Même si le sujet a disparu presqu’aussi vite qu’il est arrivé, la France s’est émue du fait qu’à une époque le gouvernement ait activement agi pour favoriser l’arrivée d’Uber sur le marché français. Bien sûr le débat est empreint d’une certaine mauvaise foi et nos amis étrangers ou expatriés nous diront qu’il n’y a qu’en France qu’on se pose ce genre de question (ce qui est d’ailleurs faux), mais c’est peut être l’occasion de s’interroger sur l’impact de Uber sur le marché français et se demander si cela valait la peine de favoriser son implantation.
Avant Uber il y avait les taxis. Rien que les taxis.
Avec le temps on a peut être oublié ce qu’était la situation avant Uber alors autant rafraîchir les mémoires. Avant Uber il n’y avait d’autres choix que les taxis et il faut se souvenir de ce qu’étaient les taxis à l’époque.
Premièrement l’offre était ridiculement faible par rapport à la demande. Je ne me souviens plus combien de fois j’ai du attendre des heures en fin de soirée à Paris pour avoir un taxi pour rentrer chez moi ! Globalement parlant l’attente aux heures de pointes était intolérable.
Et pour quel service !
Je ne veux pas tomber dans les clichés mais force est de reconnaitre que le taxi, à cette époque, proposait une expérience qui n’était pas du tout au niveau.
Voitures pas très propres et parfois odorantes, chauffeur désagréable, obligation de supporter ce que le taxi écoutait à la radio, refus de fermer les fenêtres et mettre la climatisation alors qu’on suffoquait de chaleur en plein été.
Ajoutons à cela des pratiques commerciales discutables. Impossible de payer en carte bancaire (et ça l’a longtemps été même lorsque ce moyen de paiement a été rendu obligatoire), itinéraire à rallonge tant pour la prise en charge que pour la course avec, à la fin, une certaine inquiétude par rapport au montant à avoir sur soi en liquide…
Peut être que des chauffeurs de taxi qui liront ces lignes seront outrés par mes propos mais, en tant que client, c’est mon expérience de l’époque. Peut être que eux étaient meilleurs mais l’expérience moyenne était plus proche de ce que décris que de quelque chose de satisfaisant.
Et Uber est arrivé
Je ne vous raconterai pas la genèse de Uber, qui doit beaucoup d’ailleurs aux taxis parisiens, pour arriver aux premières impressions.
Voitures de luxe, propres, chauffeurs polis et stylés, bouteille d’eau et bonbons, prix prévisibles et possibilité de payer en carte bancaire et, surtout, réservation et paiement dans une app.
Le jour et la nuit.
Bien sûr cela n’a pas duré mais au début ce fut un vrai choc.
Quel fut l’impact immédiat de Uber ?
Bien sûr cela a été une évolution majeure du marché, voire une révolution. Pour quels impacts ?
Une meilleure expérience client qui est devenu le nouveau standard désormais exigé par les clients.
Une augmentation significative de l’offre. Significative mais pas gigantesque. A l’époque seuls une catégorie de chauffeurs et de véhicules sont éligibles à venir « Ubers » donc l’augmentation de l’offre, si elle a été réelle, n’a pas totalement bousculé le marché non plus.
Quant à l’impact sur l’emploi ? A ce moment il était très faible. Il s’agissait surtout de chauffeurs privés qui ont augmenté leur activité, pas de chauffeurs nouveaux qui se lançaient.
A ce stade les deux bénéficiaires étaient les clients et les chauffeurs en question. Quant aux taxis, le phénomène bien que médiatisé restait trop marginal pour leur faire du mal.
Quand Uber élargit son marché
L’offre Uber était excellente pour un certain marché mais certainement trop premium pour vraiment croitre sur le marché. C’est là qu’une offre d' »entrée de gamme », Uber X est arrivée. Et c’est là qu’on a vu déferler un nombre important de chauffeurs vers la profession. Et c’est là que les taxis ont vu rouge.
Concurrence déloyale ? Je ne suis pas qualifié pour le dire mais il est certain que certaines pratiques étaient très limites.
Expérience client ? La chute ! N’exagérons rien, un Uber X était toujours meilleur qu’un taxi moyen de l’époque mais ça n’avait plus rien à voir avec la promesse originelle qui, si elle était maintenue par ailleurs, n’était pas à la portée de tous. Mais plus le temps a passé plus le chauffeur Uber devenait l’incarnation de ce qu’on reprochait aux taxis par le passé.
Quoi qu’il en soit malgré la baisse de qualité Uber a continué à croitre. Surprenant ? Non. Beaucoup ont cru que ce ça qui a fait son succès au départ était « le chauffeur en costume et la bouteille d’eau ». Et bien non. C’était juste la réservation et le paiement dans l’app.
Une chose est certaine : cet élargissement de l’offre a mis de nombreuses personnes sur le marché du travail. Quant à dire que ça leur a donné un travail… Ils ont découvert les joies et les vicissitudes de l’entrepreneuriat avec une plateforme qui leur impose des règles du jeu plus que déséquilibrées.
Il a aussi permis de vraiment augmenter l’offre sur Paris, d’où la colère a moitié compréhensible des taxis. A moitié car tout le monde ne jouait pas le jeu en termes de qualification. Mais d’un autre côté si les clients leur préféraient ce service, même dégradé depuis son origine, ils n’avaient qu’à s’en prendre qu’à eux même.
Autant rappeler ici que le succès d’Uber n’était pas inéluctable contrairement à ce que certains ont avancé. Dans un pays comme le Japon son activité reste plus que marginale. Pourquoi ? Regardez la qualité de service proposée par un taxi à Tokyo, voiture impeccable, gants blancs…il n’y a pas de place pour Uber. Sauf pour les étrangers qui apprécient de réserver par une app au lieu de parler à un chauffeur qui la plupart du temps ne parle pas anglais.
Cela m’a fait drôle d’un seul coup de trouver des files taxis qui attendaient des clients place de l’Opéra à Paris des jeudis soirs alors qu’avant il fallait parfois attendre plus d’une heure pour qu’une voiture ne s’arrête…
Uber, l’allié des taxis
Je pense que beaucoup de chauffeurs de taxi sont trop fiers pour l’admettre même si certains l’admettent de temps en temps : Uber a fait beaucoup de bien à la profession car il l’a obligée à se remettre en cause et s’améliorer.
Depuis plusieurs années le meilleur service de transport en voitures à Paris s’appelle…les Taxis G7. Voitures impeccables, chauffeurs policés, une app qui permet une grande flexibilité car on peut également héler une voiture dans la rue et payer avec l’app.
Les bons chauffeurs sont restés, les autres se sont améliorés ou ont quitté la profession.
Le gagnant ? Encore une fois le client mais pas seulement. Je pense que le taxi a été également réhabilité par l’amélioration de son service. Je continue à entendre parfois des blagues sur les taxis provinciaux mais à Paris c’est bel et bien fini. Même les touristes ne se plaignent plus ni d’eux ni de leur niveau d’anglais. C’est dire…
G7 se serait il remis en cause ainsi que ses chauffeurs aussi vite sans Uber ? Sincèrement je ne le pense pas. L’effort a été conséquent et n’aurait pas été justifié si aucune concurrence n’avait existé.
Et aujourd’hui ?
En tout objectivité il faut reconnaitre, pour ceux qui ont des oeillères, que le meilleur service à Paris n’est plus Uber mais les taxis. Bien sûr l’offre premium de Uber continue à exister mais G7 a la sienne également. Et en plus les taxis ont le droit d’emprunter les couloirs de bus et de circuler dans des endroits ou Uber et ses clones ne peuvent pas.
On reconnaitra toutefois à Uber le fait d’avoir permis à un certain nombre de personnes d’avoir une activité professionnelle (même dans des conditions parfois discutables), d’avoir augmenté l’offre de voitures sur Paris (sinon la situation serait invivable aujourd’hui) et d’avoir poussé les taxis à se réinventer.
Pour tout cela son arrivée en France a été une excellente chose et il faut qu’une concurrence continue a exister si on veut qu’un service de qualité perdure.
Conclusion
Si le modèle Uber est tout sauf parfait et n’a parfois pas été respectueux des lois (ni les chauffeurs respectueux des clients) il a eu le mérite de faire bouger les lignes.
Si aujourd’hui nous avons une offre variée et de qualité qui nous permet de nous passer d’Uber c’est aussi parce qu’Uber a obligé les autres à se remettre en cause.
A titre personnel je n’utilise plus Uber que dans un cas : quand je voyage à l’étranger et que je ne suis pas encore familiarisé avec les transports locaux ou que leur mode de fonctionnement ne me convient pas. Solution de facilité.
Image : Uber de Lutsenko_Oleksandr via Shutterstock