.

Pelago par Singapore Airlines

On y vent des « expériences » non aériennes pour les clients de passage à Singapour. Cela va de la découverte de lieu insolites à des expériences dans des restaurants ou des bars (pas juste la réservation mais un happening spécial) ou du « staycation » pour les locaux.

La promesses est d’amener l’expérience client Singapore Airlines du ciel au sol…ce que l’on peut trouver un peu pompeux si on considère que Singapore Airlines est une des deux ou trois compagnies les plus premium au monde, ce qui n’est pas le cas des expériences grand public proposées.

AirAsia devient une entreprise « digital Lifestyle » grâce une Super App

Encore plus ambitieux est la volonté de AirAsia de devenir une entreprise de « digital lifestyle » en proposant dans son application tout ce qu’un client peut avoir envie. Vols, trajets pour rejoindre l’aéroport, livraison de nourriture et de boissons. D’ailleurs chez Air Asia on ne parle plus d’App mais de Super App !

La Super App de AirAsia

Symbole de cette volonté, le rachat du Thailandais Gojek, une marketplace qui réunit VTC et marchands qui vendent leurs services et produits au travers de leur plateforme e-commerce.

Gojek

Mais Gojek c’est encore plus que cela : c’est aussi des services de paiement, de quoi gérer ses publicités en ligne, gérer son restaurant, une plateforme de media en streaming, de réservation de tickets en ligne…

Gojek

Avec ce rachat la plateforme Lifestyle d’AirAsia est d’ores et déjà valorisée à 1 milliard de dollars.

Repositionnement lifestyle de la marque Cathay

Il a plusieurs semaines de cela, Cathay Pacific annonçait une évolution de sa marque vers un concept plus « lifestyle » là encore avec désormais le seul nom « Cathay »et un nouveau slogan « Life Elevated ». Cathay Pacific n’étant plus que le nom de la compagnie aérienne qui elle même n’est plus qu’une partie d’une offre et d’une expérience plus larges.

La traduction dans les faits aura lieu au fil du temps, principalement en 2022 mais derrière un concept qui peut sembler un peu nébuleux on peut lire :

« En même temps, « Cathay » rend notre proposition plus attrayante. En intégrant nos offres et grâce à de meilleurs partenariats, nous apporterons une gamme plus large de produits et de services au bénéfice de nos clients. »

Et sans surprise une partie de la promesse tourne autour du shopping…

Cathay se spositionne sur le Liftestyle et le shopping

Donc quand la compagnie nous dit que :

« Cathay » regroupe Cathay Pacific, Marco Polo Club et Asia Miles en un seul endroit, simplifiant ainsi la manière dont nos clients interagissent avec nous, y compris la manière dont ils obtiennent un statut et utilisent les miles.« 

Il faut s’attendre à l’avenir à beaucoup de mouvement de ce côté là :

Conclusion

Les compagnies aériennes ont décidé d’embrasser le e-commerce afin de dépendre de moins en moins de leurs revenus « aériens ».

Cela entraine un repositionnement plus lifestyle de leur marque qui ne sera peut être pas aisé pour toutes.

Ca n’est que le début mais alors que les compagnies américaines sont valorisées moins cher que leurs programmes de fidélité on peut se demander si un jour le e-commerce ne sera pas une source de revenu majeure pour certaines compagnies et leur coeur de métier actuel une ligne de business comme une autre…

Encore une fois on peut se demander si les compagnies européennes et américaines ne sont pas en train de laisser passer le train…

Photo : ecommerce de RossiAgung via Shutterstock

Bertrand Duperrin
Bertrand Duperrinhttp://www.duperrin.com
Voyageur compulsif, présent dans la communauté #avgeek française depuis la fin des années 2000 et passionné de (longs) voyage depuis sa jeunesse, Bertrand Duperrin a cofondé Travel Guys avec Olivier Delestre en mars 2015. On peut le retrouver aussi aussi sur http://www.duperrin.com où il parle depuis plus de 10 ans de la transformation digitale des organisations, son métier quand il est au sol.
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