Fin d’un mythe : les millenials sont des voyageurs comme les autres

Il n’est pas un secteur qui ne fasse les yeux doux aux millenials, cette génération « différente » qui remet tout en cause et refuse les modèles d’avant. Mais sont-ils si différents que cela ?

Millenials et voyage : on parle de jeunes plus si jeunes et de gros sous

Avant d’aller plus loin commençons par définir ce dont quoi nous parlons !

Qui sont les millenials ? En gros la génération née entre le milieu des années 80 et le milieu des années 90.

Pourquoi en parle-t-on (1) ? Parce qu’ils refusent tous les codes d’avant, ont des exigences, valeurs, attentes nouvelles et ne se retrouvent pas dans les comportements et les habitudes des générations d’avant.

Pourquoi en parle-t-on (2) ? Parce qu’ils sont les clients d’aujourd’hui et de demain, les décideurs de demain : bref ceux qui vont redéfinir des secteurs et surtout consommer le plus.

Ils sont l’avenir car ils survivront à tous ceux qui parlent d’eux mais surtout parce qu’ils feront demain l’essentiel du chiffre d’affaire de tout le monde. Et c’est certainement la meilleure raison d’essayer de les comprendre (oui désolé les millenials, si les marques vous aiment ça n’est pas parce que vous êtes jeunes et disruptifs mais en raison de vôtre potentiel de dépenses).

En plein millénial Washing

Et on ne cesse voir fleurir des initiatives voire des marques destinées aux millenials.

Vous vous souvenez de Joon ? Bon ok ça n’est pas le meilleure exemple. Ou peut-être si, justement : parce que finalement les millenials ne s’y sont véritablement pas retrouvés. Mais faisons attentions et ne jetons pas le millenial avec l’eau du bain en se basant sur ce seul exemple : le positionnement millenial de Joon avait surtout pour but de détourner les regards d’autres ambitions « secrètes » de la compagnie. Au final elle n’aura ni séduit les jeunes ni phagocyté à moindre coûts le long courrier d’Air France. Ok c’était du millenial Canada Dry, passons à autre chose.

ALL ! Accor Live Limiteless le futur et très vague nouveau nouveau nouveau programme de fidélité d’AccorHotels, heu non d’Accor. (Vous suivez) ? Chez One Mile at a time on s’inquiète du fait qu’à vue de nez il semble avoir été conçu avec des consultants spécialisés sur le marché des millenials !

Et pour être honnêtes chez TravelGuys les millenials on n’y croit pas. D’accord ils ne sont pas comme ceux d’avant, ni comme ceux d’après d’ailleurs, ce qui est par définition le propre d’un changement de génération. Et ça n’a jamais empêché la terre de tourner.

Ensuite parce qu’on confond allègrement rupture générationnelle et moments de la vie. A une époque on bricole avec les potes, à une on s’affirme, ensuite on construit une famille, après on se fait plaisir et on dépense pour soi quitte à redevenir égoïste, et on termine en retrouvant le plaisir des choses simples. A chaque étape correspond une manière de se situer dans le collectif, des choses auxquelles on accorde de l’importance et d’autres dont on se moque.

Et le millenial suit le même parcours que ses prédécesseurs à ceci-près que si les analystes économiques voient juste il « bricolera » un peu plus longtemps, faute à des carrières moins linéaires et qui décollent moins vite. Car on peut disserter aussi longtemps qu’on veut sur les aspirations profondes d’une génération qui dicte ses modes de consommation, on ne peut pas occulter l’aspect financier. « Quand on ne peut avoir ce que qu’on aime on apprend à aimer ce qu’on a ». Mais avec le temps ça finit par changer au fur et à mesure qu’on se construit une carrière.

Et enfin parce qu’on ne trouve pas le millenial si différent de ses ainés. Il est même plus impatient et exigeant. Il ne quitte pas les anciens schémas de consommation parce qu’il cherche du sens mais parce que les anciens acteurs le déçoivent au niveau de l’expérience proposée. Le millenial est éthique mais va chez Uber car les taxis ont raté la marche. Il est socialement responsable mais fait du Airbnb fiscalement non déclaré. Mais que l’ancien monde fasse sa révolution et le millenial reviendra.

Les anciennes générations acceptaient la médiocrité, les millenials non !

C’est d’ailleurs le pari de nombre de marques qui sans faire un produit « dédié » aux millenials développent la dimension expérience sur tous les segments de marché car l’expérience les millenials ils tiennent mais les plus vieux aussi. On n’a pas besoin d’avoir 25 ans pour mettre les acteurs de l' »ancienne » économie devant ses responsabilités, simplement que nous avons appris à composer alors que les millenials non. On a accepté la médiocrité, eux non. Et on leur dit merci car pour le coup on aurait peut-être continué à supporter des taxis désagréables et des hôteliers qui se demandaient pourquoi on leur demandait du service et certaines attitudes alors qu’avec un lit où dormir on aurait pu s’estimer heureux si les millenials n’avaient pas donné un coup de pied dans la fourmilière.

Donc non ils ne sont pas différents les millenials. A la limite c’est nous en pire : ils veulent la même chose mais en mieux, tout de suite et sans concession.

Et c’est là que je tombe sur un rapport nommé : The Future of US Millenial travel. Alors oui on parle des Etats-Unis et je pense qu’en terme de marqueur comportemental l’origine culturelle est au moins aussi clivante que la génération. Pour autant, on y apprend des choses très intéressantes.

Quels sont les goûts les millenials en voyage ?

Je vais aller à l’essentiel mais je vous conseille de lire le rapport pour saisir davantage les nuances, car il y en a.

1°) Amateur d’expériences authentiques et de retour aux sources ? Le millenial aime les villes et les complexes balnéaires.

Voici pour ce qui est du retour à la nature et d’autres choses mâtinées de green washing. Alors je mets moi-même un bémol : le pense que le jeune touriste américain a encore plus envie de cela que, par exemple, l’européen qui peut avoir des aspirations plus variées.

Par contre là où à mon avis tous se rejoignent c’est la facilité et la flexibilité sur place : possibilité de planifier au jour le jour, existence de transports en commun ou a minima de dispositifs organisés ou packagés leur permettant de visiter ce qui doit l’être dans et hors de la ville en décidant à la dernière minute et sans avoir de véhicule.

Au temps pour la découverte du pays « profond ». Mais il ne faut pas oublier une chose : le millenial, à force d’être jeune, a vieilli. Il commence à enfin bien gagner sa vie (enfin pour certains) et a envie de s’offrir ce qu’il ne pouvait pas avant (oui les villes ça coûte cher).

2°) Networker, branché communautés, né dans un monde « social », le millenial aime les voyages en solo.

Le millenial a envie de découvrir d’autres pays que le sien et y aller seul ne le dérange pas.

Alors là je vois deux choses en une seule. L’attrait pour l’étranger qui est peut-être une nouveauté pour le millenial US mais a toujours séduit les jeunes européens est la première. Le côté voyage solo pour des gens dont on dit qu’ils favorisent la vie en communauté, les échanges avec les autres et sont tout l’opposé d’une forme d’égoïsme qu’on pourrait prêter au « solo traveller » est la seconde.

Sur le second point j’ai ma lecture de la chose. Y aller seul ne veut pas dire y être seul. Par contre au lieu de partir avec sa bande le millenial se fera des amis sur place, que ce soit en allant à la rencontre des gens, en fréquentant des endroits qui brassent du monde et des gens comme eux (on reparle de nouveaux concepts hôteliers), ou en utilisant les réseaux sociaux.

Et le dernier point : comment financent-ils ça ? Grâce à un arbitrage simple : on économise pour s’offrir des expériences au détriment d’achats de choses matérielles. Donc le millenial ne voyage pas au rabais, par contre il supprime le superflu dans son quotidien quitte à se faire plaisir avec un peu de superflu en voyage.

3°) Entre les voyages et la famille le millenial ne choisit pas

A force de présenter les millenials comme des jeunes on a oublié de les voir grandir. Ils commencent à bien gagner leur vie et ont des enfants. Et là je trouve que c’est ce qui les différencie de leurs ainés : devenir parents ne les arrête pas et ils continuent à voyager même si c’est avec de jeunes enfants.

4°) Le millenial aime l’authentique (bis), le communautaire….et le service des hôtels.

Le type de logement préféré du millenial : c’est l’hôtel ou le resort full service ! Ensuite viennent les séjours chez des amis ou la famille et ensuite les hôtels « all inclusive ». Airbnb ? Ca n’est pas leur truc.

Vous vous souvenez de l’appétence pour les séjours urbain en raison de la facilité à s’organiser sans se casser la tête. On retrouve ici la même logique : ils veulent quelqu’un à qui parler pour répondre à leurs questions et organiser des choses.

Cela ne veut aucunement dire qu’ils ne pratiquent pas le homesharing : c’est simplement ce qu’ils aiment le moins et ne font que sous contrainte, si rien d’autre n’est possible. Souvenez-vous du « quand on ne peut avoir ce qu’on aime on apprend à aimer ce qu’on a ».

Et les hôtels finissent peu à peu par comprendre ce qu’on attend eux en lançant des marques dédiées à cette clientèle (on y croit peu en ce qui nous concerne, en tout cas à terme) et un améliorant globalement l’expérience dans les marques existantes (on y croit plus...en vieillissant le millenial va changer de goûts mais son exigence d’expérience restera la même). Mais en fait d’expérience, qu’attendent-ils exactement ? Bien sûr de l’efficacité dans le service, des attitudes, de l’amabilité mais également des activités qui n’ont rien à voir avec l’hôtel, conçues par un connaisseur local. On en revient une fois de plus au « prenez soin de moi ». Un sujet sur lequel on reviendra en détail prochainement sur TravelGuys.

J’ajouterai autre chose qui n’est pas dans cette étude.

5°) Habitué aux nouvelles technologies et autonome….le millenial ne sait pas réserver ses vacances sur internet

Et bien oui et c’est une autre étude qui en parle. Le millenial sait bien sûr se servir de toutes les technologies à sa disposition pour préparer ses voyages. Mais devant l’infinité du choix il ne sait pas se décider. Je cite :

« Tout aussi inquiétant, ils sont 26% à considérer la recherche sur leurs vacances comme l’un des plus grand stress de leur vie, rapporte Hôtels.com. De manière globale, les Français passent en moyenne dix heures à faire des recherches sur leurs vacances alors qu’ils commencent à en avoir marre après 44 minutes, d’après Hôtels.com. Autant de chiffres qui soulignent la nouvelle souffrance qui frappe les voyageurs en herbe : le « Net Lag ». Il correspond au fait d’être fatigué de scroller le Web à la recherche des meilleures vacances. »

Ou encore

« Pour éviter d’être confronté à cette « phase de recherche insupportable », tous les moyens sont bons. Certains (31%) vont jusqu’à réserver un séjour qui ne leur convient pas ou aux mauvaises dates. D’autres (52%) déclarent retourner dans des destinations qu’ils ont déjà visité, tandis que 17% décident finalement de ne pas partir. Une problématique qui se répercute sur le quotidien des nouvelles générations de voyageurs. »

Au bout du compte si on prête foi à tout cela on va finir par croire que le millenial est surtout un assisté qui ne sait pas décider.

Alors que penser des Millenials ?

Le millenial n’est pas disruptif, il est exigeant

Ils ne sont pas si différents que ça de leurs ainés à ceci près qu‘ils assument pleinement leurs exigences et refusent de rentrer dans les cases. Ils aiment les hôtels mais iront chez Airbnb tant que les hôteliers ne leurs donneront pas un rapport expérience/prix convaincant. Ils sont autonomes mais aiment qu’on s’occupe d’eux. Ils économisent davantage que leurs ainés pour s’offrir de belles expériences mais ne paieront pas pour n’importe quoi.

Comme je le disais, le millenial se traine à tort une réputation de disrupteur alors qu’on ne le remarque que parce qu’il refuse la médiocrité pour laquelle nous avons tous accepté de payer sans rien dire. Il faut dire qu’on manquait d’alternatives également. Les alternatives il les a et a raison d’en profiter.

Mais on aurait tort d’en faire un marché. Les barrières sont tombées et les générations précédentes commence à tomber le masque, adoptant les mêmes comportements pour les mêmes raisons.

Le seul marché qui existe est celui de l’expérience et de l’exigence, qui se décline ensuite différemment selon les âges ou époques de la vie. Le millenial n’est pas un marché mais un segment d’un marché global multigénérationnel et on aurait tort de l’oublier en pensant qu’il faut des produits pour eux à l’exclusion des autres : les attentes sont partagées et quand le millenial aura vieilli de 5 ans il ira satisfaire son exigence ailleurs dans un concept plus adapté à ses attentes du moment et il y n’y aura plus personne dans les chaines pour millenials.

 

Photo : millenials en vacances De DisobeyArt via Shutterstock

 

Bertrand Duperrin
Bertrand Duperrinhttp://www.duperrin.com
Voyageur compulsif, présent dans la communauté #avgeek française depuis la fin des années 2000 et passionné de (longs) voyage depuis sa jeunesse, Bertrand Duperrin a cofondé Travel Guys avec Olivier Delestre en mars 2015. On peut le retrouver aussi aussi sur http://www.duperrin.com où il parle depuis plus de 10 ans de la transformation digitale des organisations, son métier quand il est au sol.
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