Plus de 600 avions volés à leurs propriétaires par les compagnies russes

Au nombre des effets collatéraux de la guerre en Ukraine on trouve 670 avions propriétés de sociétés ouest-européennes ou américaines que leurs propriétaires ne reverront jamais et pour lesquels ils risquent de ne pas toucher un centime.

Les « lessors » entre le marteau et l’enclume

Comme nous vous l’avions expliqué dans un précédent article, la plupart des compagnies aériennes ne sont pas propriétaires de leurs avions : elles les louent. Une tendance qui ne fait que s’amplifier chaque jour et qui fait qu’aujourd’hui les plus importants propriétaires d’avions ne sont pas des compagnies aériennes mais des sociétés de crédit-bail ou « lessors ».

Ces derniers financent aujourd’hui plus de 50% de la flotte mondiale.

Leur business est des plus simples : ils achètent des avions pour les louer aux compagnies aériennes en échange d’un loyer.

Simple mais compliqué lorsque les sanctions qui s’appliquent à la Russies leur oblige de mettre fin à leurs relations commerciales avec les entreprises du pays de M. Poutine.

Ils n’ont dès lors que deux solution : continuer leur business à leurs risques et périls ou mettre fin unilatéralement aux contrats de leasing qui les lient à des compagnies russes.

La première n’est pas envisageable : ce serait risquer des sanctions et puis alors que les avions russes ne peuvent plus voler nulle part, ce qui signifie que les compagnies russes vont devoir les clouer au sol et enregistrer de lourdes pertes, c’est prendre de risque de se retrouver avec des débiteurs insolvables.

La seconde est donc la voie de la raison mais n’est pas un long fleuve tranquille non plus : terminer un contrat est une chose, récupérer l’avion en est une autre.

Le plus grand « vol » d’avions jamais organisé !

Ce seraient plus de 170 appareils qui seraient concernés, aux mains de 17 compagnies, Aeroflot (160 appareils), S7 Airlines (107) et Rossiya Airlines (93 ) en tête.

Alors oui les lessors ont mis un terme aux contrats et veulent récupérer leurs avions. Pensez vous une seule seconde que les compagnies russes vont les leur restituer ? Bien sûr que non. Elles vont les garder et les opérer autant qu’elles peuvent, espérant un jour pouvoir réopérer toutes les routes qui leurs sont aujourd’hui interdites.

Et de toute manière cela ne leur coûte rien et c’est un beau pied de nez fait aux pays de l’ouest avec le soutien tacite du gouvernement.

La loi protège les lessors…tant que tout le monde est honnête

Comme nous l’avions également expliqué dans notre précédent article, les lessors se protègent des créanciers douteux en leur demandant d‘immatriculer leurs avions dans des pays dont la loi leur permet de les récupérer plus facilement. Raison pour laquelle la plupart des avions russes sont immatriculés aux Bermudes, à Anguilla ou en Irlande.

Tout cela est bien beau mais encore faut il saisir les avion et on voit mal leurs propriétaires venir à Moscou les mains dans les poches et saisir la justice locale.

Les lois les plus protectrices pour les lessors ont une limite : encore faut il que l’appareil soit situé dans un pays « coopératif » pour être saisi, peu importes son pays d’immatriculation. Et il est difficile d’imaginer que la Russie se montre coopérative dans ce cas.

Victoire à la Pyrrhus pour les russes ?

La réaction des russes est un pied de nez aux sociétés de crédit-bail mais elle vise plus à nuire qu’à en tirer un avantage. Oui les lessors vont perdre de l’argent mais les compagnies russes n’en profiteront pas.

Tant qu’il leur est quasi impossible de voler à l’étranger ces avions ne servent pas à grand chose. Et le jour où cela sera à nouveau possible ils seront saisis dès qu’ils poseront une roue sur le tarmac d’un aéroport Européen, Américain ou autre.

Mais quelle sera alors la valeur de ces avions ? Ils vont voler sans suivi officiel et leur historique de vol devra être « reconstruit » par leurs propriétaire si ils veulent les remettre sur le marché en satisfaisant aux règles de sécurité.. Le tout pour un coût qu’on imagine astronomique et au fruit d’un travail long et fastidieux.

En attendant M. Poutine a autorisé les compagnies russes à payer les lessors en rouble. Sûr que cela fait une belle jambe à tout le monde vu que ces derniers n’ont plus le droit de fournir d’avions aux compagnies russes ni de commercer avec elles.

Une longue bataille avec les assurances

De fait les lessors vont devoir trouver comment rentrer dans leurs frais et notamment en s’adressant à leurs assureurs.

Mais le risque que ceux ci se dédouanent en plaidant des circonstances exceptionnelles (comme une guerre) là où les propriétaires ne verront sûrement qu’une banale escroquerie est grand.

Conclusion

Les lessors ne reverront probablement jamais les près de 700 appareils au mains des compagnies aériennes russes. Si celles-ci n’en tireront aucun avantage, les lessors auront eux bien du mal de rentrer dans leurs frais quand bien même ils récupéreraient les avions un jour.

Crédit : Avions Aeroflot de Tupungato via Shutterstock

Bertrand Duperrin
Bertrand Duperrinhttp://www.duperrin.com
Voyageur compulsif, présent dans la communauté #avgeek française depuis la fin des années 2000 et passionné de (longs) voyage depuis sa jeunesse, Bertrand Duperrin a cofondé Travel Guys avec Olivier Delestre en mars 2015. On peut le retrouver aussi aussi sur http://www.duperrin.com où il parle depuis plus de 10 ans de la transformation digitale des organisations, son métier quand il est au sol.
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