Que se passe-t-il quand l’avion a une panne moteur ?

Une des pires hantises du passager aérien est la panne de moteur ! Que se passe-t-il si un moteur tombe en panne ou prend feu ? Comment les pilotes gèrent ils la situation ? On va essayer de tout vous expliquer ici.

La panne moteur est hautement improbable

Sans rentrer dans des explication techniques complexes et qui iraient au delà de nos compétences sachez que le risque de faire face à une panne moteur est quasi-nul.

Comme l’écrivait le blog Peur Avion très au fait des sujets de la sécurité aérienne, la probabilité qu’un Boeing 767 connaisse une telle panne est de une sur 4.000.000.000 heures de vol (quatre milliards) ! Et encore on parle de chiffres qui datent d’il y a plus de 20 ans alors que chaque génération d’avion et de moteur fait des progrès significatifs en la matière.

Toujours selon la même source « Un travail de recherche réalisé par une équipe de l’ESTACA a permis de prouvé que le taux de défaillance sur un avion bimoteur n’est que de 0,00000236 même en intégrant tous les cas imaginables, des cendres volcaniques aux erreurs humaines de manipulation ! »

Si tout le monde a bien entendu parler du crash sur l’Hudson dû à l’ingestion d’oiseaux, ce genre de phénomène arrive 30 000 fois par an sans causer la moindre panne !

Si les cas où un avion a dû faire face à une panne moteur sont hautement médiatisés ils sont par contre très rare. Aujourd’hui on admet qu’un pilote puisse faire toute sa carrière sans en connaître une donc, en tant que passager, le risque d’y être confronté est quasi nul.

Une panne moteur ? Même pas grave !

Mais partons du principe que vous avez vraiment la poisse (vous avez 35 000 fois plus de chance de toucher le jackpot à l’Euromillion que de connaitre une telle panne) et que votre vol connait une panne moteur. Est-ce grave ?

Toutes les pannes ne sont pas égales. Tout dépend du moment où elle se passe (en croisière, pendant le décollage…), de l’endroit où elle se passe (au milieu de l’océan, à proximité d’un aéroport), de la manière dont elle se manifeste (réacteur à l’arrêt ou en flammes) et du nombre de réacteur touchés…

Si perdre un réacteur est rare, en perdre deux l’est encore plus et a fortiori quatre si vous volez sur un B747 ou un A380 !

Un avion commercial peut, selon le modèle, voler « un certain temps » avec un seul moteur. C’est tout le but de la certification ETOPS qui nous dit combien de temps un avion peut voler sur un seul moteur et détermine la distance maximum à laquelle il doit se tenir d’un aéroport pour se poser en cas d’urgence. Aujourd’hui les appareils les plus modernes sont certifiés pour tenir jusque quasiment 7h avec un seul moteur, quasiment une traversée de l’Atlantique.

Et ça n’est pas parce que la panne moteur est très improbable qu’on fait comme si elle n’existait pas. Les avions et leurs moteurs sont régulièrement révisés et parfois entièrement démontés lors des visites d’entretien majeures. Quant aux pilotes si le risque qu’ils fassent face à une telle panne est quasi nul en vol ils y sont sans cesse confrontés en simulateur et sont parfaitement entrainés à gérer de telles situations.

Bon, vous êtes toujours convaincu que vous risquez de connaitre une panne moteur lors de votre prochain vol ? On va vous expliquer ce qui se passe et comment la situation est gérée.

Nous allons examiner deux cas : la panne moteur au décollage et en vol.

NB : ceci est un article de vulgarisation pour le grand public qui n’a pas la prétention d’être aussi exhaustif et précis que ce que vous expliquerait un pilote !

Que faire en cas de panne moteur au décollage ?

Le décollage est la phase la plus critique du vol. L’avion s’élance sur la piste et en fonction de la vitesse qu’il atteint il n’est soit pas encore capable de décoller ou plus capable de s’arrêter avec une zone grise où il ne peut plus s’arrêter mais où décoller demande les plus grandes précautions.

Au fur et à mesure que l’avion prend de la vitesse il va atteindre trois palliers.

  • V1 : c’est la vitesse à laquelle pour la dernière fois le pilote peut décider de ne plus décoller. Une fois V1 dépassée le décollage aura lieu, peu importe ce qui se passe. Dans la pratique, vu le temps de réaction entre la survenance d’un événement et la réaction du pilote, si une décision est prise à V1 voire juste avant, la réaction aura lieu alors qu’elle est dépassée. C’est donc vraiment un moment critique où le pilote doit prendre la bonne décision.
  • Vr : c’est la vitesse de rotation, vitesse à partir de laquelle le pilote peut lever le nez de l’appareil vers le ciel (cabrer) pour le faire décoller. C’est une vitesse minimum : à Vr le pilote doit très précautionneusement lever le nez car la vitesse peut être « juste suffisante », lorsque l’avion va plus vite il peut manoeuvrer plus directement.
  • V2 : c’est la vitesse de sécurité à laquelle l’avion peut décoller en cas de panne d’un moteur.

V1, Vr et V2 sont calculée pour chaque décollage en fonction de l’appareil, de sa charge, des conditions climatiques etc.

En conditions normales un appareil accélère jusque Vr et effectue sa rotation à partir de Vr. En cas de panne moteur il soit attendra d’avoir atteint V2 pour effectuer sa rotation soit V2 devra être atteinte au plus tard à 15m du sol.

Donc revenons à notre panne moteur.

Si elle est identifiée et que le pilote agit avant V1 le pilote interrompt la procédure de décollage (RTO : Rejected Take Off). Il sort les volets, enclenche les inverseurs de poussée et freine. Dans les faits dès que l’inverseur de poussée est enclenché les freins automatiques (autobrake) s’enclenchent pour assurer un freinage optimal sans action du pilote et lui permettre de se concentrer sur d’autres paramètres comme la trajectoire de l’appareil.

Voici un exercice de Rejected Take Off sur un A330 Neo.

Si la panne est constatée après V1 ou si le pilote réagit après V1 :

1°) Le pilote va s’attacher à garder l’appareil sur sa trajectoire en compensant la poussée du réacteur défaillant. Cet exercice lui permet le plus souvent de déterminer quel moteur est défaillant si cela n’a pas déjà été fait.

2°) A Vr il va cabrer l’appareil. L’objectif est de quitter le sol à V2 ou d’atteindre V2 au plus tard à 15m du sol pour avoir une vitesse suffisante pour monter en toute sécurité sur un seul moteur sans décrocher. Le cabré sera plus progressif que dans des conditions normales pour laisser à l’appareil le temps d’atteindre V2.

3°) Une fois qu’un taux de montée suffisant sera atteint l’équipage pourra analyser la situation et le cas échéant engager le pilote automatique pour se concentrer sur la check list. Le pilote doit compenser l’asymétrie de la poussée.

4°) Le moteur dysfonctionnel est mis hors fonction. Encore est-il utile de rappeler qu’il faut couper le bon moteur ! Tout le monde se souvient du crash de cet ATR à Taipei dont l’équipage a coupé le mauvais moteur alors qu’il était en pleine ascension.

Ensuite tout dépend de ce qui est constaté mais à moins que d’autres mesures urgentes soient à prendre l’équipage prendra contact avec la tour de contrôle pour évaluer la meilleure option qui selon les cas sera un retour à l’aéroport ou un atterrissage sur un aéroport proche plus facilement accessible.

Que faire en cas de panne moteur en vol ?

Deuxième scénario, tout aussi improbable que le premier : la panne en vol.

Cela peut sembler évident mais la première priorité pour le pilote est de faire voler l’avion. Avec un réacteur en moins il ne peut pas maintenir à la fois la vitesse et l’altitude de croisière donc il va falloir arbitrer et le bon sens fait qu’il va devoir descendre pour maintenir une vitesse qui évitera notamment le décrochage.

En théorie tout ce travail sera fait par l’ordinateur de bord qui déterminera l’attitude optimale.

Une fois et une fois seulement que cette altitude est déterminée et entrée dans le pilote automatique le pilote passe à l’étape suivante.

Ensuite il communiquera avec le contrôle aérien. Comme dans le cas d’une panne moteur pendant le décollage la priorité du pilote est d’abord de faire en sorte de faire en sorte que l’avion vole dans les meilleures conditions possibles (altitude, vitesse, trajectoire) et règle les problèmes urgents avant de communiquer ! Pour être plus précis le pilote s’occupe des manoeuvres pendant que le copilote s’occupe des communications.

Le contrôle aérien sera informé de la situation et des décisions prises.

C’est seulement à ce moment qu’un diagnostic est effectué ! Encore une fois la priorité est de faire voler l’avion dans les meilleures conditions et rien qui ne détourne l’attention de l’équipage de cet objectif ne doit être entrepris tant que l’avion n’est pas « en sécurité ». Là encore le pilote manœuvre pendant que le copilote s’occupe de la checklist. Et la première action entreprise est de couper le moteur défaillant.

Une fois le problème totalement analysé il sera temps de prendre des décisions au calme. Là encore tout dépend du contexte, de l’appareil… Il pourra être décidé de rejoindre l’aéroport le plus proche mais souvenez vous qu’un biréacteur peut voler parfois jusque 7h sur un seul moteur !

Et le passager dans tout cela ?

Si ce genre de scénario, rappelons le hautement improbable, se produit, l’équipage est totalement entrainé à le gérer dans le plus grand calme.

Mais il n’est pas dit que le passager le vive de la même manière ! Voir l’appareil changer de trajectoire, réduire sa vitesse et son altitude en plein vol inquiète et a fortiori si cela s’est accompagné d’un bruit bizarre voire de flammes !

Les passagers seront bien sûr informés dès que la situation le permettra ! Mais on comprendra que pour des raisons de sécurité les priorités de l’équipage soient dans cet ordre : faire voler l’appareil, résoudre les problèmes, communiquer avec l’extérieur, informer les passagers.

Conclusion

La panne moteur est une des plus grandes angoisse du passager mais si elles sont largement médiatisées voire si leur déroulement est largement exagéré par les médias elles sont plus qu’improbables.

Mais même dans ce cas les équipages sont totalement entrainés à les gérer, et rappelons le, les avions modernes peuvent voler sur un seul réacteur pendant des heures.

Crédit Photo :frankpeters / iStock

Bertrand Duperrin
Bertrand Duperrinhttp://www.duperrin.com
Voyageur compulsif, présent dans la communauté #avgeek française depuis la fin des années 2000 et passionné de (longs) voyage depuis sa jeunesse, Bertrand Duperrin a cofondé Travel Guys avec Olivier Delestre en mars 2015. On peut le retrouver aussi aussi sur http://www.duperrin.com où il parle depuis plus de 10 ans de la transformation digitale des organisations, son métier quand il est au sol.
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