Le contrôle aérien dispose de différents moyens pour suivre les avions en vol pour faire face à tous les cas de figure même s’il peut encore arriver qu’accidentellement un avion disparaisse des radars.
Le temps est loin où la radio était le seul moyen de communication entre les avions et le contrôle aérien et où de rares radars ne permettaient de les localiser qu’à de rares occasions. Aujourd’hui tant du côté du contrôle que des avions il existe une multitude de technologies pour s’assurer que peu importe les circonstances un avion n’est jamais « hors de vue ».
Et pourtant la disparition du vol MH370 a suscité un grand nombres de questions : comment un des avions les plus modernes au monde peut il littéralement disparaitre dans une des zones les plus fréquentées et surveillées au monde ?
Si nous n’avons pas la réponse à cette question et ne nous livrerons pas à des suppositions douteuses comme Netflix a pu le faire dans sa série sur le vol MH370, on peut par contre vous expliquer comment les choses fonctionnent dans des circonstances normales, libre à vous de vous faire votre opinions.
Il s’agit bien sur d’un article de vulgarisation et les professionnels nous pardonneront d’avance.
L’observation visuelle
On ne va pas s’attarder sur cet aspect mais aux premiers jours de l’aviation, pour savoir ou étaient les avions, on utilisait ses yeux et une paire de jumelles.
Le radar primaire
Le radar primaire ou PSR (Primary Surveillance Radar) est l’outil le plus basique et primaire utilisé pour suivre un avion.
Le radar émet une onde électromagnétique qui se réfléchit sur l’avion et lui revient.
Ce signal permet à l’opérateur de voir qu’il y a un objet (pas forcemment un avion…), à quelle distance il se trouve et quelle est sa direction.
Il ne lui dit pas de quel appareil il s’agit ni quelle est son altitude. L’altitude peut être déduite, lorsque le maillage de radars est suffisant, de la prise en compte des signaux de plusieurs radars simultanément.
Très utile dans les premiers temps de l’aviation, le radar primaire, même s’il est toujours utilisé aujourd’hui, est rapidement devenu insuffisant face à la croissance du traffic d’autant plus qu’il souffre de quelques limites.
Il est en effet meilleur pour détecter des appareils d’une certaine taille, idéalement métalliques (il a du mal avec les matériaux composites), son fonctionnement peut être altéré par les conditions météorologiques (pluie, neige…), sa portée peut être affectée par le relief (montagnes…) et il peut relever des faux positifs (montagne, arbre, oiseaux, voitures).
Le radar secondaire
Un radar secondaire ou SSR (Secondary Surveillance Radar) travaille en collaboration avec l’avion pour informer les contrôleurs aériens.
Son introduction dans le contrôle aérien date des années 50 et va de paire avec le fait qu’à ce moment les avions aient été équipés d’un appareil appelé transpondeur (contraction entre transmetteur et répondeur).
Avant le vol le contrôle aérien affecte un code (squawk) à chaque vol. Le pilote le rentre dans le transpondeur et cela sert dès lors d’identifier à quel vol on a affaire.
Le radar secondaire émet un signal demandant à l’avion de s’identifier et, en retour, le transpondeur lui renvoie certaines informations selon le mode dans lequel il opère.
• Mode C : le code de l’appareil, sa position et son altitude à 100 pieds près.
• Mode S : le code de l’appareil, sa position son altitude à 25 pieds près, son indicatif, son cap magnétique, la vitesse indiquée, la vitesse sol et le taux de virage. Il indique également les instructions que les pilotes ont donné au pilote automatique.
Le transpondeur peut également être utilisé par l’équipage pour transmettre des messages d’urgence sans avoir à communiquer oralement avec les contrôleurs (par exemple 7500 pour un détournement d’avion, 7600 pour une panne radio, 7700 pour une urgence générale ou une situation de détresse).
Il faut bien comprendre que radars primaires et secondaires ne se remplacent mais se complètent, en tout cas pour le moment ! Le radar secondaire est en effet tributaire du bon fonctionnement du transpondeur voire des instruments de vol : si pour une raison ou une autre les indications de vitesse ou altitude sont fausses alors le transpondeur transmettra des informations erronées.
Et si le transpondeur est coupé ou ne fonctionne pas, seul un radar primaire permettra de voir l’avion, pourvu qu’il soit à bonne portée.
Mais il faut savoir que la portée de ces radars est limitée et qu’aujourd’hui seuls 10% de la surface de la terre sont couverts ! Mais rassurez vous, même dans une telle zone l’avion n’est pas invisible pour autant.
Liaison radio
Avant l’arrivée des radars secondaires et de dispositifs plus évolués, le seul moyen pour le contrôle aérien de savoir où se situe un avion était de demander régulièrement aux pilotes, par la radio, où ils se situaient et même, d’ailleurs, de quel vol il s’agissait et où il allait.
Pas parfait mais il n’y avait pas d’autre options et, même aujourd’hui, on demande aux pilotes de prendre régulièrement contact avec le contrôle aérien lorsqu’il arrivent à certains points de leur itinéraire (points de report). Lorsqu’un avion quitte une zone de contrôle il est invité à se mettre en liaison radio et se faire connaitre des contrôleurs en charge de la zone voisine.
L’ADS (Automatic dependent surveillance)
L’ADS est le système le plus moderne de suivi des avions et il se repose lui aussi sur l’utilisation du transpondeur.
Mais au lieu de répondre à un radar secondaire, le transpondeur calcule sa position grâce au système GPS et envoie automatiquement ses informations à des stations au sol et vers d’autres avions situés à proximité.
L’ADS peut être utilisé en deux mode : B et C. Pour pour Broadcast (diffusion) et C pour Contract (Contrat).
• ADS-C : une connection est établie manuellement entre l’avion et la station qui le suit et l’avion envoie régulièrement ses informations.
• ADS-B : l’avion envoie ses signaux de manière publique et quiconque est intéressé peut les capter (stations au sol, autres avions…) dans une limite d’environ 450km (280 miles). Pour aller au delà de cette limite on utilise des satellites qui relaient les signaux aux stations au sol.
S’il existe encore des zones ADS blanches, que des connections soient perdues quelques secondes lors du passage d’une zone satellite/radar à une autre ou encore que le transpondeur cesse d’émettre quelques secondes car il est occupé par une communication entrante ou parce qu’il a momentanément perdu le signal GPS, il est rare qu’un avion soit totalement perdu de vue plus de quelques dizaines de secondes.
Si jamais la connection ADS est perdue le contrôle aérien se fie au plan de vol pour calculer une position estimée basée sur la dernière position connue. Il a donc une une position simulée, « fictive », le temps que la connection soit retrouvée.
Puisqu’il utilise les ondes radio, l’ADS rend le radar inutile et permet donc de couvrir quasiment 100% du globe et en tout cas, réduit drastiquement les zones dites blanches. On considère qu’il constitue l’avenir du guidage puisqu’il permet de guider un avion dans n’importes quelles conditions de visibilité au sol comme en vol avec une précision d’un mètre et à l’appareil de se situer dans le traffic environnant. Il est obligatoire depuis 2020 en Europe et aux USA.
Bien entendu il souffre tout de même de certaines limites similaires à celles du radar secondaire dans la mesure où il s’appuie sur les données transmises par l’avion. Si pour quelque raison que ce soit elles sont erronées, alors le contrôle aérien et les autres appareils recevront des données erronées.
L’ADS-B n’étant pas chiffré n’importe qui peut accéder aux données et notamment des site comme Flightradar24 dont on parlera plus loin.
Les messages ACARS
ACARS signifie Aircraft Communication Addressing and Reporting System. Ca n’est pas un système de localisation mais il mérite tout de même d’être mentionné ici.
Il s’agit d’un système de communication entre l’avion et les stations au sol qui envoie permanence des messages automatisés sur l’état de l’appareil et ses équipements afin de diminuer la charge de travail des pilotes. Dans l’autre sens il peut recevoir des informations sur la météo, le traffic, les points de vigilance dans une zone donnée. Il permet également d’envoyer des messages manuels et recevoir les réponses sur une imprimante.
Si l’ACARS est silencieux pendant trop longtemps il reçoit un « ping » d’interrogation des stations au sol auquel il répond automatiquement.
Flightradar24
Flightradar24 est un site très populaire qui permet de suivre en temps réel le vol d’un avion avec de nombreuses données (vitesse, altitude, squawk…). Ca n’est bien sûr pas un outil pour le contrôle aérien mais c’est celui de tous les fans du secteur.
Comment fait Flightradar24 pour disposer de toutes ces informations?
Sans surprise l’essentiel de ses données vient de l’ADS-B ! Mais pas uniquement.
Commençons par l’ADS-B. Comme nous l’avons dit plus haut ses données sont accessibles à tous pourvu qu’on ait un récepteur. Flightradar a donc créé un réseau collaboratif de stations avec une communauté d’utilisateurs, bénévoles, qui en ont installé plus de 30 000 récepteurs chez eux.
Pour les zones que sa communauté ne couvre pas, Flighradar24 utilise d’autres moyens.
Tout d’abord la multilatération qui lui permet d’estimer la position d’un appareil par rapport à différents points connus. Elle est utilisée pour les appareils non équipés en ADS-B.
Ensuite toutes les données radar pour les vols en Amérique du nord.
Enfin certains fournisseurs de services d’ADS-B satellitaire avec qui ils ont des partenariats.
Donc si Flightradar n’est pas fiable à 100% c’est ce qui existe de moins éloigné des données disponibles pour contrôle aérien.
Cas pratiques : les vols AF447 et MH370
Tout cela est bien technique et théorique, nous allons voir comment cela fonctionne (ou pas) au travers de deux cas concrets que sont les vols AF447 et MH370
Le vol AF447
Il s’agit bien entendu du vol Air France entre Paris et Rio tragiquement disparu le 1er juin 2009.
La question n’est pas de discuter des causes de la disparition de l’appareil mais du moment où on a réalisé qu’il y avait un problème.
Après le décollage de l’appareil plusieurs tentatives de connection ADS-C échoueront. Deux fois car le système de contrôle aérien n’avait pas le plan de vol de l’appareil, une fois car l’immatriculation complète de l’appareil ne figurait pas dans le plan de vol.
Un appel du contrôle aérien reste sans réponse sans que l’on ne s’inquiète. Une dizaine de minutes plus tard un dernier contact radar a lieu au large des côtes brésiliennes, au sud de la Guyane. Dès lors, en l’absence de communication radio, le contrôle aérien n’aura comme on l’a vu qu’une simulation de sa trajectoire et de sa position, une vue fictive.
Ca n’est qu’e plusieurs heures qu’une heure plus tard que faute de contact avec l’équipage qui ne s’est pas présenté à un point de report et qui reste injoignable que l’on commence à s’inquiéter. L’équipage ne répondra jamais ni au contrôle aérien ni aux appareils qui, alertés, tenteront de le joindre. On enverra ensuite des messages ACARS qui seront rejetés. La suite, ou plutôt ce qui s’est passé entre temps, on la connait.
Si on connait les raisons de l’échec de la connection ADS-C on peut s’étonner de la non utilisation de l’ADS-B. La raison est simple : on est en 2009 et l’appareil n’en était pas équipé. Il est obligatoire en Europe depuis 2016 pour les appareils neufs et 2020 pour les appareils anciens.
Dans ce cas il ne restait que les communications radio et on peut s’étonner qu’on ne se soit pas ému plus vite de l’absence de réponses de l’équipage. Mais comme l’appareil a été vu par un radar quelques minutes plus tard…
Quant aux données ACARS émises par l’appareil elles ont confirmé que l’avion avait connu de graves problèmes sur les commandes de vol et les sondes pitot. Elles ont bien été reçues en temps réel par la maintenance mais personne n’y a prêté plus d’attention car il y avait eu des précédents sans gravité par le passé pour des avions traversant des orages. Ca n’est que lorsque le centre des opérations de la compagnie, après avoir été alerté par le contrôle aérien et avoir tenté en vain de contacter l’appareil pendant plus d’une heure, qu’on a commencé à réunir toutes les informations à disposition (ce qui est une procédure normale, la vocation première de l’ACARS étant la maintenance).
Que les choses soient claires : aucun des dispositifs mentionnés ici n’aurait pu sauver le vol. Par contre des heures précieuses auraient pu être gagnées si, par exemple, il y avait eu des survivants à secourir. Et on aurait découvert l’épave certainement plus vite. En effet pendant deux heures on a pu croire que tout allait bien car l’appareil apparaissait sur les écrans radar alors qu’il s’était déjà abimé en mer.
Le vol MH370
Inutile non plus de présenter le vol MH370 disparu le 8 mars 2014. Ici les choses sont à la fois plus simples et plus compliquées. Compliquées car l’incident reste inexpliqué, simples car on a que les faits.
L’avion a quitté la zone du contrôle aérien malaisien en saluant les contrôleurs mais n’a pas pris contact avec les contrôleurs aériens vietnamiens .
La connection ADS-B a ensuite été perdue ce qui visiblement n’est pas inquiétant, cela arriverait dans le secteur. Par contre elle ne s’est jamais réactivée et c’est ce qui a alerté les autorités. A ce stade cela peut être une question de connection ou de transpondeur défecteux ou volontairement coupé. Ou de crash.
L’avion a également disparu des radars ce qui peut s’expliquer par le fait qu’il était trop loin ou trop bas ou disparu (pour le radar primaire), et que son transpondeur ne fonctionnait pas (radars secondaires).
Reste enfin l’énigme des messages ACARS. Une heure après la disparition du vol un ping aurait été envoyé par la compagnie à l’avion. En vain. Par contre selon la fournisseur de satellites Inmarsat, l’appareil aurait répondu à des pings émis par les stations au sol pendant au moins 6h. Par réponse comprenez que l’appareil disait qu’il était connecté mais n’envoyait aucune information de localisation. Le temps de réponse a toutefois permis d’essayer d’estimer une trajectoire. Fiabilité des données encore sujette à caution, calculs complexes avec de fortes marges d’erreur : on n’en a rien tiré de concluant et on ne sait même pas si ces données sont fiables.
Un peu comme dans le cas du vol Air France on voit que ces dispositifs, s’ils ne peuvent rien empêcher, peuvent aider à comprendre les choses en temps réel ou a posteriori…à condition de fonctionner. Ce qu’on en retient c’est que faute de fonctionner pour apporter des réponses il ne font que poser des questions en proposant quelques indices pour y répondre.
Conclusion
Il y a de nombreuses manières de suivre et localiser un avion, qu’elles soient externes (radars) ou internes (transpondeurs, ACARS), que ça soit par ondes radio, électromagnétiques ou par satellite.
S’il existe encore des zones blanches elles sont de plus en plus rares et si perte de contact il y a elle n’est que courte. Sauf si un facteur externe s’en mêle…
Maintenant il est urgent de relativiser. Pour deux vols à propos desquels il y a des choses à dire combien de vos où ces dispositifs on parfaitement fonctionné voire ont empêché la survenance d’une situation critique ? Tous les autres.
Image : Airborne06, CC BY-SA 3.0 https://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0, via Wikimedia Commons