Le Futur du Supersonique : un crash avant même le décollage ?

On vous parlait dernièrement d’un possible retour en grace du supersonique. Un retour soumis à de nombreuses conditions et il semble bien que dès aujourd’hui les nuages commencent à s’amonceler sur le projet, peut être de manière déjà rédhibitoire.

Boom Supersonic

On vous en parlait au début de l’été : United avait décidé de se lancer dans le renouveau de l’aventure supersonique grâce à l’Overture, un appareil conçu par la startup Boom Supersonic.

L’appareil doit emmener 88 passagers à Mach 1,7 et être le premier appareil conçu pour être totalement neutre en carbone.

United avait été rejoint il y a peu par American Airlines.

A l’époque nous étions bien sûr emballés par le projet mais avec un bémol majeur : encore fallait que l’avion vole. Et pour voler il lui faut des moteurs.

Rolls Royce jette l’éponge

En effet à ce jour aucun prototype de l’Overture n’a encore volé donc on ne parle que d’une promesse sur le papier. Pour qu’un tel projet devienne réalité, et on l’a vu avec le Concorde en son temps, non seulement faut il des trésors d’ingénierie pour concevoir l’appareil dans son ensemble (quoique depuis d’énormes progrès aient été faits) mais il lui faut surtout des moteurs adaptés. Et c’est Rolls Royce qui devait les fournir.

Mais le motoriste a récemment indiqué avoir mis un terme à sa collaboration avec Boom au motif qu’après avoir réalisé et livré un certain nombres d’études, le marché du supersonique ne leur apparait pas prioritaire.

« Nous avons terminé notre contrat avec Boom et livré diverses études d’ingénierie pour leur programme supersonique Overture » [..] « Après mûre réflexion, Rolls-Royce a déterminé que le marché supersonique de l’aviation commerciale n’est pas actuellement une priorité pour nous et, par conséquent, ne poursuivra pas le travail sur le programme pour le moment. Ce fut un plaisir de travailler avec l’équipe de Boom et nous leur souhaitons beaucoup de succès à l’avenir. »

Qu’en penser ?

On pense que si Rolls Royce s’est engagé dans le projet au départ c’est tout de même qu’ils y croyaient. Donc ce revirement peut sembler bizarre à moins que des choses soient apparues entre temps qui justifient ce revirement : contraintes environnementales, coûts de production, réestimation de la taille du marché ou mêmes doutes dans la capacité de Boom à aller jusqu’à l’industralisation du produit.

Ce que nous pensons c’est que Rolls Royce a trouvé l’idée prometteuse sur le papier et a profité de ce partenariat pour l’explorer sans engagement au lieu de se lancer seul dans le projet sans savoir si un avionneur serait un jour intéressé par le moteur.

D’ailleurs les mots utilisés en disent long. Le texte dit « completed » et pas « terminated ». Rolls Royce a accompli sa mission et ne s’engagera pas davantage. En cas de rupture nette à leur initiative ils auraient dit « terminated ».

Pour Rolls Royce il ne s’agissait certainement que d’une phase exploratoire sans engagement que Boom a vendu comme un engagement à long terme pour rassurer d’éventuels clients.

Bref aujourd’hui l’Overture n’a pas de moteurs, ce qui n’est pas un vrai changement, mais n’a aucun partenaire qui travaille sur le sujet et là c’est un vrai problème dans l’optique d’un lancement en 2029.

OAG ne croit pas au supersonique

Mais les analystes du secteur semblent également sceptiques sur le fait qu’il existe un marché pour de tels appareils. En tout cas c’est le cas d’OAG dont le Chief Analyst a donné son avis à Phocus Wire.

Il y dit en gros qu’il n’existe pas de marché de masse pour le voyage supersonique, qu’il ne serait qu’un marché de niche que le secteur ne peut se payer et qu’entre le COVID et la crise qui arrive le marché à encore baissé de l’ordre de 30%.

Il pose également la question de la promesse d’un carburant environnementalement neutre qu’on ne sait aujourd’hui produire ni distribuer à grande échelle.

Il croit davantage au décollage vertical.

Une analyse qui a beaucoup de sens même si, l’histoire le prouve, c’est souvent le marché qui crée la demande et que le carburant durable est l’étape « facilement accessible » qui permettra de patienter jusqu’à l’électrique ou l’hydrogène…ou autre chose. Il a vocation à devenir lentement mais sûrement une norme.

Quant au marché il a indéniablement raison. Nul doute qu’il y a une clientèle pour voler en supersonique pour des prix équivalents à ceux d’une classe affaire chère mais pas assez pour remplir les avions commandés par United et American Airlines.

Quoique son raisonnement mérite un bémol : il ne parle que des voyageurs d’affaires. Un prisme totalement logique si on pense à les liaisons entre le nord-est américain et l’Europe mais qui est à relativiser. Selon les moments et les routes il n’est pas rare de voire des cabines business fortement remplies de voyageurs loisir. Ben Smith reconnaissait d’ailleurs il y a peu que 50% de la clientèle des classes business et First d’Air France étaient des voyageurs loisirs du segment premium.

Bref oui il y a certainement un marché de là ce que ce marché soit assez grand et rentable pour justifier d’investir dans un tel programme, il y a une vraie prise de risque.

Que peuvent perdre United et American Airlines ?

La question que se pose est que peuvent perdre les compagnies qui se sont engagées à acheter l’Overture. La réponse est simple : rien.

Aujourd’hui elles ont pris une option afin d’être présentes sur ce marché s’il voit le jour. Si l’appareil voit le jour elles seront des pionnières, sinon cela ne leur aura rien coûté.

Et en attendant cela leur fait de la publicité, ce qui était peut être le seul objectif poursuivi.

Conclusion

A ce jour on ne sait pas si l’Overture verra le jour faute de moteur ni s’il existe un vrai marché pour le vol supersonique dans le futur. Rien de neuf : on ne connait la réalité d’un marché pas en faisant des études mais en confrontant l’offre et la demande le jour ou l’offre existe. On l’a bien vu pour l’A380.

En attendant cela permet à des compagnies de faire parler d’elles, à des entrepreneurs de faire rêver et on verra bien ce qu’il en adviendra en 2029.

Bertrand Duperrin
Bertrand Duperrinhttp://www.duperrin.com
Voyageur compulsif, présent dans la communauté #avgeek française depuis la fin des années 2000 et passionné de (longs) voyage depuis sa jeunesse, Bertrand Duperrin a cofondé Travel Guys avec Olivier Delestre en mars 2015. On peut le retrouver aussi aussi sur http://www.duperrin.com où il parle depuis plus de 10 ans de la transformation digitale des organisations, son métier quand il est au sol.
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