Avion ukrainien abattu en Iran : Les conséquences sur le transport aérien

Le 8 janvier dernier, les forces militaires iraniennes abattaient un avion de la compagnie Ukraine International Airlines, le vol PS752 devant relier Téhéran à Kiev, tuant les 176 personnes à bord, passagers et équipage.

L’appareil en question, quelques mois avant son crash

Si les crashs sont toujours dramatiques, celui-ci pose question car l’histoire semble se répéter à l’instar du crash du vol Malaysia Airlines MH17.

Pour y voir plus clair, nous avons demandé à Xavier Tytelman de répondre à nos questions à froid, après la vague des média mainstream, pour aller plus loin.

Contrairement à ce que cette photo indique, Xavier n’est pas (encore ?) pilote de ligne

Xavier est ancien aviateur militaire, consultant aéronautique et fondateur du centre de traitement de la peur de l’avion, que TravelGuys a eu le plaisir de tester il y a quelques années.

Voici donc une analyse à froid ce ce qui s’est passé, et des conséquences pour l’industrie aéronautique.

La rapide convergence vers la piste du missile

TravelGuys : Dès le départ, la perte des instruments en altitude faisait aller vers une piste non-technique, non ?

Xavier Tytelman : D’une manière générale, un avion n’arrête pas d’émettre de façon instantanée, il n’y a que trois options imaginables :

  • L’avion est hors de portée des équipements que les passionnés ont mis sur leur toit pour capter les transpondeurs des avions (c’est le principe de FR24),
  • Une destruction pure et simple de l’appareil (vu avec le MH17 touché par un missile),
  • Une coupure de l’alimentation électrique, quelle soit volontaire ou subie (MS802 et MH370).

Dans ce cas on avait trois indications complémentaires pointant vers l’option du missile :

  • Une rupture instantanée sans problème préalable dans l’évolution de l’avion ni l’envoi de messages automatiques de dis fonctionnement,
  • Une vidéo montrant l’avion en flamme avant de s’écraser (or on peut difficilement concevoir un incendie visible de l’extérieur qui empêche en même temps les systèmes électroniques de fonctionner dans l’avion),
  • L’empressement des iraniens à avancer une cause technique, avant même que les boîtes noires ne soient trouvées au sol…

Tout doute a ensuite disparu avec les photos des débris criblés d’impacts, l’identification d’une tête chercheuse de missile SA15, et la dissuasion de deux autres vidéos montrant clairement les missiles toucher l’avion.

Mais malgré cela et les infos satellite des services de renseignement (qui détectent la chaleur d’un tir de missile depuis l’espace), l’Iran a encore tenté de nier sa responsabilité… Jusqu’à devoir avouer… Ils n’ont simplement pas compris le monde dans lequel ils vivaient.

TravelGuys : Dans un crash, on aime analyser les causes pour en tirer des leçons… Est-ce vraiment possible en pareil cas ?

Xavier Tytelman : Demander que des militaires soient correctement formés est évidemment un préalable à toute autre évolution. Il était simplement inimaginable qu’un opérateur puisse penser qu’un avion de ligne en montée lente dans l’axe de l’aéroport et s’éloignant de Téhéran avec un système d’identification opérationnel puisse être assimilé à un missile de croisière américain… ce fut malheureusement le cas.

Boeing 777 d’El Al, équipé d’un leurre anti-missile

Il n’y a pas tellement d’option technique, si ce n’est l’installation de systèmes de leurres anti missiles sur les avions civils, comme l’a fait la compagnie El Al. Mais ce système est excessivement cher et principalement efficace contre les missiles tirés depuis l’épaule, pas contre ceux guidés par une vraie station radar.

Des conséquences importantes pour les vols qui transitent dans la zone

TravelGuys : Quelles sont les conséquences pour les vols, nombreux, qui transitent dans la zone ?

Xavier Tytelman : Il n’y en a aucune : l’incompétence d’un opérateur servant sur un système destiné à des tirs en basse et moyenne altitude n’a pas la moindre possibilité d’être un risque pour un avion de ligne volant à plus de 10.000m.

Les compagnies du Golfe survolent massivement l’Iran et l’Irak d’habitude

Travelguys : Et quid de Qatar Airways, qui doit déjà éviter les EAU et l’Arabie Saoudite ?

Xavier Tytelman : Il est très fréquent que des zones doivent être fermées au trafic civil : interdictions diplomatiques, tir d’une fusée, opérations militaires sur une zone…

À l’époque de l’URSS, il fallait par exemple réaliser un détour incroyable pour aller d’Europe jusqu’au Japon, à chaque tir d’une fusée Ariane une large zone est interdite aux avions.

Et même si il n’y a aucun risque de voler au-dessus de l’Afghanistan pour les avions de ligne, on ne laisse jamais s’insérer au milieu d’appareil militaire qui risque de lancer des bombes…

Qatar Airways a choisi de continuer de voler au-dessus de l’Iran malgré le conflit ourlé du moment

La principale conséquence serait D’accroître la durée du trajet en obligeant les avions à réaliser des détours supplémentaires pour éviter une potentielle zone de conflit en Iran.

TravelGuys : Quelles ont été les mesures prises par les compagnies ?

Xavier Tytelman : Les rares compagnies qui desservent encore l’Iran n’ont pas reçu d’interdiction de continuer leurs opérations.

Et des avions de Qatar Airways, Emirates ou Turkish Airlines continuent de se poser tous les jours en Iran. Les autres grandes compagnies ont choisi de supprimer leurs vols, comme Lufthansa ou Air France.

Lufthansa a suspendu l’ensemble de ses vols pour Téhéran pour 3 mois

Des compagnies auraient pu renoncer à continuer leur vol, de la même manière que la France avait mis des marge de sécurité gigantesques après les tirs aléatoires menés par la Corée-du-Nord sur le Pacifique, mais à ma connaissance il n’en est rien.

Avec la retombée de la tension et la fin des échanges de tirs autour de l’Iran, la situation devrait se normaliser.

Et ensuite ?

TravelGuys : Peut-on s’attendre à d’autres évènements du genre ?

La quasi-totalité des pays du monde sont équipés de systèmes lourds pour défendre par exemple les centrales nucléaires ou des sites militaires…

Même si il y a plusieurs précédents, on peut désormais considérer le risque comme nul dans les pays correctement équipés et dont les opérateurs sont formés.

La question est peut-être différente dans les zones de conflit, et dans ce cas les voyageurs peuvent évidemment mesurer le risque qu’ils prennent en voyageant dans la zone.

Mais la question n’est pas spécifique à l’aviation, c’est un choix délibéré de se rendre sur une zone déconseillée par les autorités diplomatiques.

Conclusion

Des conséquences plutôt limitées, donc, et en tous cas peu de choses à faire pour éviter que l’évènement ne se reproduise.

Un grand merci à Xavier Tytelman, que vous pouvez retrouver sur son site, sa chaine YouTube ou son fil Twitter.

Olivier Delestre-Levai
Olivier Delestre-Levai
Olivier est sur la blogosphère du transport aérien depuis 2010. D'abord contributeur majeur du forum FlyerTalk, il crée en juillet 2012 le site FlyerPlan, et rédige des articles à l'écho majeur chez les spécialistes de l'aérien. Il co-dirige désormais le blog TravelGuys avec Bertrand, en se focalisant sur l'expérience de voyage et les programmes de fidélité. Et bien sûr, tous vos articles préférés de FlyerPlan sont désormais sur TravelGuys !
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