Pourquoi les grands groupes hôteliers n’ont pas été aidés comme les compagnies aériennes ?

Alors que la crise sanitaire a mis le secteur du tourisme à genou, le compagnies aériennes ont pu compter sur des aides massives des états, ce qui n’a pas été le cas des grands groupes hôteliers. Est-ce le résultat d’une politique délibérée, d’une attention moindre portée au secteur de l’hôtellerie, où cela répond-il à une certaine logique ?

Les hôtels ont souffert mais moins que les compagnies aériennes

Une des premières explications est que si les hôtels ont souffert leur sort n’a rien eu à voir avec celui des compagnies aériennes.

En Europe, et même si cela recouvre des réalités très diverses selon les pays, leur taux d’occupation moyen a été de 35% au lieu de 72%.

Une baisse significative mais qui n’a rien à voir avec le coup d’arrêt total qu’on pu connaitre les compagnies aériennes.

De plus il est moins difficile pour un hôtel de dimensionner ses opérations que pour une compagnie aérienne. Il peut plus facilement mettre ou non ses chambres sur le marché et « fermer » plusieurs étages, les chambres ainsi fermées lui coutent moins cher en entretien que des avions cloués au sol et les coûts de révouverture sont aussi moins élevés.

Une fois la première vague fermée ils ont également bénéficié de plusieurs phénomènes : le « staycation » ou les vacances près de chez soi qui leur ont permis de tenir avec une clientèle locale, celle qui ne pouvait justement plus prendre l’avion ou, par exemple, l’adaptation de leur offre vers des travailleurs en quête de lieux pour télétravailler.

Et si on sort du prisme européen, il ne faut pas oublier ce certains marchés intérieurs sont restés relativement dynamiques : les Etats-Unis par exemple, où se trouvent une part plus que significative des hôtels des grandes chaines sont restés beaucoup plus actifs que l’Europe.

Certains hôtels ont gagné de l’argent en 2020

Car c’est un chiffre que peu ont relevé mais certains grands groupes comme Marriott ont gagné de l’argent sur le marché Américain en 2020 ($198M) et n’en n’ont pas perdu en Asie.

Au final cela fait des comptes presque équilibrés.

C’est le résultat de marchés qui ont moins souffert et de mesures économiques prises pour réduire leurs couts.

Ces mesures ont contribué à tellement abaisser leur seuil de rentabilité que certains comme Hilton ne veulent plus revenir en arrière et rétablir un service normal d’ailleurs.

Aider les hôtels mais aider qui ?

Et puis aider massivement les groupes hôteliers n’est pas aussi évident que pour les hôtels.

Aider Air France ou Lufthansa est simple : il y a une entreprise dont le siège est dans un pays et, de plus une entreprise à la « nationalité » facilement identifiable.

Dans l’hôtellerie c’est plus compliqué

Déjà parce que les Etats ne font pas des groupes hôteliers un symbole aussi important que leurs compagnies aériennes.

Ensuite parce les opérations d’un hôtel sont plus complexes. Le groupe peut être propriétaire et opérateur de l’hôtel, juste propriétaire et en confier l’exploitation à un acteur local ou simplement licencier sa marque avec un investisseur qui détient les murs et un opérateur qui l’exploite. Et chaque hôtel est donc une entreprise indépendante.

En fait les Etats ont bien aidé les hôtels

En fait, selon la politique mise en place par chaque pays, les hôtels ont effectivement pu bénéficier d’aides. Mais ce sont les hôteliers, les entrepreneurs et entreprises locales qui en ont profité comme toute entreprise installée dans le pays en question, pas directement le groupe, souvent étranger qui est derrière.

Les aides ont donc pu concerner le Mercure ou le Hilton Trifouilly les Oies mais pas directement Accor ou Hilton car la structure capitalistique de l’industrie hôtelière diffère radicalement de celle de l’aérien. Ce sont les hôtels qui ont été aidés un à un au niveau des pays, pas les grands groupes.

[Mise à jour suite au commentaire d’un de nos lecteurs que nous publions ici car il donne une vue plus précise et pertinente de la situation vue de l’intérieur]

« Le dimensionnement des activités est bien plus facile en effet et on peut mieux contrôler les couts, mais le cout humain est tragique. On a soit supprimé des emplois, soit réduite tous les salaires. On estime a 6 millions d’emplois perdu dans l’hôtellerie juste aux US.

Et tout ca n’est en effet pas controlé par les grand groupes mais par les propriétaires et opérateurs.

Donc si les groupes, les marques, n’ont pas perdu tant que ca, les opérateurs on lourdement subit la crise et les emplois perdus se comptent par millions.J’ai perdu le mien 2 fois par exemple, sur un an! Mon dernier hotel avant celui-ci a été définitivement fermé (300 personnes sur le carreau) et le precedent a perdu 2/3 de ses 555 employés. Ouille quand meme. »

Conclusion

Les hôtels n’ont pas été livrés eux-mêmes pendant la crise, en tout cas en fonction des dispositifs mis en place pays par pays dans les endroits où ils sont implantés et indépendamment du fait qu’ils appartiennent à tel ou tel groupe ou soient indépendants.

Mais il ne faut pas oublier que justement, au niveau des groupes, les résultats 2021 s’ils ne sont pas bons n’ont rien à voir avec les pertes abyssales qu’ont pu connaitre les compagnies aériennes.

Image : hôtel fermé à cause du COVID de Gumpanat via Shutterstock

Bertrand Duperrin
Bertrand Duperrinhttp://www.duperrin.com
Voyageur compulsif, présent dans la communauté #avgeek française depuis la fin des années 2000 et passionné de (longs) voyage depuis sa jeunesse, Bertrand Duperrin a cofondé Travel Guys avec Olivier Delestre en mars 2015. On peut le retrouver aussi aussi sur http://www.duperrin.com où il parle depuis plus de 10 ans de la transformation digitale des organisations, son métier quand il est au sol.
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