Vous ne vous en rendrez peut être pas compte mais dans les temps à venir la manière dont de plus en plus de compagnies aériennes va calculer le prix de votre billet d’avion va changer radicalement. Parfois à votre avantage, parfois non.
La crise met les compagnies sous pression
Avec la reprise du transport aérien qui s’annonce les compagnies seront confrontées à un difficile challenge : vendre un maximum de billets au meilleur prix. Meilleur prix voulant signifier parfois le plus haut possible ou d’autres fois assez bas pour ne pas être dissuasif et avoir un taux de remplissage acceptable.
Vous allez penser que cela n’a rien de neuf et effectivement ça a toujours été le principe du yield management. La seule chose qui va changer c’est que tout le monde va repartir pratiquement de zéro, qu’en dehors des passagers fidélisés on aura une forte volatilité de la clientèle et que les compagnies devront de plus proposer à la fois des prix assez attractifs pour vaincre les dernières réticences, redonner envie de voyager à ceux qui hésitent un peu mais des prix qui vont leur permettre de restaurer leur profitabilité.
Et pour y parvenir beaucoup accélèrent leur mouvement vers un nouveau modèle de fixation des prix, plus pertinent et réactif.
Le revenue management : une pratique manuelle et un peu archaïque
Avant d’aller plus loin rappelons brièvement comment les choses fonctionnent aujourd’hui et que nous avions détaillé dans notre article sur les classes tarifaires.
Les compagnies ont un certain nombre de classes de réservation auxquelles sont attachés des tarifs. A un moment donné elles décident de mettre en vente tant de siège dans telle classe à tel prix, tant à tel prix et ce que font les systèmes de réservation est vendre les tickets les moins chers puis lorsque c’est fait vendre la classe tarifaire juste au dessus et ainsi de suite.
Bien sur les personnes en charge de déterminer tout cela sont des professionnels aidés d’outils très avancés mais à la fin cela reste une appréciation humaine. De plus tout ajustement en fonction du contexte commercial (mettre en vente une classe à prix bradés) demande une intervention humaine.
Ce que recherchent les compagnies aujourd’hui c’est de pouvoir à un moment donné proposer le meilleur prix possible, non pas parce que les billets moins chers ont tous été écoulés mais parce qu’il s’agit du meilleur prix que le passager est prêt à payer. Cela aura donc pour conséquence une tarification beaucoup plus granulaire.
Disons qu’on va passer d’un système où l’ordinateur proposait des billets à 55€ puis à 75€ à un autre où il proposera 55€, 57€, 62€, 69………
Cela s’appelle la tarification dynamique ou continuous princing.
La tarification dynamique en bref
La grande différence entre la tarification dynamique et le yield management tel qu’on le connait c’est qu’elle a pour objectif d’optimiser le revenu là où le yield management visait à optimiser le remplissage. Théoriquement les deux sont très semblables et on pourrait penser que cela amène au même résultat mais ce qui change c’est la manière dont on y parvient. La tarification dynamique utilise un nombre de variables plus élevé (offre et demande, inventaire disponible, stratégie marketing et commerciale, tarifs des concurrents, grèves ou météo, fidélité du client…), plus contextuelles et, surtout, s’opère en temps réel et automatiquement.
Concrètement parlant aujourd’hui deux client qui veulent réserver le même billet au même moment se voient proposer le même prix (sauf si le second arrive 1/2 seconde trop tard et que le premier a eu le dernier billet disponible dans une classe donnée), demain ils pourront se voir proposer deux prix totalement différents.
Dans notre vie de tout les jours il y a un exemple de tarification dynamique très simple que beaucoup connaissent : Uber qui applique un coefficient multiplicateur variable à ses courses aux heures de pointe en fonction de la demande. Il varie automatiquement en temps réel en fonction de l’endroit, de la demande et dans une version plus évoluée pourrait prendre en compte les prix des concurrents ou varier selon la « fidélité » du client.
Mais on parlera plus tard en détail de la tarification dynamique et de ce qu’elle va également changer dans la manière dont sont distribués les billets !
Des résultats probants pour la tarification dynamique
Selon Travel Weekly les compagnies qui pratiquent la tarification dynamique voient leur taux de conversion progresser de 50%, et leurs recettes de 7%. Une étude du MIT montre que sur une route donnée une compagnie qui utilise la tarification dynamique génère 9,94% de revenu supplémentaire par rapport à ses concurrentes qui utilisent un système de classes tarifaires.
Et, mais nous rentrerons dans les détails dans un autre article, cela ne se fait pas systématiquement au détriment du client. En effet une augmentation plus progressive des prix supprime les effets de seuil (passer de 50 à 52€ au lieu de 50 à 75 par exemple). De plus ce système permet de personnaliser les prix (en fonction du programme de fidélité par exemple) pour récompenser et cibler certains clients.
Qui utilise la tarification dynamique aujourd’hui ?
Le passage à la tarification dynamique était un mouvement de fond mais un mouvement lent. La crise semble avoir accéléré les choses.
Air France-KLM vient d’annoncer sa décision de passer à la tarification dynamique. Avant elle Lufthansa s’était lancée en 2020, suivie par IAG (British Airways, Iberia..). Plus récemment Qantas a également annoncé envisager la chose très sérieusement.
Cela ne se fera pas en un jour car cela entraine une vraie révolution dans le pricing et les modèles de distribution, mais la révolution est en marche.
Image : achat de billet d’avion de conejota via Shutterstock