Chaque jour en France des cafés et des bistros ferment sans trouver de repreneurs. Les causes du déclin des bistrots en France sont connues et on les a évoqué la semaine dernière : nouveaux comportements de consommation, concurrence accrue de la restauration rapide, couts insupportables, enchainement de crises…
Une situation suffisamment inquiétante pour que les pratiques sociales et culturelles des bistros et cafés aient fini par être inscrites au patrimoines immatériel français.
Un commentaire de nos lecteurs nous a amené à nous interroger sur le caractère très français de cette situation alors que dans le sud de l’Europe les lieux de convivialité continuent à vivre leur vie et à attirer des clients.
Mais en est-on si sûrs ? Ca n’est pas parce que je vois des bar à tapas pleins à Madrid que d’autres ne ferment pas et que la situation n’est pas inquiétante dans des villes moins touristiques. Alors il n’est pas très évident de réunir des chiffres sur le sujet mais j’ai essayé.
80 pubs ferment chaque mois au Royaume-Uni
Les pubs subissent une fermeture massive avec environ 50 à 80 établissements qui ferment chaque mois en 2024. Un déclin attribué à la pandémie de COVID-19, à l’augmentations de taxes, et à la modification des habitudes de consommation (comme la montée de la consommation à domicile). Près de 750 pubs auraient donc fermé rien qu’au premier semestre de 2024, une situation que l’industrie qualifie de crise.
Les chiffres sont éloquents :
• 1990 : Environ 63 500 pubs.
• 2000 : Environ 60 800 pubs.
• 2023 : Environ 39 404 pubs.
L’osteria italienne en perte de vitesse
Là il est difficile de trouver des chiffres mais le nombre d’Osterias ne serait que de 1730 en 2023. Impossible de penser que ce restaurant si typique n’ait pas connu un terrible déclin pour tomber à un chiffre aussi bas quand on sait que la France compte 40 000 bistros !
Il semble que ce soit justement la crainte d’une vraie crise qui ait poussé les autorités à enfin tenir un décompte qui n’existait pas avant.
Sans citer de chiffres la presse spécialisée parle d’un déclin qui s’est accéléré dans les années 2000. Un déclin qui s’expliquerait, comme en France, par les hausses de loyer et la concurrence des restaurants touristiques poussent ces établissements historiques vers la fermeture, surtout dans les grandes villes comme Rome et Venise. Ces restaurants font également eux aussi face à des défis dus à l’évolution des goûts et de la préférence des jeunes générations pour des expériences plus modernes et diversifiées.
Les bars en Espagne : c’est la chute libre
Difficile aussi de trouver des chiffres spécifiques aux bars à tapas en Espagne mais par contre ceux qui concernent les bars sont publics et ont peut imaginer que les bars à tapas en représentent une part significative.
Ce qu’on sait c’est qu’en 2000 l’Espagne comptait environ 200 000 bars, incluant les bars à tapas. Selon l’Institut National de la Statistique espagnol (INE), au 1er janvier 2023, le nombre total de bars en Espagne n’était plus que de 168 065, marquant une diminution de 17 % par rapport à 2021.
Là encore la presse évoque les mêmes facteurs : les pressions économiques, les changements démographiques et l’évolution des préférences des consommateurs.
Ca n’est pas la restauration qui meurt mais la convivialité
Des chiffres qui peuvent sembler étonnants car on ne peut pas dire qu’ils soit difficile de se restaurer dans ces pays, comme en France d’ailleurs.
En effet d’autres établissements ouvrent et se développent : on pense notamment à la restauration rapide et à la haute gastronomie.
Si la restauration rapide n’est une surprise pour personne il faut avoir conscience de la premiumisation de l’offre de restauration à peu près partout dans le monde. Et là facile de trouver des chiffres: le Michelin fait foi.
Si on ne regarde que les restaurants étoilés on obtient ceci :
1990 | 2000 | 2023 | |
France | 400 | 500 | 630 |
Italie | N/A | 200 | 385 |
Espagne | 50 | 100 | 250 |
Royaume-Uni | 20 | 50 | 187 |
Si chez Travelguys on aime beaucoup les étoilés ça n’est pas ce qu’on peut appeler des lieux de convivialité au sens strict, malgré les excellents moments qu’on y a passé.
Il est plus difficile de compiler des chiffres sur la restauration rapide alors nous avons fait confiance à l’intelligence artificielle avec toues les limites de l’exercice.
1990 | 2000 | 2023 | |
France | 1000 | 2500 | 15000 |
Italie | 500 | 1200 | 8000 |
Espagne | 800 | 1800 | 10000 |
Royaume-Uni | 2000 | 4000 | 20000 |
Tout cela n’explique pas tout et ne suffit pas à remplacer les lieux de convivialité traditionnels qui ont disparu mais on note tout de même une tendance qui est le renforcement de l’offre par le haut et par le bas au détriment d’une offre intermédiaire historique.
Un tendance que je laisse les professionnels du secteur expliquer car mes connaissances du secteur s’arrêtent là.
Conclusion
Ce qui est en train de disparaître, ce n’est pas la possibilité de manger ou de se restaurer, mais plutôt un certain art de vivre, une forme de convivialité propre aux établissements traditionnels comme les bistros, osterias, bars à tapas, et pubs. Si la restauration rapide et gastronomique prospère, elles ne remplacent pas ces lieux de rencontre et de partage qui faisaient partie intégrante du quotidien de nombreux habitants et touristes. Il reste à voir si ces espaces culturels pourront se réinventer pour perdurer ou s’ils deviendront des vestiges d’une époque révolue.
En tout cas c’est une bonne chose de voir que la presse s’en émeut et que le autorités commencent à prendre le problème à bras le corps.
Image : lieu de convivialité de DavideAngelini via Shutterstock.